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mardi, 05 février 2013

Ces règles qui vous font peur

Trop de réglementation tue la rue, a-t-on entendu sous plusieurs angles lors de la journée «Une voirie pour tous» à Arras, ce jeudi 31 janvier. Cela fait écho aux réflexions exposées sur ce blog, et cela n’est pas sans susciter quelques inquiétudes... car, au fond, est-ce la réglementation elle-même qui est en cause ?

Présentation du livre "Reconquérir les rues" de Nicolas Soulier.



Il est vrai qu’il y avait de quoi être pessimiste à écouter certains des intervenants expliquer, l’un qu’il ne savait comment respecter les seuils des uns et des autres «en même temps» (0 pour vélos, 2 cm pour PMR, 6 pour mal-voyants, 12 pour les autres), ou expliquer que faire des bandes cyclables c'était difficile parce qu'il fallait élargir la route... ou l'autre qu’il avait choisi un statut «par défaut» pour une banale rue réaménagée, sans imaginer une seule seconde qu’une rue pouvait n’être ni en zone 30, ni aire piétonne, ni zone de rencontre ... que le stationnement pouvait n’être ni bi-latéral ni longitudinal, qu’une rue pouvait devenir une impasse, qu’elle pouvait accueillir arbres ou bancs ...  et qu'il n'y a pas besoin de la faire rentrer dans une case (1).

 

L’obsession de la réglementation stérilise vos cerveaux, messieurs. 

 

Il y avait de quoi être pessimiste à écouter le pessimisme d’un autre intervenant excuser ses confrères d’avoir la trouille de l’accident et du procès.

 

Et c’est bien dommage que ces séquences catastrophiques pour l’ambiance aient été programmées l’après-midi, car le matin nous avons entendu Nicolas Soulier vanter les mérites des rues «habitées» par leurs riverains, des rues où il est bien vu de déposer ses vélos sous la fenêtre, de fleurir le trottoir d’en face et d’avoir un arbre qui déborde.

 

Les rues font partie de l'espace public

N. Soulier a publié un livre qui, après le célèbre Le temps des rues, de Lydia Bonanomi (1990), présente des exemples de rues végétalisées et utilisées, partout dans le monde ... des rues où le privé et le public n’ont pas de frontière très précise, des rues où, en conséquences, il y a de la vie.

 

Et pourtant il y a des règles, comme les exemples le montrent. Il peut être par exemple interdit d’avoir des clôtures étanches et des murs aveugles, des séparations de plus de 1,20 m de haut. Il peut être autorisé de construire devant la maison ce qu’on veut, à condition que cela ne dépasse pas telle hauteur et que cela n’occulte pas la vue. Ce sera un abri à vélos, un banc, une table et des bancs, un jardin... Ailleurs les riverains peuvent planter un arbre si bon leur semble, entretenir les plate-bandes... Il suffit de signer un contrat avec la Ville. (Ce sera aux frais du demandeur, mais il s’engagera à le faire !) Cela m’évoque les rues des villages lorrains, où tout le devant sert à stocker les tracteurs, le bois, etc. Les maisons se prolongent dehors, la vie se passe aussi dans la rue. 

Nicolas Soulier parle de processus fertiles, qui s’opposent aux processus de stérilisation. Parmi ces derniers, le manque de précautions : il faut interdire de tourner le dos à la rue (il doit être obligatoire de faire coïncider façade, entrée, rue), il doit être interdit de transformer son jardin de devant en parking ... Tout doit être fait pour préserver la vie-!  

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Les exemples qui ont été montrés viennent de Fribourg en Brisgau, de Brême, des Pays-Bas ou du Japon. Pas de France, puisqu’en France tout est interdit (sauf de laisser trainer dehors sa grosse voiture ou de s'isoler). Tout est impossible en France, même ce qui serait d’utilité publique, à savoir rendre vivante et belle sa rue, permettre aux gosses de s’amuser et se créer leur monde, d’expérimenter les accidents... tout en facilitant la surveillance des petits par les habitants plus grands...

Ce n’est pas en Allemagne qu’on est le plus soumis aux règles, remarque-t-il en souriant ... 

 

Entre Obsession des règles (même inventées!), corellée à paralysie, et Absence de règles, qui rime avec risque de stérilisation, il y a de la place pour liberté, créativité, relations de voisinage et sentiment de communauté. La règle à adopter c'est de se doter de règles bénéfiques, conclue Nicolas Soulier.

 

Reconquérir les rues. Nicolas Soulier, éditions Ulmer. 26 €

Le temps des rues, Lydia Bonamoni, école polytechnique fédérale de Lausanne, 1990.

Une voirie pour tous : formations, publications, rencontres ...

Sur la qualification des rues, voir aussi : N'importe quoi n'est pas n'importe quoi, décembre 2010, sur ce blog.


(1) Quelle idée, aussi, de confier la conception de l'espace public à des ingénieurs ! Leur métier, c'est les flux et les réseaux, pas la beauté ! Ah les malheureux ! Il faut au moins les envoyer en formation !!! (ça c'est pour la blague, mais regardez les images sous le lien du livre : là vous comprendrez en quoi le recours à des professionnels "de la ville" est indispensable.)

Commentaires

Ce n'est pas forcément une question d'ingénieurs ou de professionnels de la ville, mais de "comment on les forme", là c’est sûr.
Jeune ingénieure on m'expliquait en cours de "voirie réseaux divers", il y a 4 ans, que "mettre un trottoir de chaque côté de la route ça ne sert à rien" sans pour autant compléter avec la présentation des zones de rencontre ou autres espaces pacifiés, en justifiant par l'idée qu'il vaut mieux garder suffisamment de place pour une voie à double sens limitée à 50km/h.
Je ne sais pas ce qu'on apprenait en école il y a 20 ans mais cela explique en partie l'état actuel de nos villes (ça et l'appartenance à la génération "tout voiture" de la grande majorité de nos élus, qui, après tout, sont ceux qui prennent les décisions finales - pas les ingénieurs).

Écrit par : Dalia | lundi, 11 février 2013

En France, ce n'est clairement pas le trop plein de contraintes qui asphyxie la rue. C'en est bien l'absence !
Je parle bien de contraintes réelles, pas des multiples règlements qui sont totalement ignorés.
Exemple : garez votre voiture où bon vous semble, laissez vos poubelles en extérieur à l'année, ne taillez pas vos haies, etc. Aucun risque à avoir, la répression est inexistante, le laisser-aller est communément partagé.
Pour que nos rues ressemblent à ces exemples en Allemagne ou aux Pays-Bas, il faut que l'espace public soit vu comme appartenant à tout le monde et non pas, comme en France, comme n'appartenant à personne.
Quant aux aménageurs qui geignent de peur du procès, quel farce ! Loi sur l'air bafouée, idem pour celle de l'accessibilité, etc. Bref, ils mériteraient DÉJÀ des procès à la pelle...

Écrit par : Colibri | lundi, 11 février 2013

Les commentaires sont fermés.

 
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