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vendredi, 23 juillet 2010

Les femmes vont libérer le vélo

La fin de l’annuelle course de fureur et d’acier, dans laquelle des mâles pleins d’ombre s’affrontent sous le soleil de plomb, me donne l’occasion de poser publiquement la question qui m’intéresse : Les femmes vont-elles enfin libérer le vélo ?

C’est, mais à l’envers, la question que m’a posé le GRACQ (*) pour un dossier sur le thème « Femmes et vélo », paru dans son journal « Ville à vélo » de juillet 2010.

Extraits de l'article de Lutgarde Dumont et du mien.

Les articles sont lisibles dans leur intégralité via le site de l'association.

(*) GRACQ : Groupe de recherche et d’action des cyclistes quotidiens, Bruxelles et Wallonie.

  • Avec un petit complément du 8 août.

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  • Lutgarde Dumont, enseignante à l’université de Louvain la neuve, répondit par une analyse des disparités spatiales, montrant que les inégalités dans la mobilité reflétaient celles du Yin et du Yang. Elle invite à « chausser nos lunettes du genre » pour repérer dans nos villes les « dysfonctionnements éventuels, en termes de mobilité autant douce, conviviale et locale que fonctionnelle, conquérente et innovante ».

-------------------------------------------------- Extraits de son texte ----------------

Les femmes sont exclues ou s’excluent tacitement de certains quartiers ou zones de la ville parce que ces derniers sont dits insécures, en réalité ou en représentation, à cause d’un manque de lumière, d’une infrastructure détériorée, d’un taux faible de fréquentation ou d’un processus latent de ségrégation. Ce qui implique un repli des femmes sur elles-mêmes ou sur leur entourage immédiat, les coupant de la sphère publique et parfois les confinant dans une vulnérabilité aux violences intrafamiliales. (...)

Les banlieues populaires sont des lieux de ségrégation également ; (...) « la rue et les espaces collectifs appartiennent aux garçons alors que les filles doivent se faire invisibles : pas de jupe, pas de maquillage, pas question de discuter en groupe (…), elles n’existent plus que dans la sphère privée ».

C’est principalement sur cette question de la sécurité publique que les femmes furent actrices de la mobilité quotidienne : si on dit qu’elles auraient une moindre force physique, elles se sont obstinées toutefois à réclamer un espace partagé et ouvert à tous et toutes, sans risque, sans peur, sans agression. L’une de leurs initiatives fut les « marches exploratoires » ou repérage collectif de zones, disposition ou aménagements à risques.

Vieillissement

Là où l’inégalité est manifeste entre les genres, c’est chez les personnes âgées où les femmes sont majoritaires. Avec l’âge, l’aire de circulation se rétrécit, les activités et centres d’intérêts diminuent ; les quartiers sont parfois délaissés par peur, par représentations négatives ou par manque de goût d’exploration ; une ritualisation de déplacements s’instaure autour de trajets habituels. Ce recourbement sur soi et cette érosion d’inventivité varie certes d’une personnalité et d’une appartenance sociale à l’autre : on voit des « citadines circulantes » qui se déplacent en voiture loin de leur quartier ou des « nouvelles citoyennes » revendiquant la sortie des stéréotypes sur les vieilles femmes ou des petites vieilles ne sortant quasi pas.

Lunettes de genres

N’est-il donc pas urgent pour nous toutes et tous de chausser en permanence nos «  lunettes de genres », afin de voir toujours la ville (et la vie…) en yin et en yang ; d’y repérer quotidiennement ses disfonctionnements éventuels, en termes de mobilité autant douce, conviviale et locale que fonctionnelle, conquérante et innovante.
Une variété maximale de moyens de transports jour et nuit permettra à une variété maximale d’utilisateurs/trices d’en faire usage, sans risques, sans temps et lieux morts, ouvrant à de nombreuses femmes les portes de l’émancipation de la sphère privée et donnant l’occasion à plus d’hommes d’être acteurs dans celle-ci.

