L’IKV sera remplacée par un forfait Mobilité « durable »

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Le forfait Mobilité durable aura sans doute plus de succès que l’IKV, mais son caractère écologique est modéré et son impact incertain. La Loi ne parvient pas à un engagement fort pour changer la trajectoire climatique. (Monnaie de Sempé : Le vélo apporte joie et fraternité plus que sous)

Un forfait plus avantageux pour les cyclistes solos

Le forfait mobilité durable a été décidé par le Parlement le 11 juin, lors du débat de la Loi d’orientation des Mobilités. Il sera plafonné à 400 € par an pour ce qui est de l’absence de charges patronales ou d’imposition sur le revenu, contre 200€ pour l’IKV. Il ne sera pas tenu compte des distances parcourues, aussi contrairement à l’IKV et concernera le vélo et le co-voiturage (que l’on soit conducteur ou passager) ou tout autre service de véhicules partagés tels que motos et scooters. Les EDP (engins de déplacement personnel, gyropodes et autres) dont les trottinettes électriques, ont failli en être, et même leur achat (amendement de Mme Rossi) ! Eh oui, il s’agit de soutenir « les mobilités actives et partagées » selon la nouvelle expression. 

Pour les fonctions publiques d’Etat, le forfait Mobilité durable sera plafonné à 200€ par an. Rappelons que l’indemnité kilométrique vélo -IKV- n’y avait été instituée que du bout des lèvres, « à titre expérimental », dans deux ministères, en septembre 2016

Une aide aux Gilets jaunes

Pour les personnes n’ayant pas accès à des transports en commun, il a été décidé de doubler la participation aux frais de carburant s’il s’agit d’électricité (même partiel) ou d’hydrogène. De 200 € cette aide passe dans ces cas à 400€ annuels. Je crois que c’est d’aider les automobilistes à ne plus l’être qu’il aurait fallu, et vite… 

Cumul possible avec les TC

Dans tous les cas le forfait Mobilité durable pourra être cumulé  avec la prise en charge de 50% de l’abonnement aux transports en commun, alors que jusqu’alors il fallait choisir. Le total ne devra pas dépasser 400 € par an. 

Des tickets-mobilité

Nouveauté, ces aides pourront prendre la forme de « tickets-mobilité », sur le modèle des tickets-restaurant. Ce ticket, qui devrait afficher le type de mobilité concerné, sera utilisable chez tous les vendeurs agréés : station-service, plateforme de covoiturage, magasin de vélo… ce qui peut pousser à la consommation plutôt que, par exemple, réparer soi-même. 

Facultatif, mais obligatoirement négocié

Le forfait mobilité durable ne sera pas obligatoire, mais la question des déplacements devra figurer dans la liste des négociations obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés sur le même site.
A défaut d’accord l’entreprise devra mettre en place un plan de mobilité avec soutien au co-voiturage et au vélo (à minima parkings, mais aussi challenges, offre d’accessoires, visites régulières d’un mécanicien, horaires des transports, facilités pour prendre occasionnellement un taxis, etc …). Ce pourra être le cas également sur les sites regroupant 50 salariés ou plus, répartis en plusieurs entreprises.

Barbara Pompili a plaidé en vain pour l’obligation du forfait, ne serait-ce que pour éviter des sentiments d’injustice.  

Barbara Pompili : « L’enjeu est également important face à l’urgence climatique. Le taux d’occupation des véhicules a baissé ces dernières années, passant de 1,78 individu en 1990 à 1,58 en 2014. On a également observé, ces dernières années, un abandon du vélo comme mode de transport du quotidien.
Les chiffres ont déjà été cités plusieurs fois dans cet hémicycle : en 1970, en France, 10 % des déplacements domicile-travail, en moyenne, étaient effectués à vélo. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 2 %.
Je rappelle aussi cette statistique qui nous a tous estomaqués : selon l’INSEE, en 2015, 58 % des travailleurs recouraient à la voiture pour des trajets inférieurs à 1 kilomètre. » .

Pour justifier la non-obligation, ses opposants, parmi lesquels la ministre elle-même, prétendent faire confiance aux employeurs, ou reconnaissent qu’on a beau obliger, ça ne suit pas.

Elisabeth Borne : « L’objectif est que tous les salariés qui ont des difficultés pour se rendre au travail puissent être mieux accompagnés par leur employeur. (…) Alors que toutes les entreprises de plus de 100 salariés auraient dû adopter un plan de mobilité au 1er janvier 2018, 8 % seulement d’entre elles l’ont fait.
Cela montre l’intérêt qu’il y a à changer de méthode et à faire confiance au dialogue social (…) non seulement à propos de la prise en charge des frais de transport, mais aussi pour réfléchir à l’organisation du travail, à la coordination des horaires (…) à la possibilité de développer le télétravail ou la mise à disposition de moyens de transport par l’entreprise. » 

Seules 150 d’entreprises ont adopté volontairement l’Indemnité kilométrique vélo (IKV) depuis sa création en février 2016, ainsi que nous le donne à voir le site Forfait vélo développé par Zoov. (Voir aussi leur article de blog sur les bonnes raisons de décider de verser un forfait.)

