Une mobilité sobre, seul moyen de ne pas crever de chaud

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couv.La SNCF publie une étude sur les évolutions possibles de la mobilité en France à l’horizon 2050 et leurs impacts environnementaux.
Des 3 scénarios, un seul permet d’atteindre l’objectif adopté lors de la COP21. 

Les trois scénarios qui ressortent de l’étude

1- L’ « ultramobilité ».
Il repose sur l’accentuation des tendances actuelles de grande mobilité : les citoyens habitent de plus en plus loin de leur activité, qui se trouve éventuellement dans une autre ville, ils aspirent à habiter au calme, ils ont envie de voyager et sont très attachés à la voiture, surtout à la leur. Pour les longues distances, l’avion à bas coût, le covoiturage et l’autocar se développent fortement. C’est « Toujours plus vite, toujours plus loin ».
Compte tenu des hypothèses de croissance économique et démographique retenues, il résulte de ce scénario une croissance totale de + 30% de la demande de mobilité en voyageur/km. Une telle augmentation s’inscrit dans la norme de ce qui est attendu dans la plupart des pays européens à l’horizon 2050.

2- L’ « altermobilité ».
Ce second scénario repose aussi sur une grande mobilité, mais avec une plus grande part assurée par la marche, le vélo, les transports en commun locaux, le train, l’autocar, les voitures partagées et la multimodalité.
Les personnes concernées aspirent à moins d’automobile dans la vie quotidienne et dans l’espace public, ce qui se traduit par le développement de systèmes de transport efficaces. Elles souhaitent un essor des transports collectifs ou partagés et une meilleure desserte porte à porte, avec par exemple la marche, le vélo (même en périurbain et à la campagne), les transports en commun locaux, les taxis collectifs, le train, l’autocar et les voitures partagées, tout ça bien intégré grâce à des correspondances rapides, un billet unique (près de la moitié des Français interrogés pour l’étude déclarent que l’accès à tous les transports de leur déplacement avec un seul billet les inciterait à utiliser plus le train), et une information sur le trajet complet immédiatement disponible (grâce aux solutions digitales).
La voiture personnelle perd du terrain et l’on se dit de plus en plus sensible au lien entre exercice physique et santé. C’est « Se déplacer autrement ».
Ce scénario comprend aussi la croissance des systèmes de voitures à la demande ou partagées, des taxis, l’espace public récupéré, la dé-saturation des TC grâce à l’augmentation des modes actifs, l’amélioration des cadences, le lissage des heures de pointe par changement des horaires contraints, etc. Bref, l’enclenchement de ce cercle vertueux nécessite des mesures volontaristes. (Et il semble commencer à être mis en oeuvre; ndlr)

3- La « proximobilité »
Elle présume que le « système altermobile » soit établi sur une bonne partie de la France et que les logiques de choix résidentiel aient évolué. Ici la vie urbaine est revalorisée : on y voit davantage d’espaces naturels, de commerces et de services, grâce notamment aux modifications du droit foncier et du code de l’urbanisme.
Dans ce scénario, les personnes ont encore plus recours aux transports actifs (qui auront gagné en efficacité, comme les modes partagés) que dans le scénario de l’altermobilité : leur utilisation aura doublé par rapport à 2013.
Sont recherchées la qualité de vie à proximité de chez soi, le fait de vivre des temps de qualité et de prendre le temps de vivre.
Pour les trajets longue distance, ces personnes privilégient le train. C’est « La qualité de vie de la proximité ».
Les personnes appartenant au type « ancré dans la proximité » sont largement plus représentées dans les grandes villes. Mais l’enquête montre aussi que la proximité des commerces et des services est le 2ème critère de choix le plus important du lieu de résidence, juste derrière le fait de vivre dans un environnement calme et tranquille. Cette proximité permet l’essor des modes actifs, et un recours très modéré à l’automobile, ce qui provoque aussi le retour du calme en ville … La voirie se retrouve majoritairement dédiée à la marche, au vélo, aux transports collectifs et aux usages partagés de l’automobile.
Dans ce scénario le déménagement (pour se rapprocher des lieux de travail) doit être facilité (marché immobilier fluidifié, coûts liés à l’achat d’un bien réduits, etc.), et la communication à distance fiable.
Globalement, ce scénario postule une diminution de la demande de mobilité totale de plus de 20% par rapport à 2013, hors effets démographiques et économiques. La mobilité totale en 2050 du 3° scénario est donc au même niveau que celle de 2013.

