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jeudi, 27 novembre 2014

Jean-Louis Pons prend la tangente

JLPOns02.jpgJean-Louis Pons n'est plus responsable de la mission nationale des véloroutes et voies vertes. Il n'y a d'ailleurs plus de responsable du tout. Cela s'est passé dans la discrétion, Jean-Louis est même parti en retraite un peu en avance …
Portrait d'un homme passionné, très au fait des arcanes juridiques, et plein d'intuitions efficaces. (Avec des précisions apportées à la demande de JL. Pons, le 28 nov.)


Jean-Louis n'était pas content. Pas déçu, sans doute, mais découragé, malgré la passion qui l'anime rien qu'à l'évocation du mot «vélo».

JLPons01.jpg

La goutte d'eau, ce fut de voir qu'il n'arriverait pas à obtenir la modification de la définition officielle des voies vertes. Alors Jean-Louis a pris sa retraite quelques mois avant la date normale. Le 1er octobre, ça fait un compte rond, après tout, dit-il. Pas la peine de vasouiller au bureau à attendre que le bon sens l'emporte.

Ce ne fut pas facile de faire son portrait. Trop de réussites, deux échecs avoués, des dates incertaines, et même des ambitions divergentes pour ce portrait. Môssieur ne voulait pas que je parle de lui ! Il aurait voulu me convaincre de parler du vélo !  ... 

J'ai tenté de faire le portrait d'un type qui, même avant de s'occuper de vélo, était en train de préparer le terrain. Le portrait d'un type qu'on croyait débordé et foutraque et qui, au contraire, connaît le poids de la règle et la vertu du dialogue et du travail en équipe. 

Sa carrière fut logique, pas loufoque pour un sou, le fil conducteur s'y trouve, mais la passion, certes, brouille un peu les pistes. Quant aux dates, j'y ai renoncé.

 

Le territoire est à l'origine de tout

ponsJean-Louis Pons est un pragmatique au service du territoire, ça c'est ma définition. Lorsque je fais sa connaissance, dans les années 90, il est chargé de mission à la DATAR. Il part ensuite au ministère de l'Ecologie, où il est d'abord responsable de la politique des pôles d'excellence rurale. Déjà, m'avait-il fait remarquer, certains programmes comportaient des voies vertes. Celle de l'Orne, 60 km au départ de Alençon, par exemple (désormais sur le chemin du Mont Saint-Michel !!!). Dans la deuxième génération, qui s'achève, il y en a eu beaucoup plus.

Ces linéaires font partie du patrimoine naturel, reconnu par l'union européenne. Dans ce cadre, Jean-Louis fera aboutir la notion de «paysage culturel», ce qui est encore plus fort et sera un support d'une très grande puissance pour les futures voies vertes et autres véloroutes.


Mais tentons de revenir à la chronologie. Jean-Marie Berthier, qui fut le premier responsable de la mission Véloroutes et Voies vertes, prend sa retraite, et. J.L. Pons lui succède, en restant au ministère de l'écologie. Pour lui c'est la première faille, car il aurait fallu que cette mission soit rattachée à la coordination nationale du vélo. Et "même si  elle a bénéficié au Commissariat général au développement durable (bureau des Territoires), d'un soutien très efficace et particulièrement chaleureux", insiste-t-il cependant.

Une carrière dont la logique se dévoile à la fin

JLPons03.jpgJean-Louis Pons avait d'abord passé 19 ans dans l'armée de l'Air, mais ensuite on le trouve au ministère de l'Equipement. De 1997 à 2000 il est à la DDE de l'Essonne, pour construire le plan de prévention des inondations. Première intuition déterminante, il veut prévoir le long des cours d'eau, notamment dans les zones urbanisées et péri-urbaines, un espace linéaire en herbe d'une largeur d'environ 40 mètres qui viendraient en plus des 5 mètres enherbés déjà obligatoires. Il serait réservé, au-delà de l'écoulement des crues, aux activités récréatives, aux activités liées au transport de marchandises par voie d'eau, et aux liaisons actives ...  

