Les petits engins à moteur se verraient bien « EDP »

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Etre dans la catégorie des Engins de Déplacement Personnel, c’est, espèrent-ils, se voir ouvrir les pistes cyclables et donc de gros marchés. A la Foire de Paris, outre une roue à plat et deux lumières (article précédent), j’en ai vu 2 ou 3 qui aimeraient bien se faire passer pour des vélos, et même pour des EDP. A-t-on vraiment besoin de définir les EDP ??? Ne peut-on jouer sur une répartition spatiale intelligente? 

Une draisienne ?

Le premier de ces engins vus à la Foire de Paris cette année m’est apparu d’abord comme étant une draisienne, et d’ailleurs il me fut présenté comme tel. Une draisienne électrique, me fut-il immédiatement précisé avec fierté. Pas de pédales, des cale-pieds, un moteur qu’on actionne par la poignée de droite, des freins qui fonctionnent comme ceux des mobylettes … Comment le caractérisez-vous? demandai-je. Comme un EDP, me répondit-on, un sourire en coin et la page du Parisien qui parle du futur décret bien en vue. Puisqu’on le limite à 20-25 km/heure ils auront droit aux pistes cyclables, m’affirme-t-on. Pourtant, et à juste titre, leurs documents ne parlent que de « scooter électrique qui se plie automatiquement ».

Mazoti

Un vélo pliant plus électrique qu’il n’y paraît

Le Wan Bike (valable pour ceux qui n’écrivent que comme ils entendent ?), avec 3 niveaux d’assistance, peut rouler sans pédalage. Au démarrage, tourner la poignée le fait démarrer. Autonomie environ 50 km à plat sans pédalage, plus si vous pédalez et moins si ça monte. Cadre magnésiun, assemblé en Chine, pièces Shimano et batterie coréenne. Un vélo où on peut ne pas pédaler est-il encore un vélo ? ben non. Méfiez-vous des apparences. Il risque par contre d’être EDP, pour peu qu’il soit bloqué à 25 km/h. Heureusement il a une selle, comme vous allez bientôt comprendre.

Wan Bike

Nous avons déjà montré que cette autorisation dans les pistes cyclables est leur principal souhait, puisqu’à leurs yeux elle seule peut leur assurer un vrai marché. 

  1. La définition en préparation
  2. Seule la selle fait la différence
  3. Si on essayait la même vitesse pour tous ?
  4. Personne, ou presque, n’ose les interdire, malgré les nuisances et les autres inconvénients.

1- Qui sera quoi et où ? 

EMP, EDP (pour mobilité ou pour déplacement), on va avoir du mal à départager ceux qui en sont et ceux qui rêvent de s’y faufiler.
La motorisation semble ne pas jouer de rôle dans la définition, seule la selle semble devoir être interdite. Le projet de décret que nous a communiqué Thomas en commentaire indique bien « sans place assise » (art. 3) sauf exception (« Il peut toutefois comporter une selle s’il s’est muni d’un système de stabilisation gyroscopique« . On en trouve dans les segway). La vitesse maximale « par construction » sera de 25 km/h (art. 16) et minimale de 6.
Si la seule limite réside dans les vitesses pratiquées il suffira de bloquer le moteur au niveau voulu. La morale sera sauve, sauf que, justement, la police n’est déjà pas capable de faire respecter les sas. Comment imaginer qu’elle s’en sorte avec les vitesses de ces engins? Elle devra fouiller dans leur moteur ? On ne va pas mettre des radars partout, je suppose.

Ceci dit, en restant debout on ne devrait pas risquer d’aller très vite.

Ma proposition de décrire les espaces en fonction non pas des véhicules eux-mêmes, dont la liste ne cessera de longtemps de se modifier, mais en fonction des vitesses pratiquées (et autorisées) a été retoquée, paraît-il, précisément à cause de la difficulté à exercer le contrôle des vitesses pratiquées. Alors … vitesse adaptée aux circonstances, c’est-à-dire calée sur le plus lent ? 

Wan Bike (et d’autres) : EDP, motocyclette, bicyclette …
selon les circonstances ?

2- Absence de selle, vitesse limitée, casque et assurance ?

Le reste du projet de décret semble conforme à la communication relatée dans notre article Les trottinettes électriques échappent au législateur.

