Rando-Cycles a fermé

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Rando-Cycles, la célèbre maison parisienne de vélos de randonnée a fermé ses portes définitivement en août 2018. Rando-boutique avait déjà tiré le rideau depuis le 3 mars 2018. Les deux boutiques de la rue Fernand-Fourreau (près de la porte de Vincennes à Paris) sont complètement fermées, et vides, ou presque. 

Créée en octobre 1986 par Philippe Roche, René Dochler et Paul Doméla, Rando-Cycles occupait des locaux finalement acquis par René. La société s’était cependant assez rapidement scindée en deux, René devenant le gérant de Rando-boutique et Paul celui de Rando-Cycles. Deux sociétés aux visages très différents, d’un côté Paul le grand ours sympathique, de l’autre René menant ses affaires en commerçant avisé. Le public s’y est souvent trompé, et la communication l’y a parfois encouragé, l’image du vélo de voyage étant porteuse dans le petit milieu visé. Quoi qu’il en soit Paul a longtemps été le seul à Paris à vendre des vélos de voyage et René à vendre des sacoches de voyage. 

Vous vous faisiez construire le vélo de vos rêve chez Paul (ou vous veniez en commander un à la carte) et vous achetiez sacoches, chaussures, remorque et autres accessoires chez René.

Paul aura eu des heures passionnantes lorsqu’ils préparait des vélos spéciaux pour la future aventure de Françoise et Bernard Magnouloux sur les rails dans le grand nord, ou pour certains journalistes célèbres. Pour autant les affaires n’ont jamais été mirobolantes, Paul n’étant pas commerçant dans l’âme mais amoureux du vélo. 

Lorsqu’en 2007 François Coponet l’a quitté, après avoir été son cadreur pendant une quinzaine d’années (d’abord à son compte puis en salarié à partir de 1990), Paul a progressivement abandonné le vélo sur mesure pour se recentrer sur le montage et la vente de vélos de randonnée de qualité, mais de série, m’avouant un jour qu’il y gagnait mieux sa vie. Il faut aussi dire qu’il n’a jamais vraiment réussi à remplacer François malgré quelques recrues appréciées, mais d’autres moins fiables il faut le reconnaître. 

Certains gars passés par Rando-Cycles et formés par François ont, en effet, parcouru un beau chemin après Rando-Cycles : Marc Ouvrard, un voyageur FFCT, a ensuite monté une affaire de location et réparation de vélos à Saint-Pol de Léon; Sören Marx, originaire de Dresde, qui venait bénévolement se former, s’est installé au pays où il fait de super-vélos, comme dit François (Sören n’oublie pas ce qu’il doit : « im Jahr 2002 folgte ein Jahr in der Werkstatt des französischen Rahmenbauers Francois Coponet bei Rando-Cycles in Paris »); Luc Draber, qui est maintenant le patron du magasin « Un vélo dans la ville » à Malakoff, en proche banlieue parisienne.… Il y a eu un Néo-Zélandais, et pas mal d’autres, qui sont resté plus ou moins longtemps, raconte François. Ensuite on a vu un Américain dont le tout Paris cyclo bruissait, mais aussi des apprentis très peu motivés, etc.   

A partir de 2011 la rentabilité semble flancher, malgré un chiffre d’affaire toujours en progression. La gestion, certes, est l’éternel problème des artisans, mais on doit aussi considérer que les conditions devenaient plus compliquées : l’intérêt des grossistes, de moins en moins intéressés par les petites structures, a pesé lourd. Aujourd’hui encore cette situation continue à contraindre nombre d’entre eux à commander eux-mêmes sur internet, au prix public, qu’ils soient dans le vélo, dans la musique ou ailleurs.

La vente des pièces restantes (pièces de la seconde moitié du 20ème siècle, cadres, etc) de Rando-Cycles a eu lieu le 26 novembre 2018, et ne semble avoir attiré que 5 ou 6 personnes, tous non-professionnels. Il est donc fort probable que l’on trouvera bientôt sur le Bon coin des pièces venant de Rando-Cycles, sans qu’on le sache. Ce sera le seul moyen de continuer à entretenir vos Rando-cycles…

Paul laisse derrière lui un certain désordre, bien connu, mais surtout des souvenirs d’une époque où le passage par Rando-cycles et rando boutique s’imposait à tout cyclo un peu averti.  