La politique des voies vertes s'y trouve en gestation. Ce n'est pourtant que lorsqu'il sera responsable du développement de la navigation de plaisance, au service de la Navigation de la Seine, qu'il pourra développer le concept de tourisme sur la voie d'eau et autour d'elle. C'est ainsi que VNF facilita la création de voies vertes, grâce à son président d'alors, François Borny.

Jean-Louis Pons est un pragmatique, je l'ai dit. Ce qui est efficace, selon lui, c'est le bon outil juridique au bon endroit, pas la règle aveugle. Il cite ainsi l'exemple des chemins blancs poitevins, qui sont des chemins d'exploitation. Rachetés et réhabilités par le Département, ils restent des chemins utiles aux exploitations agricoles, et deviennent en plus utiles aux cyclistes. La durée des séjours de vacance en a été triplée. Juste avant de quitter la maison, Jean-Louis Pons a d'ailleurs publié une « Charte en faveur de la mutualisation du foncier pour la réalisation des voies cyclables ».


Les véloroutes et voies vertes, forcément en réseau

ponsEn 2008, Jean-Louis Pons anime le réseau des Véloroutes et Voies Vertes. Le CIAT (1) de 2010 porte sur la revitalisation du monde rural, et actualise le schéma national des VVV, assorti pour la première fois d'une numérotation.

Jean-Louis Pons suscite alors l'élaboration des schémas régionaux, avec l'appui déterminant et très apprécié du CEREMA, selon ses propres mots, et anime, avec les DRC (2), les comités d'itinéraire. Lors de son départ, il a précisé : «Ce qui a été fait, actualisation et adoption en CIADT du SN3V, signalisation, mise en service de Vel'audit, mise à disposition des données de l'Observatoire national des véloroutes et voies vertes avec l'outil cartelie, réalisation et actualisation de plusieurs SR3V, travail au sein des Comité régionaux des SR3V, des comités d'itinéraires, cahier de recommandation pour la réalisation de voies cyclables en espaces protégés, nombre de fiches, guides..., résulte d'un travail partenarial qui est la clef du succès de notre travail en réseau.»

 

La sclérose du droit contre la réalité

Arrive l'histoire de la définition des voies vertes. Dans la définition, elles sont interdites à tout véhicule sauf aux vélos (3). Ingérable, inutilisable, évidemment. Il voudrait qu'elles soient au service du pays traversé, que les véhicules de service, ceux de secours, ceux des riverains, puissent y passer. Plus simple encore, il propose que les voies réservées soient d'office autorisées aux vélos, toutes d'un coup et sans autre changement. 4000 km de chemins mal entretenus le long des canaux sont concernés, et autant de linéaire ferroviaire.

Ça éviterait par exemple que le chemin du canal de Bourgogne, partie du Tour de Bourgogne, soit interdit aux vélos sur la moitié de sa longueur... Deuxième échec pour lui, car malgré ses efforts de persuation, les voies vertes sont toujours excluantes.

Si les Départements s'emparaient de la compétence des véloroutes et voies vertes, comme il l'a demandé mainte fois, bien des problèmes seraient résolus, explique-t-il. Encore mieux, il faudrait que les Régions aient la compétence sur la voirie...

 

Le vélo, outil parfait de développement

Le vélo c'est le truc le plus abouti du développement durable, plaide encore Jean-Louis Pons. Pour plein de raisons, dont l'une est qu'il oblige à travailler en partenariat. Elus, associations, chambres consulaires, établissements publics, chacun a sa part de connaissance ou de pouvoir, comme le montre l'efficacité de l'association CyclotransEurope. Le vélo est un sujet consensuel, qui touche à la mobilité et au développement durable, rural, social, sociétal, et à l'équilibre de la sécurité sociale. Mais il faut des pilotes. Il ajoute: «Le tourisme prend une part de plus en plus importante dans la politique du vélo. Le vélo est enfin reconnu comme un mode de transport à part entière et une fiche lui sera consacrée dans la prochaine édition des comptes transport de la Nation.»

