Retards de Vélib’ 2 à Paris : Smovengo s’explique

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Les retards de l’installation des vélib’s 2 sont réels, reconnaît d’emblée le consortium Smovengo, qui d’ailleurs ne pourrait rien dire d’autre au regard de l’exaspération et de l’incompréhension qui règne à Paris. Mais, pour la première fois, la société a compris qu’elle devrait répondre aux critiques. + Quelques liens ajoutés le 12 mars en bas de l’article.

Si les réunions avec les élus concernés, à Paris et dans la métropole, se multiplient afin de calmer le jeu, si les présentations et permanences auprès du public ont permis de l’amadouer, si un comité d’usagers est en cours de constitution… rien n’y fait. Les citoyens et leurs élus trépignent. Les bugs sont incessants, les stations qui fonctionnent ne fonctionnent pas, les abonnés ne trouvent pas d’interlocuteur, personne n’y comprend rien.

Et pourtant, précise Smovengo, il y a déjà 15 000 locations par jour, à peu près comme, toutes choses égales par ailleurs, lors de l’installation des vélib’s de Decaux. Smovengo précise également que le « retard » contractuel est moindre que celui qui est annoncé partout (ils devaient avoir 525 stations au 1er janvier, et non 700). 500 stations seront installées à la fin du mois de mars, pour 3500 vélos.

Toutes ces actions ne font pas forcément le poids face à un canard du mercredi qui tire à bouts portants, et souligne que la maire de Paris pourrait y laisser des plumes, car c’est bien la Ville de Paris qui domine le syndicat intercommunal autolib-vélib, responsable de la passation du marché et de son suivi.

Première erreur du Canard, il confond Smoove et Smovengo.

Le consortium Smovengo, constitué de Indigo (les parkings), Mobivia (ex-Norauto, aujourd’hui avec Midas, Altermove et d’autres sociétés liées aux « nouvelles mobilités »), Moventia (transports publics) et Smoove, souligne qu’ils en ont vu d’autres, et qu’en plus ils travaillent avec des sociétés expérimentées.

Ils indiquent ensuite que tout le matériel est livré, et que les retards d’installation les ont obligé à louer un 3° entrepôt et à recruter du monde en renfort. Alors que tout devait être en place fin mars, il n’y a aujourd’hui que 30% des stations dans Paris.

Selon Smovengo les retards sont de deux ordres, administratif et technique, et ont deux origines, le titulaire précédent et la Ville de Paris. Une 3ème cause est dans les deux vagues de froid, imprévisibles dans ces proportions, qui expliquent le retard pour une centaine de stations.

Voici ce qu’explique Smovengo:

  • La passation du marché a pris trois mois de retard, notamment à cause des recours déposés par le perdant, de la pression exercée pour la reprise de son personnel, du retard qu’il a dans le démontage de ses propres stations[1. Smovengo rapporte qu’en plus des retards imputables à JCD, celui-ci «a tout tenté par ses recours juridiques (tous perdus !) et ses manœuvres dilatoires, y compris en matière sociale, pour retarder le passage de relais. Encore aujourd’hui, il multiplie les déclarations agressives et mensongères. » « Chez JCDecaux, la perte du plus grand contrat de vélos en libre-service au monde a du mal à passer. »]. 
Cela est venu perturber un planning déjà extrêmement serré, contraint par la fin du contrat précédent, l’obligation réglementaire de la continuité de service, et souligné par le prestataire dès la signature du contrat. Il semble que les dérapages aient été nombreux, à commencer par la date tardive du lancement de l’appel d’offres.

Sur le sujet de la gestion administrative du projet Smovengo se lâche : « La gestion administrative du projet par le SAVM[1. SAVM : syndicat autolib’-vélib’ de la métropole] a souffert de graves insuffisances. Elle n’a pas été menée avec toute l’efficacité voulue par un tel appel d’offre, d’une ampleur absolument considérable par sa taille et ses défis technologiques qui prévoyait en outre une continuité de service nécessitant les process les plus rigoureux. Face à la  multiplicité des intervenants techniques, seule une gestion  administrative parfaite aurait permis de tenir les délais. Pour que l’opérateur exécute bien sa tâche, encore faut-il que le donneur d’ordre assume toutes les responsabilités qui lui incombent.«

  • La « validation » des designs des vélos et des bornes a été bien plus longue que ce que promettait le contrat.
  • Le cahier des charges techniques était lacunaire concernant les deux points qui coincent, à savoir la gestion des travaux et l’électricité. En effet la Ville de Paris vient seulement de désigner un responsable Vélib’, et la formation des équipes de suivi des chantiers (qui localement suivent tous les chantiers de voirie et mettent « de l’huile dans les rouages ») vient tout juste et enfin d’être lancée.
  • Les informations techniques pour 544 stations sont encore indisponibles, rendant leur raccordement électrique impossible. Chaque future station offre d’ailleurs son lot de surprises, câbles non réutilisables, gaines, parfois même, trop abîmées, etc. Le bricolage consistant à utiliser les batteries de secours présentes dans les totems est insuffisant, même en mettant des plus grosses batteries. Les bugs informatiques se produisent à chaque changement, et pendant les grands froids, en plus, elles se sont déchargées toute seules.
  • Le sous-sol parisien s’est révélé beaucoup plus complexe que ne l’imaginait le syndicat donneur d’ordre sur le plan du génie civil dans son cahier des charges. 3 natures de sols ont fini par être détectées, n’offrant pas les mêmes caractéristiques quant aux prises de terre.
  • Enedis ne suit pas, ils n’ont lancé le courant à ce jour que sur 98 stations, et n’en branchent que 2 par jour !!!
  • Et enfin, tous les emplacements ne sont pas encore décidés, il en manquerait 200.