Conclusion de B. Pompili : « si, dans deux ans, les résultats ne sont pas au rendez-vous, il faudra que le dispositif devienne obligatoire : c’est vraiment une question d’urgence sociale et écologique. »

Mi-figue mi-raisin

Le partage est évidemment plus moral que la possession en propre, l’auto uniquement quand il n’y a pas du tout d’autre moyen motorisé plutôt que systématiquement, mais c’est bien tout ce qui permet de justifier le qualificatif de « durable »… 

La Loi d’orientation des Mobilités ne nous fait pas vraiment changer de monde.

Matthieu Orphelin se félicite qu’il aide au co-voiturage, mais regrette qu’il ne soit pas obligatoire. La ministre se dit fière que l’Assemblée ait décidé « un progrès social majeur pour le quotidien des Français ». Officiellement elle n’y est pour rien, mais en vrai son omniprésence, dès avant les débats en séance, et son avis fréquemment prépondérant, frisent le dénis de liberté de la représentation nationale.

Retenons que ce forfait a un montant plus élevé que celui de l’IKV et qu’il est cumulable avec le demi-remboursement de l’abonnement aux transports publics. Retenons aussi qu’à défaut d’être obligatoire, il est maintenant obligatoire d’en parler. Et que, si tout cela ne sont que des évolutions, et non l’avènement d’un nouveau monde, pour une fois c’est plutôt dans le sens de la simplification. Facultatif et sur un pied d’égalité avec autos et transports publics, on ne peut pas dire en revanche que le message écologique soit très clair. 

Deuxième séance du mardi 11 juin 2019, article 26

Pour voir comment ça se passe : vidéos de l’Assemblée nationale.

  • Pour lire la même chose avec un regard différent : Les députés adoptent un forfait mobilité non obligatoire pour les entreprises. Actu-Environnement, 12 juin
  • Pour se souvenir de l’histoire de l’IKV, ses désillusions, son application dans les communes malgré l’interdiction, etc… utiliser le tag IKV. 

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Pascal Petit
4 années

Bonsoir, l’un des enjeux est aussi de savoir si l’Etat va donner l’exemple et l’appliquer dans la fonction publique. En a-t-il été question ?

Alexandre
4 années

Personnellement, j’attends de voir les décrets d’application. La ministre avait dit, lors d’une interview, que l’employeur pourrait demander des justificatifs de dépenses pour verser ce forfait. Pour moi, cela soulève au moins deux questions :
– le montant versé sera-t-il plafonné aux dépenses « prouvées » ?
– pourra-t-on « amortir » certaines dépenses, typiquement l’achat d’un vélo, c’est-à-dire les répartir sur plusieurs années si elles sont supérieures au plafond du forfait ?

Si les réponses sont « oui » et « non », alors cela constituera en fait un sacré recul pour les cyclistes. Réussir à justifier 200 (voire 400) euros par an pour un vélo, ça va être compliqué. Par contre, en covoiturage, aucun problème, même partagés, les frais peuvent facilement s’élever à ce niveau.
A l’inverse, avec l’IKV actuelle (j’ai la chance d’être dans un des deux ministères), aucun autre justificatif qu’une déclaration sur l’honneur de venir au moins 75 % des jours travaillés sur place en vélo et une capture d’écran d’un site de calcul d’itinéraire pour le kilométrage du trajet.

Jean-Jacques
4 années

C’est quoi ces tickets mobilité ? Seront-ils utilisables chez le vélociste artisanal qui assure avec compétence le gros entretien de mes vélos ou vont-ils être accaparés par les chaînes genre Cyclable, Décathlon, Intersport, etc ?
Et donc si un employeur annonce qu’il a installé des racks de plie-roues pour stationner les vélos, c’est bon les cyclistes, arrêtez de réclamer la lune ?
Encore une fois on dit aux cyclistes que ça y est, ils vont voir ce qu’ils vont voir et….la montagne accouche d’une souris. On n’est pas sortis du sable….

