Les avions sans carburant fossile existent et battent des records. La conférence internationale sur les avions et véhicules à propulsion humaine a permis de faire le point, et de penser leur place dans la société.
Le « HPA », ou Human Powered Aircraft, ou Vol à Propulsion humaine, signifie « voler par ses propres ailes » ou par ses propres moyens. Nous en avons vus, mais qu’est-ce que cela nous dit sur le monde actuel?
Plus que les « VPH », véhicules à propulsion humaine, capables de subvenir à la plupart des besoins de mobilité terrestre (aquatiques et sous-aquatiques également), le vol à propulsion musculaire provoque une expérience émotive particulièrement profonde. Les avions à propulsion humaine sont une source d’inspiration d’ordre artistique, pour le pilote comme pour le spectateur, a relevé le docteur Saladin. L’homme s’affranchit de la pesanteur… l’homme vole !
Que nous disent ces engins ? Ils nous disent que pour mettre en oeuvre des solutions aussi simples (et aussi belles) il faut un très bon cerveau. Or les performances de nos cerveaux ont baissé autant que notre puissance musculaire. Les deux sont liés, car seule l’activité physique provoque le nettoyage du cerveau et donc son bon fonctionnement, et seul un pilote très costaud peut accéder au vol …
Tout cela et bien plus a été énoncé par le docteur Saladin à la fin de la conférence de Bordeaux sur les véhicules et avions à propulsion humaine.
3 sortes d’avions à propulsion humaine
Lors de cette conférence, vous auriez appris qu’en matière de vol sans pétrole il y avait trois catégories : les avions à pédales (il doit y en avoir 4 en état de marche de par le monde), les avions solaires (tel le Solar Impulse de Bertrand Piccard et André Borschberg, avec lequel ils ont effectué le tour du monde en 2016) et les planeurs (commandés à distance).
Cela fait bientôt un siècle que la recherche se fait sur les avions à pédales, et de beaux résultats ont été obtenus.
→ Dès 1921 l’Aviette planait à 17 mètres, et en 1973 elle volait sur 700 mètres.
→ En 1979 l’Albatros traversait la Manche.
→ En 1988 le Daedalus (créé par le MIT et la NASA) traversait la mer Egée (env. 100 km), et le 23 avril 1988 le record a été de 115,11 km en 3 h 54; ce record tient d’ailleurs toujours.
→ Le Velair, en 1988, a volé du 1er coup. En 1989 il a été présenté au salon du Bourget et en 1990 il a volé sur l’aérodrome de Munich alors en construction.
Des choix techniques d’équilibriste
Les choix techniques varient, et peuvent se résumer en des choix drastiques : entre légèreté et portance, légèreté et puissance, solidité et souplesse, vitesse et lenteur, celle-ci impliquant moins de puissance à développer mais des ailes plus grandes, donc plus lourdes …
Les premières ailes (celles de l’avion de Clément Ader, visible au musée du CNAM) s’inspiraient de celles de la chauve-souris. Il y a également eu des tentatives d’homme ailé pédalant. Aujourd’hui l’aile est une, faite soit de structures légères et entoilées (l’avion de Bordeaux par exemple), soit de caissons gonflés, ce qui rend l’avion (le Phoenix) dégonflable et transportable sur le toit d’une auto, soit de tubes.
L’aile de l’avion développé à Stutgart est un tube et pèse 17 kg. L’Airglow de 1988 et 1991 pesait 43 kg en tout, dont une aile à 12 kg. Le Millésime 1, de la fac de Bordeaux, pèse 49 kg et son envergure est de 26 mètres.
L’entrainement est toujours une chaîne de machine (pas de vélo), orientée verticalement. Le mécanisme est assez simple à comprendre dans ses grandes lignes : le pédalage, très rapide, entraine une chaine qui fait tourner une hélice. L’empennage assure direction et stabilisation, et estt commandé par des commandes classiques d’avion, moins l’accélérateur qui en l’occurence se trouve être les jambes.
Le pilote doit être un navigateur aérien averti mais aussi un excellent sportif. Et encore, à condition que la machine soit bien faite.
Un monde ultra spécialisé
On connaît beaucoup de casse pendant les essais. Les constructeurs sont souvent des chercheurs de grande école ou d’université, mais il y a aussi le Velair, construit par Peer Frank dans son garage avec l’aide de voisins et amis, et qui a volé du premier coup ! Les travaux menés à l’université de Bordeaux, dans le cadre d’ateliers, ont pour objectif plus l’apprentissage des techniques et des méthodes. 15 équipes et 5 enseignants se sont succédés, avec 150 étudiants et apprentis en Maintenance aéronautique, Matérieux, Génie mécanique, Composites, etc.
Jean-Charles Gosselin, président de l’association France-HPV, en est le pilote invité, et n’a réussi cette fois-ci à voler que 3 secondes, ce qui s’explique par le fait que l’avion est encore en développement.
Un avenir largement ouvert
L’avion à propulsion humaine ne figure pas parmi les disciplines olympiques, malgré les démarches menées par le British human powered flying club, créée en 2014. Il faut 4 pays minimum, nous en avons 5, UK, Korée, Japon, USA et France.
Tout cela coûte cher, c’est pourquoi ils sont si peu nombreux, 4 aujourd’hui, moins de 20 dans l’histoire sans compter les avions coréens et japonais. Ce n’est que lorsque l’industriel britannique Henry Kremer créa un prix (à son nom) que les progrès ont été sensibles. C’est pourtant l’avenir de la propulsion décarbonnée qui se joue là. Comme au sol, et peut-être dans l’eau.
Transportera-t-on de cette façon à l’avenir? Peut-être, peut-être pas, ou peut-être pas pour les humains mais pour d’autres usages. A quoi servent-t-ils ? à rien, peut-être. C’est nous qui décidons.