(...)

La mobilité est une valeur essentielle porteuse d’égalité et relève d’une quadruple responsabilité : des politiques, des entreprises (plan de déplacements), des femmes (s’impliquer plus dans les décisions citoyennes), des hommes (s’impliquer plus dans le privé), des couples (mieux se répartir les tâches).

«La capacité à se déplacer donne accès à d’autres socialités».

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  • De mon côté, j’ai d’abord expliqué que la guerre de 14, puis Moulinex, avaient bien davantage « libéré la femme » que le vélo ; j’aurais dû ajouter Coco Chanel. J’ai ensuite montré que la pratique du vélo par les dames était le reflet de leur place dans la société. Et enfin, j’ai souligné l’apport féminin à l’avènement d’une société urbaine humaine, dans laquelle fonctionne un « triangle vertueux » formé de femme / vélo / ville.

 

----------------------------------------- Extraits de mon texte ----------------------

Que n’a-t-on dit sur le rôle du vélo dans la condition féminine !

Le vélo a libéré la femme ? Vous voulez rire ! Il y a contribué pour la femme bourgeoise, sans doute, qui se débarrassa ainsi de ses chaperons et quitta ses corsets, mais surtout il a libéré l’homme ouvrier.

C’est bien le vélo qui a permis aux hommes de se rendre aux bals des villages voisins, et d’y trouver femme. D’ailleurs voit-on des femmes à vélo sortant de l’usine filmée par les frères Lumière ?

Moulinex, la scolarisation, ou la guerre de 14, qui l’a obligée à travailler, ont sans doute plus libéré « la femme » que ne l’a fait le vélo.

 

Les femmes subissent leur éducation, mais subissent aussi la violence ambiante

La part plus faible des femmes cyclistes au quotidien peut s’expliquer par une crainte plus grande de la circulation, audace moindre largement liée à l’éducation. Mais on sait aussi, aux chiffres d’accidents, que les femmes sont plus prudentes (moins violentes, moins inconscientes).

Certes le port de vêtements ajustés ne favorise pas l’usage libre des muscles, c’est pourquoi les Chinoises, autrefois, avaient les pieds bandés. Mais le costume masculin, lui non plus, ne paraît pas très commode à vélo, sans parler de l’attaché-case. (...) Plus généralement, l’usage du vélo peut être corrélé à une attitude moins compassée, ou plus libre, du corps. A un changement de vision et de mode de vie, finalement.

 

Le sport cycliste est un reflet de la société : ce qui est normal, c’est l’homme

La très faible part des femmes dans les milieux sportifs est certainement due aussi à des facteurs culturels. Le vocabulaire les marginalise immédiatement : on y compte en « nombre de participants, dont ». Dont « féminines » et jeunes, c’est-à-dire raretés démarquées des messieurs.

Il y a quelques années, l’adhésion « couple » à une grande fédération française était réservée aux couples dont l’homme était déjà adhérent. Et quels sont ces noms mis en gras sur la liste des participants au Paris-Pékin cyclo en 2008 ? Ni les organisateurs ni les chefs, mais… les dames.

Dans cette fédération, les licenciées n’atteignent pas le quart : «122 000 adhérents dont 20% de femmes et 9% de jeunes de moins de 25 ans.»  (Dossier de presse, mars 2009). 122 000 adhérents, dont 70% de masculins... Dans les milieux de la course, le vocabulaire est clair là aussi : «Cyclisme pour tous. Cyclisme féminin. Espace jeune». «Tous» veut donc dire «homme», les jeunes n’ont pas de sexe, seules les dames…

Seules les dames rechignent sans doute à se tirer la bourre tôt le dimanche, seules les dames aiment prendre le temps, seules les dames aiment rouler par plaisir ? Au fait, combien y a-t-il de jeunes et de femmes au gouvernement ? et à la tête de votre entreprise ? La pratique du vélo est le reflet de la société.

