Transports publics urbains : le nombre caché qui fait exploser tous les autres

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par | Déc 14, 2019 | Réflexions | 65 commentaires

Les chiffres ne sont jamais donnés. On ne sait pas quelles sont les distances parcourues en transport en commun. Si on le savait on saurait quel est le coût du kilomètre parcouru à la personne.  Nous avons fait une simulation… Profitons de l’arrêt des transports pour y réfléchir …                                

Prenons comme base de réflexion une ville ordinaire de 200 000 habitants, dotée d’un tramway et de quelques lignes d’autobus. Cette ville ordinaire imaginaire a un budget annuel pour ses transports en commun de 90 millions d’€.

La distance entre deux stations va de 300 mètres (certains autobus) à 800 mètres (certains métros), une moyenne de 500 mètres apparaissant comme raisonnable. A Paris c’est 570 mètres, à Lyon 715, et à Lille de 727 à 782 mètres. Le tramway en Ile-de-France a une inter-station moyenne de 778 mètres, mais ailleurs plutôt de 400 à 500 mètres (source wikipedia et cerema).

Dans ce rapport du cerema on s’intéresse à tout (capacité, vitesse, investissement, durée de vie, coût d’exploitation, image auprès du public, insertion urbaine, impacts environnementaux), sauf à l’usage qui est fait de ces transports en communs. 

  • Le voile sur les distances parcourues
  • La consommation de carburant
  • Le coût au kilomètre
  • Les autobus empoisonnent leurs passagers et ruinent les chaussées
  • Les transports passifs paralysent et coupent le souffle
  • Un argent complètement gaspillé
  • L’illusion de la gratuité
  • A vélo on ne peut pas tricher
  • Alors, en finir avec les transports publics ?

Le voile sur les distances parcourues 

Ce que nous ne trouvons écrit nulle part, c’est de combien de stations se composent les trajets effectués en ville. On le comprend, c’est ce simple nombre qui permettrait de calculer les distances moyennes parcourues.
Ce chiffre, nous l’avons entendu par inadvertance. Il serait de 4 km.
Par prudence nous allons partir sur l’hypothèse d’une distance moyenne de 4,5 km pour chaque trajet effectué en transports publics dans notre fameuse ville moyenne. 

La consommation de carburant

Dans cette ville imaginaire, les bus brûlent chaque année 3 400 000 litres de gas oil, parcourent 9 100 000 km et réalisent 15 millions de voyages.
Cela fait 3 400 000 litres divisés par 15 millions de voyages, soit 0,22 litre de gas oil par voyage.
Comme le voyage moyen est de 4,5 kilomètres cela donne  :

Consommation moyenne par siège et par personne transportée en bus :
4,8 litres aux 100 kilomètres
soit la consommation d’un petite voiture comme la Toyota Yaris
ou à peine moins qu’une voiture moderne de moyenne gamme.

Dans cette même ville le tramway consomme 5 700 000 kwh pour faire 12 500 000 voyages. Cela fait donc : 

0,45 kwh par voyage en tramway de 4,5 km soit
10 kwh pour 100 kilomètres,
c’est à dire à peine moins qu’une voiture électrique type Renault Zoé,
qui consomme en ville 12 kwh aux 100 kilomètres.
10 kwh aux 100 kilomètres/personne transportée,
c’est 20 fois plus que le vae. 

Le bus consomme 50 kwh/km/personne transportée
soit 100 fois plus que le VAE. 
Le vélo à assistance électrique (vae) consomme environ
0,5 kwh aux 100 kilomètres. 

Le coût au kilomètre

Les transports en commun n’ont donc pas les vertus écologiques dont ils veulent se parer, mais surtout ils coûtent très cher. 
En effet le voyage unitaire coûte à la production 90 millions d’€ divisé par 27 500 000 voyages. Chaque trajet revient à 3,2€.

