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jeudi, 27 mars 2014

Comment le vélo transforme nos sociétés cabossées

livreLe livre de Oliver Razemon, Le pouvoir de la pédale, sort aujourd'hui. Ce qui est bien, c'est qu'il commence comme un roman : «Mon corps m'appartient !» crie celui qui n'en sera pas le héros. Un livre écrit par quelqu'un qui sait écrire capte forcément mieux son lectorat qu'un texte poussif. La deuxième qualité de cet ouvrage, c'est la mention de nombreuses sources et la variété des témoignages et choses vues.


Quand il n'y a pas de source, justement, méfiance. Que je sache ce ne sont pas les architectes des bâtiments de France qui imposent le marquage «en noir et blanc» de nos pistes, ni l'automobile qui a été inventée avant le vélo, au motif que le fardier de Cugnot date de 1770. Et si l'on découvre encore un nouveau fondateur pour le Club des villes cyclables, tant mieux pour lui, après tout.

Choses vues, questions posées
Nul n'est parfait, mais l'auteur a ceci de bien qu'il s'est beaucoup promené et a rencontré nombre d'informateurs. C'est ainsi qu'il en a entendu sur les origines des politiques cyclables dans plusieurs pays : crise pétrolière aux Pays-Bas, pluies acides en Allemagne, crise budgétaire à Berlin … et, pour la France, « la double contribution, involontaire puis volontaire, d'Alain Juppé » que je vous laisse découvrir !

Ailleurs il nous décrit des Rev (réseaux express vélo), qu'il croit que nous appelons «rocades radiales» (ce qui ne voudrait rien dire) et que lui appelle «autoroutes cyclables» : leur signalisation (et même des feux modifiés s'il pleut pour favoriser les cyclistes), les services qui les accompagnent. «L'inventivité n'a pas de limites», il nous en préconise quelques exemples. De description l'ouvrage frise quelque fois le livre de recommandations.

Considérations assises sur le concret
Dire que l'auteur ne prend pas parti serait excessif, mais cela est, pour l'essentiel, assis sur du concret. N'a-t-il pas raison en disant que «la contrainte fait parfois évoluer la société plus vite qu'un plan de déplacement dûment acté et financé» et que c'est aux politiques de décider plutôt qu'aux référendums (ce qui ne l'empêche pas de proposer en fin de livre un «carnet pratique» pour faire la vélorution soi-même) ?
N'est-il pas dans le juste lorsqu'il écrit que bien souvent on a moins besoin d'aménagements dits «cyclables» que de «défaire les équipements qui bloquent les itinéraires», ou lorsqu'il donne les chiffres permettant d'affirmer qu'une piste cyclable coûte environ 25 fois moins qu'un tram, à débit identique : certains trajets qui seront faits en super-métro (Ile-de-France) pourraient très bien se faire à vélo, remarque-t-il.

Le vélo refait l'urbanité
J'en arrive à ce qui correspond le plus à son titre, me semble-t-il, qui est tout ce qui tourne autour du rôle que peut jouer le vélo pour contrer la «démission de l'urbain». «Le vélo tue l'hypermarché», relève-t-il, «le tout-voiture pousse la France dans les bras du FN». L'auto déshumanise les villes, vide leurs cœurs historiques, rend rues et routes désertes. Chacun finit par vivre enfermé et à avoir peur de tout.

  • «La promotion du vélo n'est ni de droite ni de gauche» ajoute-t-il comme s'il voulait me rendre service, remarquant ici que les deux mesures prises sous la présidence de Nicolas Sarkozy (double-sens et tourne-à-droite) ne font qu'entériner des situations (ce qui pourrait être un signe de réalisme).

Promouvoir le vélo, avec qui et quoi ?
J'aime bien l'humour de O. R. : Les «conflits d'usage» entre cyclistes et piétons sont ce que nous appelons «connard» en langage de tous les jours. Mais «tout se passe comme si les piétons considéraient les voitures comme légitimes», et l'on ne s'étonnera pas de leurs réticences à l'égard des vélos lorsqu'on apprend que leurs représentants pour l'élaboration du premier plan vélo venaient en automobile. Dans Paris !!!

  • Il y a des personnalités qui crédibilisent le vélo avec naturel, et d'autres, telle Martine Aubry, qui font le contraire, selon lui. … 

Il y a des «modes alternatifs au vélo» qui lui sont complémentaires et font baisser l'usage de l'automobile, et puis d'autres qui le font augmenter.

  • Ainsi y a-t-il des «services vélos» qui sont avant tout des moyens de communication, comme fait remarquer F. Héran, chercheur cité ici. Le vélo en libre-service, qu'on trouve partout et même en Chine, n'est "pas toujours nécessaire, et toujours insuffisant". Même le système parisien est promu comme un  objet "chic", tranquille, pas comme un mode de déplacement, comme on le voit dans son blog officiel. Quant à notre auteur, il nous raconte un tas de choses sur les Vélib's volés et sur le coût très élevé du système.
  • Il y a les sociétés de voitures partagées qui militent pour le vélo. Et il y a le service Autolib', dont est si fière la municipalité parisienne sortante, qui renforce la domination de l'automobile.

A lire ce livre vous aurez des surprises bénéfiques. 


Bref, «le vélo (le vrai) ne transformera pas la société de fond en comble, mais (il) y contribuera.» Sinon, place à la société hyper-technologique, égoïste où chacun se recroqueville sur son petit cercle familial ... Chacun trouvera dans ce livre les arguments dont il a besoin ! 

 

livreLe pouvoir de la pédale
Comment le vélo transforme nos sociétés cabossées
Olivier Razemon
Editions Rue de l'échiquier, 15 €


Je n'oublie pas de signaler aux nouveaux lecteurs le blog de l'auteur : L'interconnexion n'est plus assurée. Je le cite souvent.

Olivier Razemon sera l'invité de Roue libre (Francebleu Ile de France 107.1) dimanche prochain, de 9 h 30 à 10 h 00. Ecoutable et ré-écoutable par internet. Après, la plupart : allez voter ! 

Lire aussi : 3 questions à Olivier Razemon. Dans Agir pour l'environnement.

07:00 Publié dans Publications | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre

Commentaires

J'ai aimé. J'ai adoré certains passages. En revanche il y a des approches rétrogrades pour ne pas dire "has been". Dans ce livre, le "cycle chic" semble être la seule référence, comme le vélo droit.
Pouvons-nous intégrer la transition cyclable dans une vue plus globale, la transition mobile ? Ré-organiser les mobilités avec axes rapides, bus rapides, approches multimodales, réseaux vélo, smartphones, rôle de l'Etat et des lobbies, prix des stationnements ? Le vélo n'est pas la solution unique aux mobilités, il doit mieux s'intégrer à toute une palette de solutions.

Écrit par : Laurent Pietri | vendredi, 02 mai 2014

Les commentaires sont fermés.

 
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