Le futur décret semble parler surtout des EDP électriques, mettant donc ces petits bolides avec les vélos et les autorisant aux enfants. Certes leurs vitesses officielles seraient intrinsèquement comparables avec celle des vélos, mais pas dans les cotes. Les EDP sans moteur resteraient sur les trottoirs ? Probablement pas non plus. La conclusion que je vous propose est celle du même Thomas, sous sa responsabilité :

Une trottinette motorisée à selle passerait ipso-facto dans la catégorie motocyclette qui va bien.
Plus subtil, l’article L324-1 portant sur l’obligation d’assurance n’est pas modifié. Je déduis de la définition 6.15 (EDP=véhicule équipé d’un moteur) et de l’article L324-1 (Toute personne physique …, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages … dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité… on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur) que les EDP devront être couverts par une assurance du même type que celle pour les voitures. La différence majeure avec les cycles se situe à ce point.
Comment géreront les sociétés de free-floating, mystère. Mais la probabilité que ça affaiblisse un peu plus leur modèle économique n’est pas nulle.

Les « draisiennes électriques » et les « vélos pliants motorisés où on n’a pas besoin de pédaler » ne seront alors jamais des EDP. Juste pour une selle.

3- Modes actifs lents / modes actifs rapides / modes motorisés tous lents … et tous alignés sur le plus lent du lieu.

Sous ce titre j’entend (ébauche):
Actif lent → trottoir : Piéton; petit enfant en draisienne, en patins, à vélo; parent à vélo; adulte cycliste lèche-vitrine; adulte cycliste accompagnant un piéton; cycliste âgé; facteur; patineur hésitant; handicapé; 
Actif rapide → piste cyclable : cycliste jusqu’à 25 km / h environ
Motorisé + actif très rapide chaussée : camion, autobus, automobile, moto, petites motos électriques; vélomobile, patineurs experts,  … comme déjà pratiqué; jusqu’à 30 ou 40 km/heure
Cela implique que les trottoirs soient larges, que les pistes soient larges, et que les chaussées soient lentes. 

Si cela va mal je dirai qu’il serait vraiment grand temps de repenser les espaces publics tout en hiérarchisant les modes, du musculaire le plus actif jusqu’au motorisé le plus passif, avec bilan écologique et bilan d’accidents et de mise en danger d’autrui. On devrait même se demander s’il y en a de vraiment utiles, dans quelles circonstances, et d’autres qui n’ont pas d’utilité réelle, ou qui risquent d’être nuisibles, ou de remplacer quelque chose de mieux.

Si tout se passe bien je dirai seulement que je regrette qu’on promeuve passivité et consommation d’électricité, et vérifierai si le mode remplacé est bien le bus ou l’auto, et pas la marche.

« Il est important de poser d’emblée les questions qui fâchent : quel est l’impact de leur fabrication, se substituent-ils ou s’additionnent-ils à d’autres moyens existants de déplacements, quel mode de production d’énergie les abreuve, allongent-ils les distances parcourues des déplacements qu’ils suscitent et, enfin, quel sera leur destin en fin de vie ? » dit Laurent Castaignède, l’auteur de l’article de Reporterre … Luttons contre la conquête des territoires urbains par les transports motorisés, dit-il encore.

Si l’on suit ma proposition de hiérarchie, les EDP seront peut-être mieux placés que les grosses berlines, mais pas forcément que les autobus ou que la marche à pied, et ne seront pour autant assimilés ni aux piétons ni aux vélos.
C’est l’ensemble des vitesses pratiquées en ville qui doit permettre l’existence de ces nouveaux modes, si on décide qu’ils ont une pertinence, parmi les modes urbains rois que doivent rester les piétons d’abord, les cyclistes ensuite, car leur bilan est à coup certain le plus positif de tous.

Remarquez que ma suggestion sur les vitesses lentes généralisées permettrait aux petits engins à moteur et selle (+ casque et assurance) de trouver eux aussi une place convenable !!! Avec ma proposition tout serait finalement bien plus simple. Je ne vois d’ailleurs que cela comme réelle solution, même sans selle.

Tout cela mérite d’être affiné, et je doute qu’on en reste là, mais il est clair que des décisions partielles ne peuvent résoudre des questions globales. Amsterdam avait autorisé, sur ses larges pistes, de gentils petits moteurs thermiques (voir l’article sur ce sujet), elle s’est retrouvé avec des grosses cyclindrées. Se débarrasser de l’envahissement automobile ne passe pas forcément par la promotion d’engins dangereux, passifs et nocifs. La Fub, qui tenait son congrès avant-hier, va sûrement nous dire que cela passe par une politique du vélo enfin cohérente… et moi que cela peut passer par une limitation draconienne de toutes les vitesses, qui d’ailleurs n’empêche pas qu’une politique du vélo soit nécessaire. 