Chaque trajet de 4,5 kilomètres coûte donc 3,2 €, soit
0,71 € par kilomètre.
Une Dacia Logan coûte 0,33 € du kilomètre,
une Peugeot 308 ou une Renault Captur coûte 0,70 € du kilomètre.

Leurs vitesses (lorsqu’ils roulent, hors arrêts et hors gêne à l’avancement) sont comparables à celles du vélo, de l’ordre de 20 kilomètres/heure, mais le vélo fait du porte à porte sans rupture de charge, et va donc beaucoup plus vite. C’est d’ailleurs, selon les sondages, la première raison qui explique le succès du vélo dans les pays où l’usage du vélo s’est massivement répandu. 

Les autorités organisatrices des transports de ces pays expliquent ce succès par la qualité et la quantité des infrastructures réalisées, dont le coût est, faut-il le rappeler, dérisoire par rapport à celui des transports publics. Elles peuvent causer.

Nous avions montré que les trottinettes étaient plus polluantes que les transports en commun (article Trottinettes, la France se trahit).


Aujourd’hui nous découvrons que, à la personne transportée, les transports en commun urbains, eux-même, sont plus polluants que les automobiles, qu’ils consomment à peu près la même quantité d’énergie (4,8 litres/km/pers ou 10 à 50 Kwh/100 km : 20 à 100 fois la consommation d’un VAE) et qu’ils reviennent clairement plus cher (0,71 €/km/pers contre 0,33 à 0,70 en auto).
Cela n’est même pas leurs seuls défauts. Ils n’ont « bon » sur aucun tableau.

Les autobus empoisonnent leurs passagers et ruinent les chaussées

Les bus émettent des oxydes nitriques, de l’oxyde de carbone, des hydrocarbures et des nanoparticules (redoutablement cancérigènes) au plus près de leurs utilisateurs.
Comme le tramway, ils génèrent du bruit, dont des basses fréquences à la nocivité bien connue. 
Ils dégradent la chaussée 10 000 fois plus que les voitures et 1 000 000 de fois plus que les vélos, l’usure de la chaussée étant proportionnelle à la puissance 4 de la masse des essieux.

Les transports passifs paralysent et coupent le souffle

Les transports en commun contribuent dès le plus jeune âge à la sédentarisation humaine. Le résultat direct est que les jeunes ont perdu en moyenne 25 % de capacité musculaire en quelques années. Les transports en commun ont généreusement contribué à cette catastrophe sanitaire, alors que la première source d’activité physique devrait être d’aller au travail, à l’école, à l’université en utilisant ses muscles. 

On sait très bien qu’il faudrait 75 minutes d’activité physique quotidienne d’intensité moyenne (simple accélération de la respiration) pour protéger la santé et assurer un bon fonctionnement du cerveau. 

Les transports en commun sont aussi une occasion de transmission des infections aéroportées comme la grippe. Ceci n’arrive pas avec le vélo, au contraire même, puisque l’activité physique entraine le renforcement des défenses immunitaires. On le sait d’ailleurs, les employés cyclistes prennent beaucoup moins de congés pour maladie que les autres.

Les cartes, payantes ou non, donnant le libre accès apparaissent désormais comme totalement contre-productives.

Un argent complètement gaspillé

Avec les 90 millions d’€ économisés sur le budget des transports on pourrait subventionner ou offrir à tous les habitants des vélos, vélos électriques, vélos familiaux, véhicules à propulsion humaine, voire fauteuils roulants électriques selon les besoins de chacun. On pourrait en plus facilement organiser des transports à la demande de très bonne qualité pour les personnes en ayant réellement besoin.

Les économies réalisées permettraient  d’investir dans des infrastructures ambitieuses pour les vélos.