 

ponsLe rôle de Jean-Louis Pons aura été important, et difficile. Il se plaît à évoquer les personnes merveilleuses qu'ont été Hubert Peigné et Jean-Charles Poutchy-Texier, ce dernier lui ayant fait découvrir la démarche «Voirie pour tous». Il tient aussi à saluer les stagiaires qui ont apporté, "grâce à des mémoires  et des publications de grande qualité, une contribution significative à la cause du vélo". 

A la veille d'une probable annulation de la mission véloroutes et voies vertes (il n'a pas plus de successeur qu'au début de ce texte) et aussi de la coordination nationale du vélo, il aurait de quoi être amer.

S'il ne l'est pas, c'est que nous avons affaire avec un passionné. Un peu brouillon, peut-être, confus dans les dates, même, mais avec de la suite dans les idées.


Alors méfiez-vous lorsque vous le verrez arriver sur son beau vélo. Il va encore vous parler de patrimoine rural et de paysage culturel, en évoquant la vallée de la Loire ou le canal du Midi, tous deux classés paysage culturel par l'UNESCO. Ce sont des voies vertes qui en sont le support !

 

 

(1) CIAT : comité interministériel d'aménagement du territoire
(2) DRC : départements et régions cyclables
(3) Définition des voies vertes, on en parle sur ce blog depuis 2011: Améliorer la définition des voies vertes. 

Commentaires

C'est émouvant. Et c'est un beau texte à la hauteur du personnage. Isabelle, dis lui de trouver instamment un successeur. C'est sa dernière tâche.

Écrit par : Alfred Gr. | jeudi, 27 novembre 2014

Un fonctionnaire passionné, sympa (ce qui ne gâte rien), capable d'être sur le terrain un dimanche, obstiné, respectueux, et soutien du travail associatif, ce qui est rare.

Écrit par : Erick Marchandise | jeudi, 27 novembre 2014

Félicitations, Isabelle, pour cet hommage. Je suis trés content de ces quelques lignes. L'homme les valait bien, le grand fonctionnaire aussi.
J'espère que vous n'êtes pas parti dans l'indifférence. Malgré vos hautes fonctions vous aviez gardé les pieds sur terre, et jamais vous n'avez oublié de rendre hommage aux bénévoles oeuvrant anonymement pour la cause du vélo.
"C'est une grande chose que d'être fidèle dans les petites choses,
c'est enfin par les petites choses que les grandes se maintiennent." Louis Bourdaloue
Bonne retraite monsieur Pons.

Écrit par : Francis Mons, président de l'AF3V | jeudi, 27 novembre 2014

Photos et textes bien écrits font un portrait à la fois profond et émouvant d'une personne que je ne connaissais pas mais qui semble extra-ordinaire !

Écrit par : Yves E. | vendredi, 28 novembre 2014

J'ai adoré votre hommage à M. Pons, quel homme formidable, ça donne envie de le connaître ! Votre propos est beau, empreint de sensibilité, drôlerie et je dirais de tendresse, bravo.

Écrit par : Inès L. | samedi, 29 novembre 2014

Je connais Jean-Louis depuis plusieurs années, il a beaucoup fait pour la reconnaissance de la Réunion sur le plan national vélo. C'est un grand MONSIEUR. J'ai toujours apprécié nos conversations à bâtons rompus. Au sortir de ces conversations, mon ressort était toujours remonté à bloc, prêt à casser la baraque pour le vélo, avec plein d'idées à mettre en œuvre.
Merci à Isabelle, d'avoir rappelé son magnifique parcours pour la cause du vélo. J'étais peiné d'apprendre sa retraite et avec la disparition de la MNVV, nous perdons un lieu de repère et d'échange. On est orphelin. L'avenir de la politique en faveur du vélo avec ces changements profonds est-il encore réaliste ?

Écrit par : HOARAU Daniel Omer | dimanche, 30 novembre 2014

Ne pourrait-il pas continuer dans le milieu associatif son action en faveur du vélo ?
L'article fait un peu penser à une oraison, et les commentaires vont dans ce sens (orphelin, perte, dernière tâche...). Cependant, la retraite n'est pas la mort d'un individu !