Smovengo espère quand même que presque tout sera installé fin juin, ou, au moins que la densité des stations installées rendra le service acceptable. Le syndicat de son côté a décidé la gratuité de l’abonnement et des courses pour janvier et février, et le décidera aussi longtemps que nécessaire, et provisoirement le demi-tarif pour les nouveaux abonnements, tout en appliquant au consortium les fortes pénalités prévues au contrat.

Le site internet, qui ne tenait pas la route, va être changé sous peu. 100 personnes de plus ont été recrutées au centre d’appel, les effectifs totaux ont été multipliés par trois. Heureusement il y a facebook et twitter pour se tenir informé[1. (note du 20 mai : Le « wiki du velibgate » dresse une liste des dysfonctionnements des vélib’s parisiens, et de ceux des systèmes installés par Smoove en France et dans le monde… On est mal barrés …]. Attention, pour la gratuité des abonnements cela ne sera pas automatique, il faut la demander (et cela ne sera pas fait avant avril, précisait le journal Le Parisien ce samedi). Il y a encore le problème des 700 abonnés qui sont face à un blanc (ni réponse ni contact), ce sont des abonnés de janvier, que JCD a acceptés et qui y sont encore sans qu’on n’y puisse rien…

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De cette foire d’empoigne on peut retenir que le public en voudra d’abord à la maire de Paris, probable candidate à sa succession qui accumule les difficultés (berges de la Seine contestées, Plan vélo très en retard –moins du quart est réalisé– , vélib’s en rade …), mais que lorsque cela fonctionnera Paris aura « le meilleur service de vélos partagés au monde ».

Certes, mais tout électrique aussi, comme on le laisse entendre. Car les retards et les pénalités coûtent très cher, et les vélos électriques dégagent une bien meilleure marge que les « musculaires », comme dans le commerce … Que des vélos électriques dans une agglomération aussi dense, est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien le meilleur pour les habitants et la planète?

 

—En plus court—
L’essentiel y est : BFM-business.
Là aussi, en plus informé : Le Monde.

—Pour fouiner—
Ceux qui ont envie de fouiller un peu peuvent se référer à mon article Paris : Smoove gardera-t-il le marché Velib’2 face au perdant JCDecaux ? d’avril dernier, et y constater de drôles de glissements, de Smoove qui gagne le marché à Smovengo qui l’exécute : d’une petite société française bien gentille face au « méchant Decaux » on passe à un grand groupe très expérimenté dont Smoove n’est même plus le pilote; de stations sur plateformes comme à Clermont-Ferrand à des stations dans le bitume; de stations électrifiées seulement s’il y a un totem … (et ne fonctionnant ni sous la grosse chaleur ni par grand froid…) : « pour les grands réseaux ce sont les applications sur d’autres terminaux (par exemple les horodateurs, comme à Vancouver) ou sur smartphone qui sont privilégiées. » Tiens ? 

—Notes—

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Laurent
6 années

Problèmes plus que prévisibles vu l’ampleur du chantier de changement de prestataire. Ça montre que ce moyen de transport pourtant populaire a été traité comme un gadget pour touriste dont on peut se passer. Pour aller au bout de la logique et solder ce fiasco, il ne reste plus qu’à distribuer un vélo et un bon antivol à chaque abonné Velib’. Un coup dur quand même pour la banalisation de l’usage du vélo.

6 années

Montant occasionnellement sur Paris j’avais l’habitude de prendre un ticket d’une journée. Sur le nouveau site j’ai cru comprendre que les tickets « une journée » n’étaient pas disponibles à toutes les bornes. Déjà trouver une borne et un vélo qui fonctionnent c’est parfois sport, mais si on ne peut pas prendre un ticket il faut prendre le métro pour aller chercher un ticket ?

H
6 années

Comment peut-on faire un appel d’offre, ou y répondre, et faire un choix, sans avoir un cahier des charges complet, sans connaître les emplacements des stations et sans intégrer des conditions de transition? La budgétisation des investissements s’est sans doute faite au doigt mouillé, le planning doit être pifométrique, la modélisation des flux et des coûts d’exploitation doit tenir de la voyance… Personne n’est à féliciter, pas même les sortants.
Vous savez où l’on peut voir l’appel d’offre pour ce projet? Parce que là ça me dépasse…

Lucien
6 années

Quel est le projet qui, de nos jours et déjà bien avant, se réalise dans les temps? Travailler devient de plus en plus compliqué, même pour mettre à disposition des vélos. Cela me fait penser à la mise en place de nos fameux EPR devant remplacer nos chères centrales des années 80. Y a-t-il un gagnant dans l’histoire ? Je pense que l’industrie du vélo « chinois » en tire son épingle du jeu. Et que dire des concurrents de Gobee.bike? En venant faire un tour à Paris, j’ai vu les restes et les nouveaux, quel triste décor!

Vincent
6 années
En réponse à  Lucien

Exemple avec la passerelle du Cambodge à Paris, qui relie la Cité universitaire internationale à Gentilly. Ouverture prévue en novembre 2017. Elle est encore en travaux.

6 années

Vous évoquez en passant les erreurs du Canard enchaîné et je dois avouer qu’à la lecture de leur article, je n’ai rien compris aux « explications » qu’ils donnent en matière de raccordement électrique des stations (et donc des mauvais choix qu’aurait fait le nouveau délégataire)…

6 années

Que Choisir vient d’entrer dans la danse avec un communiqué : Velib’ : les étonnantes explications de Smovengo. Le dernier paragraphe vaut le détour.

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