Seul le scénario n°3 permet de rester en-dessous des 2°C de réchauffement climatique
La conclusion de l’étude est que seul le scénario de la « proximobilité » permet de réaliser l’objectif national de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 et ainsi limiter le réchauffement de la planète en deçà de 2°C.
Pour tendre vers ce scénario, il est nécessaire d’orienter la mobilité vers les modes de transport les moins émissifs (le train, les modes partagés et les modes actifs). Selon les conclusions de l’étude, les comportements des personnes doivent évoluer et des décisions politiques doivent être prises (modification des règles d’urbanisme, rééquilibrage des voies et routes en faveur des modes partagés et actifs, changement des règles d’occupation du sol, fixation d’un prix au carbone…)
L’étude souligne l’importance de cumuler un ensemble d’effets. Il est nécessaire à la fois de “décarboner” les véhicules, d’orienter la mobilité vers les modes de transport les moins émissifs , de voir évoluer le rapport à la mobilité et de prendre certaines décisions politiques.

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choix du véloCentralité du train
67% des Français interrogés pour l’étude sont ouverts aux solutions alternatives à l’automobile, ou déjà adeptes. Dans ce cas, le train constitue l’ossature du système. Mais 48% des personnes qui réalisent des déplacements professionnels à plus de 200 km de leur domicile ont déjà renoncé à utiliser les transports collectifs à cause de difficultés liées au bout en bout (complexité du trajet, difficultés au départ ou à l’arrivée).

Foi en l’essor du vélo
81% des personnes interrogées pensent que, d’ici 2050, l’aménagement des villes permettra de se déplacer rapidement et en toute sécurité à vélo. 97% considèrent que ce sera une bonne solution, et même 50% une très bonne solution (score le plus élevé parmi les nouveaux usages).
Les attributs les plus cités pour qualifier le vélo sont sain (cité par 42% des enquêtés), pratique, écologique, économique, agréable; il paraît dangereux pour 18% des répondants.

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bénéf santéDes effets favorables bien au-delà des questions de climat
Au-delà de la contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ces changements permettent de réduire de moitié les accidents et le temps perdu dans les transports et de diviser par six la pollution. La pratique des modes actifs est aussi un levier important de santé publique. Les externalités positives sont bien connues, et au total sur ce point les deux scénarios, altermodalité et proximobilité, ont de très bons résultats.
Compte tenu des coûts réels des différents modes de transport, le 3° scénario permet également à la collectivité d’économiser près de 100 milliards d’euros par an par rapport à la situation actuelle et aux autres scénarios.
Externalités

Pas de choix dans les moyens, il les faut tous
La SNCF reconnaît cependant que le facteur 4 ne sera pas atteint sans les effets cumulés de la technologie, d’un changement radical de paradigme modal, d’une évolution du rapport à la mobilité, et enfin d’un changement des règles d’occupation du sol et d’urbanisme.
Ce résultat tend à confirmer le fait que le débat sur le facteur 4 dans les transports ne devrait pas porter sur le choix entre « décarbonation des véhicules », « report modal » ou « baisse de la demande de mobilité », puisque les trois apparaissent ici absolument nécessaires pour l’atteindre.

 

couv.Facteur4, rapport complet (lien vers la page)
Cette étude est le résultat de travaux d’experts français et internationaux – sociologues, économistes, ingénieurs, spécialistes de transports de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, de l’Ademe, Trans-Missions et OuiShare – complétés par un sondage mené par l’Ifop en juin et juillet 2015. Elle a été coordonnée par Aurore Fabre-Landy.
Tous les chiffres de l’étude s’appuient sur les statistiques 2013, celles de 2014 n’étant pas intégralement disponibles lorsque l’étude a démarré. L’enquête IFOP de 2015 vient actualiser certaines données.
L’étude vient seulement d’être diffusée, après un report dû aux évènements de l’automne.

Présentation de l’étude dans Roue-libre du 20 mars 2016.

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