Une réunion de spécialistes du numérique pour parler de mobilité

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Quel effet ça fait d’être invitée à une réunion d’ingénieurs du numérique, pour les écouter parler des mobilités dans le Grand-Paris ??? On croit avoir à faire à des représentants d’entreprises de travaux publics.

Au début je n’ai pas réalisé qu’on risquait de n’avoir pour prisme que le « numérique », car j’ai surtout vu qu’il n’y avait presque que des messieurs, et je les ai tous pris pour des professionnels de la route et des transports. Nous étions reçus au siège de Colas, les intervenants étaient de la SNCF, de la RATP, de Systra (ingéniérie dans les transports), de Renault (fabrication d’autos), d’Europcar (location d’autos), et de Nokia (téléphonie mobile). 

Numérique + masculin, le risque que cette mobilité soit un peu partielle était quand même grand ! 

Geek et masculin pour parler de mobilité

En fait le refrain de la soirée aura été la Gouvernance, et pas seulement pour se demander si la maire de Paris avait le droit de fermer le boulevard périphérique ou apprendre que les routes dégradées entrainaient une sur-consommation d’essence et une usure accélérée des autos… Heureusement on a aussi appris que si le nombre de kilomètres parcourus continuait d’augmenter c’était dû au tourisme et aux livraisons. Alors,  messieurs-dames, comme les transports en commun du Grand Paris sont saturés, il faut investir dans les transports en commun. Vous devinez que j’étais inquiète. 

Creusons, bâtissons, droit devant ! 

Ces messieurs (-dames, 2) les ingénieurs ont leur logique, liée à leur employeur et à leur culture. Pas un n’a évoqué les enfants ou les gens âgés, les touristes, les chômeurs ou les promeneurs, les voyageurs étant je crois pour eux des clients massifiés. Pas un non plus n’a évoqué l’aménagement du territoire ou le droit du foncier, tout juste ont-ils nommé le télétravail.
Vous aurez compris pas mal de choses quand vous aurez vu leurs yeux brillants à l’évocation des « beaux chantiers », c’est-à-dire les plus complexes possible. Le CNIT, à la Défense, est en ce moment sur pilotis !! Dessous on creuse un tunnel pour le métro Eole (prolongement vers l’ouest du RER E). Ah la merveille, dans laquelle moi je n’avais vu qu’un risque d’effondrement !!! 

On m’avait prévenue qu’on me demanderait d’intervenir pour « défendre » le vélo, qui, il est vrai, est apparu très peu et très marginalement, avec les gyropodes et les trottinettes. Il était aussi absent dans la réflexion sur les engins pour les livraisons, la dame de chez Renault nous expliquant tout ce qu’on pourrait faire avec leurs futures nouvelles camionnettes (modulables, courtes, etc.). Renault fabrique des engins motorisés, c’est son métier.

Qui parle ?

J’avais donc prévu d’attirer l’attention sur le « qui parle », pour dire que moi, lorsque je parle de mobilité, je rêve de vastes trottoirs, de piétons tranquilles, de beaux arbres en plein dans les carrefours, de fontaines, de bancs où lire mon journal et de cerceaux … Eux aussi ils parlent avec ce qu’ils sont, et en plus avec l’intérêt de leur entreprise. Voilà comment ça marche. 

Je comptais relever ensuite qu’ils reconnaissaient que les abords des gares du Grand-Paris express avaient été négligés, mais leur rappeler qu’en réalité ils avaient été abandonnés, et que cela posait en effet un problème de gouvernance qui entrave d’emblée le fonctionnement du système :  plus de 90% des gens habiteront à moins de 2 km d’une de ces gares, lesquelles sont en pleine ville.  

Grand-Paris : les cyclistes ont failli être rayés des gares

La dame de la RATP a demandé qu’on ne parle plus de ruptures de charges mais de correspondances. J’aurais montré que jusqu’alors on n’avait pas bien su le faire. Pensez à la jonction du tram de la Défense et de celui des Maréchaux, à la Porte de Versailles, pensez au passage d’une branche à l’autre à la porte de Vincennes, ou au passage de la gare des TGV à celle des RER à Massy (quand à continuer par la piste cyclable, elle n’est pas loin mais invisible) ! A chaque fois le quai à quai désirable se traduit par de longs cheminements et 2 fois sur 3 par des traversées de routes. 
Plusieurs ont finalement parlé de ville compacte et auraient sans doute parlé de subsidiarité si la notion leur était venue à l’esprit.

