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jeudi, 24 avril 2014

Coût des transports : de quelques idées reçues

Sans se démarquer de l’action en faveur des transports en commun non polluants et non émetteurs de gaz à effet de serre, Yves Egal, consultant, souhaite que certains arguments soient utilisés avec précaution.
C’est le cas de l’augmentation de la TVA sur les TC, de la pollution par la voiture et notamment par le diésel, de l’inutilité de certaines infrastructures, et du coût des externalités.
A lire avec calme... et en entier.


(1) L’Etat doit absolument taxer les transports publics


Un récent colloque de la FNAUT a mis en lumière le fait que l’usager ne paie pas assez et qu’il prendrait autant les TC s’ils étaient plus chers (ce qui compte pour un moyen de transport, c’est sa présence, sa fréquence et son confort), en accord avec les conclusions des experts conviés par la Vie du rail (article ici, décembre 2013). 

Il faut d’urgence augmenter le taux de couverture des dépenses par les recettes, ce à quoi pourvoit l’augmentation de la TVA. Il est en effet de bonne guerre que l’Etat récupère ce que les collectivités locales refusent de récupérer en fixant des prix trop bas et demandent ensuite àl’Etat de leur payer.

 

(2) La pollution c'est la circulation en entier, pas celle au diesel ! 

En ville la pollution est principalement due à la circulation routière, mais elle n’est pas responsable de «40 000 décès prématurés par an». Suite à un article alarmiste et mensonger de Libération (28 mars 2013), Le Monde a démonté ses assertions point par point dans son n° du 6 mars 2013, mais rien n’y fait. 

42 000 morts est un résultat ancien parmi d’autres.
La plus récente étude indique plutôt autour de 10 000 morts prématurées.

Le transport n’est responsable que de 15% des particules, avec toutefois une plus grande proportion en ville, là où sont sans doute les morts les plus nombreux (mais il n’y a pas de corrélation géographique établie). 

Si on tient compte de toutes les particules liées au transport, c’est à dire les particules issues de l’usure des routes, des moteurs ou des freins, les particules des moteurs à essence et des camions (pour lesquels le diesel est incontournable) ainsi que les particules d’autres sources (chantiers, bâtiment, incendies de forêts, agriculture) recyclées sans fin par les roues des véhicules sur les chaussées, on arrivait  avec peine, à l’époque des études, à 30% ou 40 % des particules qui seraient dues aux moteurs diesel des particuliers (ceux qui font polémique).     

Mais tout a changé à partir de 2011, avec la norme Euro 5. Aujourd’hui les moteurs diesel n’émettent presque plus de particules, l’efficacité (à 99%) des filtres à particules n’a jusqu’à présent été contestée par personne. Le diésel a pollué, mais il pollue considérablement moins aujourd’hui. La dédiésélisation viendra avec le rattrapage de la TICPE, mais il n’y a pas urgence sanitaire et on ne peut pas augmenter la TICPE du gazole d’un coup. 

Dans ces conditions, on doit pouvoir réviser à la baisse l’estimation du coût de la pollution, qui n’est sans doute plus que de 20 à 30 G€ par an.

 

(3) Il n’y a pas de projet d’infrastructure inutile


Selon moi, le TGV est utile, même le Lyon-Turin. Mais le canal Seine-Nord aussi est utile, tout aussi peu rentable que le Lyon-Turin à court terme, mais avec les mêmes perspectives bénéfiques à long terme.

Notre-Dame des Landes ne va prendre aucun passager au train. Il améliorera des dessertes européennes vers la province, ou des longs courriers, soulageant ainsi Roissy (comme pour le Lyon-Turin, raisonnons à 50 ans : que disons-nous aux riverains de Charles-de-Gaulle ?). Son principal objectif est urbanistique et vertueux : limiter les nuisances pour favoriser la densité urbaine dans la partie dense de Nantes. Surtout, son prix est dérisoire (équivalent à 25 km d’autoroute ou à un stade de foot ou de rugby), et il sera à coup sûr rentable. Nous avons trop de surfaces agricoles par rapport à la demande, que ce soit de la part du marché (l’Ukraine n’attend que ça) ou de la part des futurs jeunes paysans qui sont insuffisamment nombreux. Enfin la biodiversité n’est pas une question de surface et peut être reconstituée autour de l’aéroport. Il y aura moins de surface artificielle qu’en laissant la ville s’étaler.

 

Les autoroutes sont utiles tant que les cheminots refusent de rogner leurs avantages. Puisque le fer n’est pas prêt à accompagner la croissance, la route est la seule solution. Et les 44 t, voire les giga-camions de 60 t, sont un moyen de limiter les émissions puisqu’ils consomment moins de gazole par tonne transportée. A la SNCF de devenir compétitive !  

 

 

(4) Les externalités sont déjà payées


La congestion est assumée par les seuls automobilistes et non pas par la collectivité. Il n’y a qu’une seule solution à la congestion,  c’est le péage urbain. N’oublions pas que la congestion allonge le temps de transport automobile, qui reste néanmoins inférieur au temps de transport avec les TC.