Pour que les Engins de Déplacement Personnel
aient une place sans nuire (directement) aux autres
il faut élargir les trottoirs et pacifier les vitesses sur la chaussée.

A défaut il faut les interdire. Et si vous tenez à les autoriser sans rien changer, leur définition a intérêt à être claire … 

Un « flou juridique » qui risque de durer

4- Autoriser les EDP ? Comme si on était contents avec les trottinettes !

Si vous ne croyez toujours pas qu’il faut vraiment se méfier, vous pouvez aller voir ce qu’il se dit à Paris. C’est même le Premier adjoint à la maire de Paris qui a lancé l’offensive (et évidemment tout le monde lui tombe dessus) !!! Il s’agit bien de trottinettes électriques, donc des EDP électriques.

@egregoire

Le Conseil de Paris en parlera le mois prochain, et si l’interdiction pure et simple est peu probable (de crainte d’impopularité?), les journaux se font l’écho d’un agacement grandissant. Par exemple fin avril, BFM TV : Les trottinettes électriques dangereuses bientôt interdites à la vente; Trottinettes électriques: Paris brandit la menace de leur interdiction. Le journal Lyon Capitale pose même la question à ses lecteurs : souhaitez-vous leur interdiction? « Pour l’instant, ces trottinettes peuvent être garées n’importe où et même si des villes comme Lyon se sont dotées de charte de bonne conduite, rien n’oblige les entreprises à la respecter. Un futur arsenal légal permettrait alors aux métropoles de bannir les entreprises qui ne souhaiteraient pas suivre les règles imposées. » Le journal du Dimanche confirme leur dangerosité : JDD12 mai 2019.

Il n’est pas sûr que les EDP électriques, dont les trottinettes électriques sont pour l’heure le plus visible (ils comprennent aussi les gyropodes et assimilés), seront interdits, ni en France ni même dans aucune ville de France (même si le Gouvernement leur en donne la faculté). « Sinon, il n’est pas honteux de suivre les exemples de San Francisco, Barcelone, Madrid, LA, Nantes, .. qui ont banni ces engins anti-sociaux et anti-écolos » dit un Twitter. 

On peut les interdire, il y a de nombreuses raisons pour cela. Si on les accepte, alors il faut le faire bien. Soit écrire des définitions et être sans cesse bousculé et sujet à fraudes. Soit pacifier la ville pour qu’elle soit accueillante à tous. 

Il semble au moins qu’arrive le moment où les engins à moteur seront bannis des trottoirs, en mouvement comme en stationnement. Les mettre sur les pistes cyclables n’est pas non plus une super-idée d’avenir. Cela ne règlera qu’une toute petite partie de la question. Car leur bilan écologique et de santé publique fait, pour le moins, débat, autant que celui de la gêne qu’ils provoquent. 

Pour vous y retrouver

Vous pouvez repartir d’un article tout récent : Les trottinettes électriques échappent au législateur, dans lequel je donne beaucoup de liens. 

Voici les informations sur la Charte de bonne conduite que la Ville de Paris a signé avec les opérateurs de trottinettes électriques en libre-service (14 mai 2019). 

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Noel
4 années

La miniaturisation permet des prouesses techniques, reste que la propulsion n’est plus produite par la seule force musculaire. C’est ce seul critère qui devrait permettre la distinction du genre.

4 années

Je pense que les critères objectifs doit rester la vitesse et l’encombrement. Ce sont eux qui impactent la cohabitation entre usagers et les nuisances/sécurité.
Il faut se garder de faire dans une dentelle pour créer une législation qui cible un mode de déplacement avec lequel on n’est pas d’accord mais rester sur la définition des facteurs gênant/favorisant la circulation. En effet, le contraire ne peut que créer des conflits, des contournements et la pagaille.
Je comprends qu’on préfère les modes actifs, mais essayer de pénaliser les modes assistés ou électriques qui ont des caractéristiques par ailleurs identiques à d’autres modes « préférés » (comme Isabelle et le vélo 😉 ne peut être que contre-productif.

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