Montréal, le calme de la bicyclette

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rue BoyerMalgré une présence très forte de l’automobile, Montréal, vue d’en bas, est une ville calme et très agréable, pourvue de nombreuses aménités cyclables que l’on devine en évolution. La présence de l’adjoint aux transports de Paris pour une conférence, dans le cadre du festival GO vélo, la semaine dernière, est l’occasion de regards croisés entre les deux villes, et de se demander : Pourquoi Montréal s’intéresse-t-il tant à Paris, alors que l’inverse m’a paru … avoir largement mérité le voyage ?  J’en parlerai à Roue-libre dimanche 19 juin !

Paris c’est bien mieux que Rome, me dit ma voisine dans le métro qui m’emmène à l’aéroport. Montréal c’est bien mieux que Paris, nous disait Olivier Razemon depuis là-bas. Mais Paris c’est bien mieux que Montréal, pensent les Montréalais…
L’adjoint aux transports de Paris était l’invité du festival GO vélo de Montréal, la semaine dernière, pour une conférence qui fut très suivie.

Montréal est beaucoup plus calme que Paris, et y circuler à vélo s’avère plutôt agréable pour peu que vous disposiez d’une carte cycliste et que vous n’utilisiez que des axes équipés ou recommandés. Cela vient vite, et cela est assez facile car il y en a beaucoup. En outre les rues sont principalement disposées en parallèles, ou à angle droit, ce qui facilite le repérage, et entre les rues normales se trouve tout un réseau d’arrière, étroit et très verdoyant. Je me suis fait prendre par les distances, mais finalement rien n’a été insurmontable.

carte 12

Le confort des pistes hérétiques
L’aménagement le plus fréquent est constitué d’une piste cyclable à double-sens sur un côté de la rue, séparées par du dur, ou marquées à la peinture, le stationnement automobile servant de barrière ou étant maintenu au bord de la chaussée. On trouve aussi de nombreux contre-sens vélo, et des pistes classiques, sur ou hors de la chaussée. Rien que du basique, mais à grande échelle, et des automobilistes plutôt calmes qui facilitent les changements de direction.

rue RachelPiste bi-dir en durbordure béton

Ces pistes à double-sens sont évidemment une hérésie car elles compliquent les carrefours et bouleversent la perception du trafic. Mais elles sont fort appréciées, même par moi (et en toute connaissance de cause !) et leur largeur laisse passer les machines de déneigement. Protégées, elles le sont aussi des déchets rejetés sur le bord de la voie principale. Elles permettent aussi d’en faire des axes cyclables privilégiés. J’ai ainsi utilisé le premier axe dont les feux sont calés sur 20 km à l’heure : un bonheur inouïe !

rue Boyer

rue Laurier

Un certain nombre de rues sont traitées un peu comme des chaucidous, et cela semble très bien marcher, bien que la rue puisse être chargée et à sens unique pour les autos.
Les coupures finiront par être toutes résorbées : plat de nouilles remis à plat et percé d’une piste et de feux; passages routiers sous voie ferrée dotés de piste cyclable à double sens bien raccordée, ponts équipés de piste cyclable, tel le pont Jacques-Cartier.
Naturellement je n’ai pas tout vu.

FranchissementPont Pont Jacques-Cartier

Le calme
Montréal jouit enfin d’une grande chance, elle n’a quasiment ni moto, ni pétrolette, ni vélo assisté. Ceci est dû à une astuce involontaire que nous pourrions peut-être imiter : les immatriculations sont gérées par un assureur public spécialisé, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), qui fait payer les assurances selon le nombre d’accidents, et donc des primes à verser. Cela rend les deux-roues à moteur à peu près inaccessibles, sans compter la saisonnalité, comme on nous l’a précisé (voir commentaire). En revanche le vélo semble bien plus naturel ici qu’en France. Des secours sont intervenus à notre arrivée à Montréal : ils étaient à vélo et ont pu atteindre la porte de l’avion par la passerelle, avec tout leur matériel.

Je crois enfin avoir compris que plusieurs véloroutes partaient de la ville, mais une fois franchi le pont je me suis lamentablement perdue, sur la commune de Longueil, me retrouvant, paraît-il, à 10 km du bord du fleuve Saint-Laurent que j’avais envisagé de suivre. Perdue et découragée, je suis repartie par où j’étais venue. 
En ville le fléchage n’est pas non plus très performant, il est même inexistant, sauf pour la Route verte. C’est pour cela que j’ai eu bien du mal à trouver l’accès de la voie verte urbaine réalisée parallèlement au chemin de fer.

parc Lafontaine terrasse de café

DSC    coin de carrefour anneau à vélo

Ni luxe ni frime mais une réelle efficacité
Finalement, ce qui me paraît résumer la situation à Montréal, c’est : pas toujours très « innovant », mais « beaucoup », continu et évolutif. De plus je ne crois pas avoir vu un seul de ces défauts qui pullulent en France, sorties de pistes à angle droit, changements inopinés de côté, pistes sur le territoire naturel des piétons, et rien que ça cela change le climat.
Et Montréal partage un avantage avec les Pays-Bas : pour des raisons climatiques ici (le réseau est partiellement démonté pour l’hiver), géographiques là-bas (les chaussées sont fragiles car construites sur le sable), il faut régulièrement reconstruire. D’une fois sur l’autre il est possible d’améliorer sans coût supplémentaire.carte 11

métro,1ereMais alors, qu’est-ce qui les intéresse dans Paris ???
Selon M. Najdovski, l’adjoint parisien convié à conférer, ce sont nos possibilités réglementaires, double-sens cycliste et passe-partout. C’est aussi que … Paris est Paris, la mère-patrie, indigne, certes, mais mère tout de même.

Pour nos interlocuteurs québecquois, c’est la prise en compte de la globalité de l’espace public, la recherche d’apaisement dans une ville vouée à l’automobile. Ce virage les intrigue beaucoup, et ils veulent voir comment les Parisiens vont s’en sortir. Certains demandent même à M. Najdovski « quand ça a basculé dans sa vie » et veulent savoir s’il a le soutien de la population et des commerçants. A une question sur les « bâtons » qui sont mis dans ses roues, il répond « carotte », amélioration de l’ambiance.

Sur le premier point, deux règles devraient être introduites bientôt : l’obligation de laisser un mètre à gauche d’un cycliste doublé, et le droit pour lui de rouler au milieu de la chaussée. Mais nous ferions bien de leur copier la troisième avancée imminente, qui est le délit d’emportiérage, et le fait de reconstruire quand il le faut.

Métro

Lire aussi :

Olivier Razemon et moi-même seront les invités de Roue libre dimanche 19 juin de 12 h 08 à 12 h 30.

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7 années

Les plaques minéralogiques ne sont gérées par une société privée. Elles dépendent de la SAAQ qui dépend du gouvernement du Québec.

Adrien
7 années

Merci Isabelle pour cet article fort instructif (comme bien souvent !). J’ai toujours trouvé qu’en lisant les témoignages de cyclistes montréalais, on a l’impression qu’ils trouvent que c’est mieux en France, tandis que quand on lit ceux des cyclistes d’ici qui sont allés là-bas ils disent que c’est mieux là-bas. C’est certainement lié au fait que, des deux côtés, il y a de bonnes idées et aussi des choses à améliorer.

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