Il aura maintenu le souffle de la randonneuse pendant toutes ces années quelque peu désertiques dans ce domaine (si l’on excepte1 Le 13 janvier 2019 j’ai enfin retrouvé l’adresse d’une boutique qui a eu aussi beaucoup d’importance dans les années 80. On n’y vendait que des sacoches de vélo, et c’était au 6 rue Emile-Gilbert, autant dire en face de la gare de Lyon à Paris. Je n’ai pas encore retrouvé le nom de son courageux patron, qui ensuite travailla au Vieux campeur, mais je me souviens qu’il m’avait dit avoir été obligé de fermer parce que la société Ortlieb n’acceptait de donner à vendre ses sacoches qu’à la condition que l’on ne vende qu’elles… Si quelqu’un se souvient de son nom et du nom de la boutique je les recueillerai avec respect ! la Confrérie des 650, créée en 1995), avant que la vague revienne avec de nouveaux constructeurs de qualité, et aussi des chaines de magasins offrant des vélos de voyage d’entrée et moyenne gamme, de série plutôt bien conçus, mais n’empêche, sans le service d’un artisan. Paul et René auront été les sauveurs du vélo de voyage en France pendant la seconde moitié du 20ème siècle.

René poursuit par correspondance la vente d’accessoires, et prépare pour 2020 l’ouverture d’un accueil cyclo dans l’ancienne gare de Clessé, dans les Deux-Sèvres, avec camping, restaurant, et gite aménagé dans une voiture-lits de la Compagnie Internationale des Wagons Lits. Cela se trouve à une vingtaine de km au nord-ouest de Partenay, sur une voie verte non revêtue qui va de Partenay à Bressuire. 

François, après avoir été encadrant-formateur dans un atelier de vélo en insertion en Normandie, a ouvert sa propre activité de vélos sur mesure. Enfin ! Sa société s’appelle Cycles-itinérances et ne vend que des vélos, et que sur mesure. Il est le fournisseur évident de tout l’est de la France, sa situation à Pont-à-Mousson facilitant bien les choses. Il est bien plus que cela, vous l’avez compris.

René et François seront présents au Festival international du voyage à vélo, les 19 et 20 janvier prochains. 

Sur les nouveaux constructeurs on peut voir:

  • La FFCT sans fard à Epinal (le salon : Les « constructeurs » de belles machines (…) étaient regroupés, au milieu…)

La FFCT sans fard à Epinal

(Cet article est une version enrichie d’un premier article paru dans Velotaf)

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Au 18 mai 2020 cet article avait été lu 2 488 fois.

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promeneur
5 années

J’étais client chez eux occasionellement vers 2002-2004 quand j’ai débuté la randonnée, alors que sur internet on ne trouvait pas facilement du matériel de randonnée. J’aimais bien la balade en vélo pour me rendre chez eux depuis le 15-ième. Nostalgie.

Pérégrineur
5 années

Le matos proposé à la boutique était de bonne facture et adapté à l’itinérance à vélo mais il valait mieux ne pas demander quelque chose … qu’ils n’avaient pas! (Pneus « cheval-bleu » cloutés par exemple). Par contre étant un client occasionnel éloigné mon cas était peut être un cas isolé.

5 années

La vie continue, bonne retraite Paul.
Merci Isabelle pour cet article et cette rétrospective d’une marque qui a permis à de très nombreux voyageurs de découvrir le monde avec ce merveilleux moyen de communication, logistique et relationnel, qu’est le vélo.

Maréchal Jean-Luc
5 années

Cette nouvelle qui tombe est une page qui se tourne pour beaucoup de cyclo-campeurs. On ne serait jamais allés se perdre dans ce quartier s’il n’y avait pas eu Rando-Cycles ! J’y suis allé pour mon premier vélo… j’y suis revenu pour des accessoires, et parfois pour rien, pour le plaisir ! Mon Rando-Cycles m’a accompagné jusqu’en Suède, surtout en Roumanie, au Sénégal et en Mauritanie… et puis dans les coins et recoins de notre belle France ! Bonne retraite à Paul.

BikePower
5 années

Probablement dans les tous derniers clients à la boutique parisienne, on avait même été reçus alors que le magasin était déjà fermé !
On passera à Clessé pour saluer René et son épouse dans leur nouvel environnement, avec nos magnifiques sacoches bien entendu !

Malakoff aura donc accueilli deux anciens de Rando-cycles car après Luc d’Un vélo dans la ville, nous avons également accueilli Sam « l’Américain dont le tout Paris cyclo bruissait » cité plus haut, qui y a ouvert Paris Bike Co. Bonne année à tous !

5 années

Très bel article un rien mélancolique, qui éveille quelque émotion en moi. Je n’avais je crois jamais compris qu’il s’agissait de deux commerces différents. À l’époque, j’étais très bousculé et n’avais pas le temps de contempler les gens et les choses, sans doute en ai-je ratés comme cela. Le tandem-rail évoqué au début (surnommé Randocynante) continue à rouler dans Paris et autour sous les jambes de la fille de Françoise et de son mari. On peut le voir rouler sur les rails du Labrador dans un petit film sur (https://youtu.be/W4ixNO68ZVA), qu’il soit un petit cadeau pour ce départ à la retraite. Bernard Magnouloux (de Montpoulet !)

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