A chaque mode sa pertinence, pour tous la ville compacte

Celui qui s’est le plus rapproché de la notion de subsidiarité est le représentant d’Europcar. Je suis bien contente d’avoir appris qu’ils avaient remporté l’appel d’offres de la Métropole pour succéder à Bolloré dans la location de voitures à grande échelle, car désormais elles devront revenir à leur station de départ, ce qui met fin à la location « pour un oui, pour un non » qui avait augmenté le trafic des autos. On n’en utilisera que lorsqu’on en aura besoin et l’espace ne sera plus truffé de stations. Bien que spécialiste du commerce électronique et des stratégies digitales, Xavier Corouge en a parlé comme un spécialiste de la mobilité. 

La passion du contrôle

Si on m’avait demandé d’intervenir, mais ce ne fut pas le cas finalement, j’aurais conclu sur le fait que transports en commun, cyclistes et piétons avaient en commun le besoin de ville compacte. Mais ces messieurs les ingénieurs routiers, ou du digital, n’ont pas spécialement la passion de la ville, plutôt celle du contrôle. Ils parlent d’influencer les comportements des voyageurs, sans indiquer  par exemple qu’en indiquant le trajet pédestre complémentaire on libérait l’esprit. Tout organiser, mais oublier qu’on peut arriver à la gare à vélo, ou se déplacer à pied, tout simplement. Tout organiser et ne pas le faire si bien … La gouvernance, en effet, peut faire partie du problème. 

La puissance publique devrait certainement veiller au fonctionnement global et harmonieux des déplacements. Elle pourrait aussi veiller à retirer des clients à certains réseaux saturés, réfléchir à la tarification, mieux utiliser l’existant … avant que d’envisager de nouveaux gros chantiers. Pourquoi voir un progrès ou un absolu de la mobilité là où il n’y a que passivité et entassement ?  

Mais, pas plus que nos industriels, la puissance publique ne pourra tout contrôler, car piétons et cyclistes sont libres, ils virevoltent, changent d’avis, reviennent en arrière … ils sont incontrôlables ! Il vaut mieux alors préserver leur liberté, en commençant par celle d’exister.

Cette conférence était organisée le 9 octobre par l’institut G9+ avec l’Union routière de France et Nokia, en partenariat avec Colas et le Mag des Territoires Numériques.

L’institut G9+ fédère des professionnels du numérique.
L’Union Routière de France, créée en 1935, se présente comme défenseur de la mobilité, réunissant et représentant tous les acteurs de la mobilité routière. Elle dit être le plus grand observatoire de la mobilité en France, un centre de réflexion pour l’émergence de projets innovants et le porte-drapeau de la filière à l’international.
Nokia créé des technologies pour connecter tout ce qu’on voudra.
Le groupe Colas construit, entretient et répare des infrastructures de transport, route d’abord, ferroviaire aussi.
Le Mag des Territoires Numériques est une parution trimestrielle destinée aux décideurs politiques.

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jean-louis seuzaret
4 années

C’est un résumé de l’absurdité de notre civilisation : L’économie et les entreprises ne sont pas au service des humains mais ce sont les humains qui doivent se mettre au service des entreprises.
Comme dans tous les domaines on n’interroge pas sur les besoins humains de mobilité et on n’essaye pas de les satisfaire en minimisant les coûts en énergie et emprise foncière, en posant les question de santé, d’environnement ni même de climat (le béton produit énormément de GES).
Ces gens-là ont fait de brillantes études pour être conditionnés à faire tourner un système économique qui bientôt va s’effondrer (qu’est-ce que quelques décennies dans l’histoire de l’humanité?). Le problème c’est que tout le monde va être entraîné dans leur naufrage.

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