 

Il n’y a pas gaspillage de pétrole tant que son prix s’équilibre en fonction de l’offre et de la demande. Il y a gaspillage dans les pays qui le subventionnent pour qu’il soit vendu en dessous du prix de production. C’est le cas des pays producteurs, des pays du Tiers Monde, des Etats-Unis et de tous les pays qui détaxent les carburants et ne font ainsi pas payer les routes. Mais ce n’est pas le cas de la France qui fait tout payer à la voiture par ses différentes taxes. Et presque tout payer à l’avion aussi.

Les accidents sont payés par les assurances, sauf ceux liés au travail, qui le sont par la Sécurité sociale.

Le bruit baisse grâce au progrès technique des moteurs, pneus, revêtements, et par les murs antibruit 

La pollution disparait quasiment (voir ci-dessus).

Les émissions de gaz à effet de serre disparaitront avec l’électrique et l’hydrogène (pas pour tout de suite).

Dans ces conditions, les coûts des externalités diminuent et sont bien moindres que du temps de Marcel Boiteux (initiateur du calcul de ces coûts dans les années 80) au point que la pollution et les émissions des voitures vont devenir inférieures à celles des TC en zones peu denses, calculées à la personne transportée, puisque ceux-ci sont peu fréquentés. 

Le covoiturage, les taxis occasionnels par les particuliers et l’autopartage vont être les solutions économiques ET écologiques sur les courtes distances dans le monde rural, c’est-à-dire sur 80% de notre territoire. Adieu, certains TER, adieu, cars subventionnés par les Conseil Généraux ! 

Le domaine de pertinence des transports en commun de courte distance restera la ville.


Yves Egal

consultant en écologie urbaine

08:00 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : train, tram, pollution, auto

Commentaires

Méfiance avec les filtres à particules qui dédouaneraient les diesels! Primo, les 1% qui passent à travers le filtre sont supposés être encore plus fins et pénètrent encore "mieux" dans le sang; et il faut aussi tenir compte du composé des particules diesel et de leur nocivité ... sans parler de tous les véhicules non équipés...

Écrit par : Tissot | dimanche, 27 avril 2014

Les 1% (ou moins) de particules non filtrées posent certes un problème, mais on ne sait pas en mesurer l'importance. Faisons des mesures plus précises avant de condamner le diésel !
Quant aux véhicules non équipés, ils vont disparaitre progressivement au fur et à mesure de leur remplacement. Le temps d'installer une ZAPA compliquée et il n'y aura presque plus de véhicules vraiment nocifs.

Écrit par : Yves | mardi, 20 mai 2014

«Les émissions de gaz à effet de serre disparaitront avec l’électrique et l’hydrogène (pas pour tout de suite).» --> ??? --> Et comment va-t-on produire toute cette électricité et cet hydrogène sans émettre de GES ?

Écrit par : Loz | dimanche, 27 avril 2014

Toutes les vérités sont bonnes à dire, encore faut-il faire preuve d’un minimum de rigueur. En plus des remarques déjà faites (parc automobile pas près d’être renouvelé, absence de perspective à court et moyen terme du tout électrique pour les déplacements automobiles), d’autres points sont relativement contestables :

* «Il n’y a pas gaspillage de pétrole tant que son prix s’équilibre en fonction de l’offre et de la demande.»
Malgré la hausse du coût du pétrole, beaucoup d’automobilistes ne semblent pas intégrer le coût réel d’un déplacement en voiture en utilisant celle-ci y compris sur des trajets où d’autres modes de transports seraient plus pertinents. En ce sens, une part des déplacements en voiture relève donc bien du gaspillage.

* « Les accidents ... Le bruit ... La pollution ... Les émissions de gaz à effet de serre ... »
Dans cette énumération du coût de la voiture manque (notamment) le coût des infrastructures et de la part du foncier liée aux déplacements automobiles et au stationnement, ainsi que le coût sanitaire lié à l’absence d’exercice (dès lors qu’on opte pour un mode de déplacement automatisé). Ces chiffres cumulés sont à eux seuls considérables.

* «La congestion est assumée par les seuls automobilistes et non pas par la collectivité.»
Il suffit de regarder n’importe quelle artère urbaine où la congestion automobile est récurrente pour comprendre que celle-ci dévitalise les zones traversées : certaines rues ne sont plus des lieux de vie, de commerce, précisément parce qu’elle se sont transformées en couloir automobile. En ce sens, tous ceux qui vivent dans ces lieux ou les traversent sont bien impactés par la congestion automobile.

Enfin, il est tout à fait vrai que les transports doivent être payés à leur juste coût, ne serait-ce que pour ne pas subventionner l’étalement urbain. Mais on ne peut pas d’un côté réclamer une taxation des TC par l’État (1) et d’autre part tomber dans la dénonciation facile de la supposée sur-rémunération des cheminots (3) (surtout quand on connaît les pratiques de dumping social d’un certain nombre de transporteurs routiers). En terme de sur-rémunération, il y a sans doute d’autres cibles vers lesquelles se tourner prioritairement.

Écrit par : David | dimanche, 27 avril 2014

Les commentaires sont fermés.

 
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