Il est cependant peu probable que ces avions deviennent des moyens de transport utilitaires. Toutefois Ils pourraient devenir des avions de loisir, en particulier avec une petite assistance électrique comme celle des vélos électriques. Ils nous apprennent beaucoup au niveau technique, en particulier pour les véhicules à propulsion humaine terrestres. Surtout, insiste J.-L. Saladin, ils donnent aux humains du monde moderne un objectif à atteindre, celui des 2,5 à 3 watts par kilogramme de poids corporel pour espérer pouvoir décoller.
Cette journée était organisée dans le cadre du projet Human Impulse. Contact : David Reungoat ou la page de contact du site.
En même temps avait lieu à proximité, à Saint-Médard en Jalles, la 3ème édition du Big Bang, festival annuel de l’air et de l’espace. Une semaine d’ateliers, formations, conférences, art, rencontres, simulateur de vol, salon de l’emploi, fêtes… avec un monde fou (4000 personnes à une conférence de Thomas Pesquet). Un gros évènement, sur un site connu pour sa « gare cyclable » sur la piste cyclable Bordeaux – Lacanau, et pour avoir bénéficié du programme banlieue89, mais aussi pour ses nombreuses entreprises liées à l’aéronautique. Les essais de vol de l’université (avec J. C. Gosselin pour pilote) ont également eu lieu pendant cette semaine, à une quarantaine de kilomètres.
—Documentation —
- Le premier avion universitaire français à propulsion humaine : Human Impulse.
- La page de la rencontre.
- L’avion à propulsion humaine déploie ses ailes, Premiers essais de la machine volante conçue à et par les étudiants et enseignants de l’IMA à Mérignac (2015)
- Un avion à pédales fabriqué à l’université de Bordeaux. Isabelle et le vélo, août 2015. Avec des belles photos de l’avion.
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Dans le numéro 142 (sept-oct 2017) de Vélocité, il y a un article de Michel Julier intitulé « A vélo sur l’eau et en l’air » dans lequel il écrit : « les avions comme les oiseaux ont des rapports poids/puissance que ne pourra jamais atteindre un humain avec sa machine ».
Ces avions à pédales me font penser aux outils multi-fonctions qu’aucun mecano n’utilise parce qu’un tournevis ou une clé Allen sera toujours bien plus efficace que ce qui se trouve sur ces outils soit-disant polyvalents.
Le vélo est un engin merveilleux, les engins volants, qu’il soient à moteur ou sans, sont tout aussi fantastiques. Faites donc un tour en deltaplane, en parapente, dans un petit avion de tourisme, ou dans un planeur, aux commandes si possible , et vous comprendrez.
Le mélange vélo-avion est original mais comme l’outil multi-usages, il ne donne aucune des satisfactions procurées par les deux autres. Mais bien sûr, pourquoi ne pas expérimenter ?
Je note qu’à l’origine du vélo il y a un Allemand et qu’à l’origine de l’avion il y a aussi un Allemand. Les premiers tours de roues de la Laufmaschine du baron Karl von Drais datent de 1817 tandis que le premier vol d’Otto Lilienthal a lieu en 1891, date à laquelle le vélo dispose maintenant, grâce à un certain Michelin, de pneus gonflables démontables. Quels voisinages dans le temps et dans l’espace pour ces deux engins merveilleux ! Mon histoire est peut-être un peu trop belle … à cause d’un certain George Cayley, noble anglais qui a compris pourquoi les oiseaux planent, un demi-siècle avant Lilienthal, et aurait fait voler un enfant puis son cocher …
Sur quelle expérience vous basez-vous pour dire que le mélange vélo-avion ne donne aucune des satisfactions de ses composantes ? Je trouve au contraire que cette expérience est exaltante !
Je ne me base sur aucune expérience puisque je ne suis jamais monté dans un avion à pédales ! Mon propos n’était évidemment pas de dévaloriser cette tentative d’associer vélo et engins volants. J’ai toujours été passionné par ce qui vole, ai fait du planeur, ai piloté des petits avions de tourisme (lâché en 1971 sur Jodel D112 !), ai volé en double sur deltaplane. Quant au vélo, ma modestie dût-elle en souffrir, je vis à vélo, fais partager ma passion dans la vélo-école de Montreuil et possède à peu près toutes les sortes de vélos, du Brompton au Moulton en passant par le Pedersen, un vélo couché, des tandems, et autres vélos plus classiques dont un avec Rohloff. Il me manque un vélo avec le changement de vitesses Pinion mais ça ne saurait tardé. Quant au “rétrodirect” de la Manufacture d’armes et cycles de Saint-Etienne, je n’en ai pas mais je l’ai testé.
Je ne doute pas qu’il y ait un plaisir particulier à voler sur un avion à pédales : silence, lenteur … comme j’admire l’exploit réalisé par Piccard et Borschberg sur leur Solar Impulse.
Mais si l’on regarde l’histoire du vélo et de l’aviation, on voit bien qu’on s’est dirigé vers l’efficacité comme pour tout autre engin (vitesse, maniabilité, charge utile …)
En 1993, j’ai découvert le Pedersen et des passionnés qui le considèrent comme supérieur à tous les autres vélos. Force est d’avouer que, s’il est peut-être le plus beau, il n’est pas le plus rapide, le plus confortable, le plus polyvalent …
Aura-t-on un jour les mêmes sensations en avion à pédales qu’en planeur ? sûrement pas, mais le plaisir d’être autonome est indéniable. Je ne doute donc pas qu’il s’agisse d’une expérience exaltante, de l’ordre de celle vécue par les pionniers de l’ULM mais sans le vacarme. Ce qui n’est pas mince.