Michèle Dambrine
4 années

« Selon l’INSEE, en 2015, 58 % des travailleurs recouraient à la voiture pour des trajets inférieurs à 1 kilomètre. » … Ces statistiques ne sont pas étonnantes, les trajets en voiture restent considérés comme « la norme » dans nos villes, même s’ils sont courts et urbains…
A titre d’exemple, une enquête de satisfaction proposée à l’office de tourisme de Forbach (57) questionnait exclusivement sur les facilités pour y arriver et stationner à proximité. En fait il y a un parking voiture conséquent, et une pince-roue pour deux vélos … Il est certain que l’utilisation de la voiture est trop souvent la seule qui soit prise en compte… Faciliter un usage incite à l’utiliser. Si pas de stationnement vélo, et pas d’itinéraires cyclables, moins d’utilisateurs du vélo…

Christophe
4 années

Idem que les commentateurs ci dessus, j’attend les détails de l’application.
Dans mon entreprise j’ai droit à 200 € par an, il suffit que je déclare le nombre de trajets et la distance effectuée.
Si c’est un remboursement de 400€ (sur facture ou avec des moyens de paiement façon ticket restaurant) ça risque d’être compliqué pour les cyclistes à utiliser (sauf l’année où on pourra se faire plaisir en achetant un nouveau vélo neuf.)

Alan Roy
4 années

Si votre trajet domicile-travail est composé d’une partie à vélo et d’une partie en transport en commun, ou bien si vous alternez d’un jour/mois à l’autre ces 2 modes de déplacement en fonction de la météo par exemple, votre prime sera plafonnée à 400 euros annuels (ex : si votre abonnement de transport est de 33,33 euros mensuel, il vous reste 0 euros pour le vélo).

Alexandre
4 années

Je suis globalement d’accord avec vous, sauf que je raisonne dans le contexte qui m’est donné. Je dis deux choses :
– contrairement aux apparences, ce forfait mobilité n’est pas une avancée pour les cyclistes qui bénéficiaient de l’IKV (et finalement pas obligatoire, donc pas tant de chances que ça qu’il soit généralisé, vu, de mon expérience, la mobilisation des représentants du personnel sur la question du vélo);
ce forfait mobilité est beaucoup plus intéressant pour les automobilistes (en covoiturage, certes) car eux pourront très facilement justifier 400 € de dépenses ou utiliser les fameux tickets mobilité. Il suffira de passer par une plate-forme de covoiturage qui l’accepte (vous remarquerez qu’une fois encore on favorise l’usine à gaz plutôt que d’essayer de faire en sorte que les gens se connaissent et donc organisent du covoiturage entre eux).
En gros, je suis d’accord pour éviter de subventionner à tout va, sauf qu’actuellement, n’importe qui (sans condition de ressource non plus) peut toucher 6000 € pour acheter une porche, une jaguar ou une tesla à 100 k€ parce qu’elle est électrique, et pour le coup, à 400 € par an, on a le temps d’atteindre les 6000 €…

Je pense que la meilleure mesure serait de créer un forfait kilométrique, plafonné à 20 ou 30 km (considérant qu’au delà c’est un choix d’habiter aussi loin de son travail, on pourrait imaginer un période de transition déplafonnée en cas de changement de poste). Ensuite, on cale le montant au kilomètre de façon à ce que :
– les piétons gagnent de l’argent;
– les cyclistes gagnent de l’argent, mais moins au km;
– les usagers des TC paient une fraction (autour de 50 % de l’abonnement au maximum, donc pas de régression)
– les usagers en covoiturage payent un peu mais pas trop;
– les conducteurs de VP seuls paient un part non négligeable des coûts.

On pourrait obtenir ce genre de résultat en fixant l’indemnité à 10 ou 15 cts du km mais en plafonnant juste les km par jour, sans autre plafond. Dans ce cas, typiquement pour quelqu’un qui habite à 3 km de sont travail, il toucherait :
220 (nb de jours travaillés) X 6 (distance parcourue) X 0.15 € = 198 €
A 5 km, on monte déjà à 330 €.
Ce système viendrait en remplacement de l’abattement forfaitaire, particulièrement injuste, puisqu’un cadre qui habite à 2 km de son travail profite d’un abattement bien plus important qu’un ouvrier à 15 km du sien.
Ce système permettrait aussi de simplifier la vie des employeurs, au lieu d’avoir trois ou quatre systèmes différents suivant le mode de déplacement, ils auraient un forfait à gérer, point.

Vince
4 années
En réponse à  Alexandre

Effectivement, votre suggestion est intéressante. Tout à fait d’accord sur les subventions données aux acheteurs de véhicules électriques. Les subventions sont une facilité politique coûteuse à l’efficacité limitée et temporaire dont il est très difficile de se sevrer. Les discussions sur la suppression des niches fiscales annoncées le montrera.
J’abonde aussi sur l’injustice de l’abattement de 10% des revenus pour frais puisque l’avantage fiscal augmente avec les revenus. Etant au minimum de 430 € environ, et au maximum de 12 500 €, les hauts salaires ont largement de quoi se payer de beaux vélos ! En plus comme quasiment personne n’est conscient que cet abattement est sensé permettre de compenser des frais de déplacement, nourriture, vêtements, en évitant de devoir les justifier, les gens réclament encore plus d’aides comme l’IKV.
Mais politiquement, il est juste impossible de le supprimer. Mais c’est une autre discussion.

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