Écrit par : Jean-Charles G. | mardi, 02 décembre 2014

Un grand merci à Isabelle pour ses éloges à de rares fonctionnaires tels Jean-Louis Pons se préoccupant plus de l'intérêt réel des gens que de servir aveuglément des politiques parfois déconnectées de la réalité des territoires. Et toutes mes amitiés à Jean Louis avec qui ce fut un grand plaisir de discuter, de travailler et d'agir.

Écrit par : JCPT | samedi, 13 décembre 2014

Ma dernière entrevue avec Jean-Louis Pons, c'était à Périgueux, à l'occasion d'une journée technique COTITA... j'y développais, à sa demande, la présentation de deux réalisations de voies vertes: l'une, démontrant l'intérêt de conventionner, sur certains secteurs, avec les agriculteurs et d'y permettre un usage partagé piétons / cyclistes / véhicules agricoles ; l'autre faisant la preuve (images à l'appui) que l'aménagement d'une voie verte pouvait servir la cause de la protection d'un site natura 2000... Une façon de servir une cause à laquelle il vouait une énergie et une passion remarquables avec, c'est à souligner, une égale reconnaissance pour ses collaborateurs, ses stagiaires, ses relais de terrain, institutionnels ou associatifs... J'ai beaucoup apprécié cette rencontre particulièrement constructive et quelquefois visionnaire. N'hésitez pas, les uns ou les autres, à lui transmettre ma reconnaissance et le plaisir de l'avoir croisé. Qu'il sache, surtout, que quelque part dans un recoin du Tarn, la voie verte du "Causse" est aujourd'hui terminée et qu'avec celle de "passa païs" sa voisine de Montagne Noire, elles attestent parfaitement, avec les ajustements trouvés sur le terrain, de la pertinence et du bien fondé des démarches engagées par Jean-Louis... Puissent-elles rendre hommage à son travail...
Pour ma part, s'il fallait évoquer le personnage, je lui rappellerai ma conviction que les voies vertes offrent, par le paysage, une entrée privilégiée au cœur des territoires... Entrer par le paysage c'est mettre un peu plus d'humanisme dans l'aménagement du territoire... Tout cela, Jean-Louis Pons l'avait déjà saisi... Merci.

Écrit par : Patrick Urbano, dir. Environnement, CG du Tarn | vendredi, 03 avril 2015

Ce commentaire me fait chaud au cœur ! Patrick Urbano a mis en œuvre très tôt les principes du développement durable pour la réalisation des voies cyclables dans le Tarn.
La voie verte du Causse, mais aussi la voie verte Castres-Albi sont exemplaires. De plus, les coûts de réalisation ont été de l'ordre de 40 000€ le km, soit des coûts bien inférieurs à la moyenne relevée par les DRC: 100 000€/km

Écrit par : Jean-Louis Pons | lundi, 06 avril 2015

Si je souscris évidemment aux commentaires chaleureux qui ont été écrits sur les compétences et le travail de Jean-Louis Pons, je note qu'ils sont presque tous à caractère "national" pour ne pas dire " régional". Or JLP s'est illustré aussi comme membre du Comité du patrimoine mondial, représentant la France particulièrement pour les sites " patrimoine naturel", et par la suite ceux des paysages culturels, avec la même excellente connaissance des dossiers, le pragmatisme et le sens de la négociation, bien nécessaire dans ces grandes réunions. Ce fut un plaisir de travailler avec lui et je lui souhaite une heureuse retraite ( que j'ai peine à imaginer inoccupée!).

Écrit par : Anne Lewis-Loubignac | lundi, 18 mai 2015

Merci, chère Anne, de ce commentaire qui me touche beaucoup, mais que je te retourne car tu t'es beaucoup toi-même investie au comité du Patrimoine Mondial pour faire adopter la position de la France, et ce avec une exquise détermination!
Je voudrais aussi rendre hommage à notre mentor, le regretté professeur Léon Pressouyre.
Avec toute mon amitié.

Écrit par : Jean-Louis Pons | vendredi, 22 mai 2015

Les commentaires sont fermés.

 
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