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mercredi, 28 octobre 2015

Paris, une ville piégée par ses illusions technicistes

Chapô déf.pngLes Parisiens ont largement renoncé à l'automobile, pour cause d'impossibilité que cette ville d'une extraordinaire densité puisse lui être adaptée. Le métro, dans lequel ils se sont alors engouffrés, s'en trouve complètement saturé, sans remède possible. Le système des transports à Paris est ainsi dans un état de dysfonctionnement abyssal, qui n'est pas rattrapable. Mais deux faits changent la donne, ainsi que le montre un livre tout juste paru … (Invitations à la radio : mise à jour le  9 novembre) 


Les Parisiens n'ont plus d'auto, et, parmi ceux qui sont encore contraints d'en avoir une, fort peu l'utilisent plus d'une fois par semaine. Autant dire que l'auto-partage devrait prendre une place essentielle, ce à quoi la Ville de Paris se refuse de-facto comme nous l'explique Julien Demade. On continue de parler de "stationnement" (pour "stationnement de véhicule à moteur individuel et privé") comme d'un droit sacré, en dehors de toute réalité.

La marche est, de loin, le premier mode de transport à Paris, et le vélo connaît une croissance exponentielle dans laquelle la puissance publique n'est pour rien. C'est la base de la renaissance à laquelle invite la lecture du livre Les embarras de Paris.

Julien Demade, historien, chercheur au CNRS, signe un ouvrage qui ne fait pas de cadeaux aux autorités de Paris. Pour lui, celles-ci manquent cruellement d'ambition, leurs "plans vélos" successifs affichant des objectifs situés très en-deça de ce à quoi mène la croissance qui a lieu sans elles, ce qui revient à tenter de freiner l'essor du vélo, précise-t-il.

La part faite aux 2RM (les motos) est sans commune mesure avec leur poids réel et souhaitable, et la baisse de l'automobile, malgré les efforts contraires des autorités, a été telle qu'il serait naturel de supprimer tout stationnement sur voirie. Tout cela est chiffré, appuyé sur les enquêtes les plus classiques et publiques. L'auteur souligne à quel point l'agglomération parisienne est mal en point, et jusqu'où le vélo peut prendre le relais du métro et du RER, seul moyen d'ailleurs de ne pas décourager les automobilistes de prendre le métro. Aux environs de 2020 il y aura plus de déplacements à vélo qu'en auto dans Paris, révèle-t-il, même si on ne fait rien. Si on agit, le métro redeviendra vivable. Il y a beaucoup à faire. Récupérer l'espace public, ne plus penser à partir d'un trafic motorisé individuel mais en fonction de tout l'espace et des humains, de façade à façade, permettra de faire disparaître les nuisances insupportables que sont le bruit, la pollution et les accidents. Surtout, c'est le seul moyen pour que l'agglomération fonctionne avec facilité. Au passage on récupérera le seul bien dont les Parisiens manquent : l'espace. Pour jouer, s'arrêter, cultiver son potager, lire, se détendre ou connaître ses voisins.

Créer des pistes cyclables larges pour l'afflux qui vient, en priorité vers les bassins d'emploi (à commencer par les 8° et le 16° arrondissements-!), reliant aussi la périphérie à la ville-centre, est donc une priorité absolue, démontre-t-il, chiffres à l'appui. Pour un coût faible, dans des temps courts.

Ce livre, comme celui de Frédéric Héran sur les coupures urbaines, a la vertu du raisonnement implacable qui rend visible ce que l'on se contentait de percevoir confusément. Il dévoile la réalité avec une telle force que sa lecture s'impose à quiconque ose encore parler de circulation.

Le style en est "soutenu", manière de dire qu'il s'agit d'un livre de chercheur. Il n'en reste pas moins parfaitement compréhensible, d'autant que s'y trouvent images, graphiques, résumés et conclusions.

Ce livre sur l'illusion techniciste de la politique parisienne des déplacements est un événement. Il y a avant lui, et après. Avant c'est l'approximation et l'aveuglement, la vaine poursuite de vieux schémas toxiques, et la course en avant grâce à toujours plus de machines et d'ouvrages dispendieux. Après c'est la simplicité et la vision claire des réalités et des enjeux. Ce livre est une aubaine, tout comme la réalité qu'il nous décrit. Il nous invite à une inversion radicale des façons de considérer espace public et déplacements. Il le fait par pur réalisme. 

 

couv livre.jpgJulien Demade
Les embarras de Paris
ou l'illusion techniciste de la politique parisienne des déplacements
L'Harmattan, septembre 2015.

 

Disponible en librairie.
Le sommaire est ici en pdf.

 

 

Présentations par l'éditeur

. Une contrainte, l'engorgement du métro, et une aubaine, la chute de la circulation {motorisée individuelle}, caractérisent les déplacements parisiens - mais cette contrainte va rendre impossible la poursuite de la baisse de la circulation, pourtant impérative à cause de la pollution, du bruit, des accidents et du manque d'espace. La solution : le vélo, dont la croissance, sous dix ans, assurera plus de déplacements que la voiture. Mais pour cela il faudra réorganiser radicalement les rues aux dépens de l'automobile, afin aussi de donner toute leur place aux piétons.

. En vingt ans, à Paris, la fréquentation du métro a augmenté de 50%, celui-ci est menacé d'engorgement, la circulation automobile a diminué de 55%. Le principal mode de déplacement des Parisiens et des banlieusards est la marche, elle représente 50% des déplacements, malgré l'aménagement des rues, qui ne lui réserve qu'une portion congrue. Aux côtés de ces trois modes de déplacement est apparu le vélo dont la croissance est fulgurante. Sous moins de dix ans, il assurera plus de déplacements que la voiture.

 

Ecouter Julien Demade 

  • Julien Demade a été l'invité de Roue-libre le 18 octobre. On peut encore l'écouter. Un beau dialogue avec Abel Guggenheim !
  • Il sera présent à Villejuif le vendredi 27 novembre pour une soirée consacrée au vélo. On attend d'autres dates encore. 
  • Il était invité par RFI (Radio France international) samedi 7 novembre.
  • Il sera dans l'émission "Ligne de conduite" de Francebleu le jeudi 29 novembre (16h30-17h30).

Commentaires

A quoi bon faire des pistes cyclables si la voiture baisse toute seule ? De plus, à moins de 30 km/h on arrive à une concurrence loyale entre les modes de déplacements. Oui, il faut faire disparaître les coupures urbaines (telles que la saignée du périph), obtenir le double-sens partout pour les non-motorisés et la possibilité de franchir un feu s'il n'y a personne...
Je disais tout cela il y a 20 ans et on me traitait de fou, et pourtant on y arrive tout doucement mais inéluctablement.

Écrit par : Theron | vendredi, 30 octobre 2015

Répondre à ce commentaire

Elle baisse, mais il en reste trop ! Quant au 30 km/h il est théorique, et ne s'applique pas encore aux axes structurants. Pistes et bandes encouragent encore plus la transition et permettent des allures régulières.

Écrit par : Hélène | vendredi, 30 octobre 2015

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