 

Le vélo est un symbole de liberté et de qualité

Les vélos-écoles françaises sont unanimes là-dessus : la clientèle désireuse d’apprendre à rouler à vélo est exclusivement féminine et immigrée. Le vélo fait tellement rêver que les femmes qui se sentent marginalisées l’investissent de leurs espoirs.

Alors oui, là, le vélo est libérateur. Pour tous. Il donne de l’autonomie de mouvement, donc de l’indépendance. Il donne la faculté de sortir facilement du quartier ; depuis peu il a perdu son image viellissante, ou marginale, il acquiert, grâce aux systèmes de libre-service, une image urbaine et valorisante à la portée de presque toutes. Et de tous, sauf que les hommes sont trop fiers pour demander à apprendre !

 

L’avenir meilleur ne peut donc passer que par les femmes et par le vélo

La part des ingénieures de voirie, des femmes cadres et des madames vélo est encore faible, le plafond de verre est bien présent. Rien n’empêche pourtant de penser que l’avenir passera par nous autres.

 

Beaucoup d’innovations sont aujourd’hui dues à des femmes

N’est-ce pas Corinne Verdier et sa société (Altinnova) qui inventa en France les stations-vélos (pompes, outils de réparation) en libre-service et qui remporta le marché des garages à vélo de la SNCF en région Rhône-Alpes ? (...) N’est-ce pas Sophie Bonnefon qui créa l’activité de diffusion de tricycles en France (société Vecto) après avoir créé sa boutique de vélos à Paris ? (...) N’avons-nous pas Barbara Buatois, championne du monde de vélo couché, Britta Boutry la spécialiste française des chaucidous, Anne Faure la prêtresse des quartiers sans voitures et de l’ancien programme Villes plus sûres ? Et que ne devons-nous pas à Lydia Bonanomi, de Lausane, auteure du livre «Le temps des rues, vers un nouvel aménagement de l’espace rue» (1990). Ce livre qui rendit intelligible à tous, citoyens, techniciens et élus, qu’il était possible de modérer la vitesse des automobiles et de redonner figure humaine à nos villes.  Et puis n’est-ce pas Claire Morissette qui fut si active au Monde à bicyclette (Montréal) puis créa l’asbl Cyclo Nord-Sud ?

 

Vélo, ville et rôle des femmes sont un même combat

* Si les villes deviennent plus durables il y aura plus de cyclistes et plus de femmes à vélo.

* * Si la société devient plus durable il y aura plus de femmes aux commandes.

* * * Pour que la société devienne plus durable, il faut … plus de femmes aux commandes et plus de cyclistes …

Le vélo ne libère pas la femme, il rend l’humanité meilleure.

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Commentaires

Velomaxou trouve que je n'y vais pas par quatre chemins. française ?.jpg

Tiens, qu'est-ce que je trouve aujourd'hui dans l'Itinérant du 26 juillet ?

Puisque c'est un homme, inutile de le préciser / Qu'elle soit Papouse ou Etats-unienne, on s'en fiche, son identité c'est "femme".

Et celle-ci de début juin : “ Cet été, des policiers à vélo réaliseront des patrouilles dans le centre-ville. Nous avons recruté 14 volontaires en interne dont deux dames. ” Vous vouliez peut-être dire "14 volontaires, presque tous des hommes" ?

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Commentaires

"Si la société devient plus durable, il y aura plus de femmes aux commandes." ... et vice versa.
Cela dit, le jour où les femmes trouveront qu'un type en vélo est plus sexy qu'un type en grosse bagnole, le taux d'utilisation du vélo va grimper sensiblement ...
Globalement les hommes cumulent les co...ries dans le but (plus ou moins bien ciblé et atteint) d'impressionner les femmes ...

Écrit par : Luc | vendredi, 23 juillet 2010

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