Les villes retrouveraient le silence, on verrait un report modal massif des voitures vers le transport actif (une ville  de 500 000 habitants comme  Copenhague connait des parts modales de vélo de l’ordre de 50%), la pollution locale s’effondrerait, le plan climat air énergie territorial (PCAET) ferait un bond en avant dans le réel, les maladies modernes reculeraient, les résultats scolaires grimperaient et l’ambiance dans les entreprises s’améliorerait.

L’illusion de la gratuité

Le billet plein tarif est d’environ 1,8 € alors que le voyage, nous l’avons vu, coûte 3,2 euros. Le transport en commun est donc une occasion d’expérimenter l’illusion de la gratuité.
Si les utilisateurs payaient le vrai prix ils arbitreraient en faveur des transports actifs. S’ils payaient au moins à chaque trajet il en serait de même.

Si l’on payait au nombre de stations on saurait quelles distances sont parcourues. Lorsque l’on fait payer au trajet, pour les voyageurs occasionnels, on se prive volontairement d’informations sur l’usage.

A vélo on ne peut pas tricher

Par ailleurs les transports en commun sont une occasion d’apprentissage de la tricherie, et source de mauvaise citoyenneté puisque leur taux de fraude est d’environ 10 %, souvent plus important dans les tramways que dans les bus. Les  fraudeurs n’ont généralement aucune conscience de faire mal. A vélo on ne peut pas tricher avec le réel.

Alors, en finir avec les transports publics ?

Connaître les usages, afficher les vrais coûts, aideraient à orienter les dépenses sur ce qui est le plus efficace. Les cacher c’est leurrer tout le monde. Cet article, qui révèle ce qu’on nous cache, devrait faire réfléchir. 

Or, après avoir vu que le gouvernement français autorisait les EDP en dépit de sa connaissance de leurs graves défauts (Trottinettes : la France se trahit) et avoir constaté que les Villes avaient délégué leurs services de transport au secteur privé international, y trouvant un intérêt qui n’est pas forcément celui des habitants (Mobilités partagées : Comment le capitalisme transforme villes et écologie), nous voyons ici que cet effacement du pouvoir public a conduit à une situation dans laquelle la question de la réelle utilité, rapportée notamment aux coûts de toutes natures, ne peut même plus se poser. Au moins ça, désormais, vous le savez.

La méthode

Les chiffres pour cet article ont été compilés par un agent de la fonction publique territoriale (qui requiert forcément l’anonymat) à partir de ceux de sa propre commune. La suite n’a été possible que du moment où a été connue la longueur des trajets.
Notre informateur a ensuite tout ramené à un nombre rond et arbitraire d’habitants, rendant ses calculs plus faciles et sa démonstration valable dans tous les cas.  
Je redis que la longueur de trajet retenue est probablement exagérée, ce qui aggrave encore les coûts au km parcouru.
Quant à moi je me doute qu’en publiant ces données je ne vais pas me faire que des amis, comme on dit. Il aurait d’ailleurs mieux valu les publier à une autre période, n’empêche que ce qui est écrit ici est soit vrai, soit pas. C’est à vous de voir.

Cet article concerne les transports urbains. Je n’en tire rien d’autre. Olivier Razemon, sur le rapport Spinetta trouvant que la SNCF coûtait cher, titrait La SNCF coûte moins cher que les accidents de la route. (ajout du 18 décembre). Rien n’est simple, mais mieux vaut avoir les informations ! 

23 juin 2020 : Frédéric Héran, de l’université de Lille, pense à peu près comme nous : Transports publics gratuits, une mesure inefficace contre la pollution en ville. (The conversation, 21 juin 2020). Il montre surtout que la clientèle des TC provient de la marche et du vélo.

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4 années
En réponse à  Isabelle Lesens

Attention à éviter les amalgames. La privatisation des trains est un autre sujet, je ne suis pas fan. Mais surtout, en lien avec le sujet, il me semble que la distance moyenne entre deux arrêts de TER est bien supérieure aux distances admises comme étant parcourables à vélo. Il y aurait donc utilité à traiter de manière différente le TER d’un côté et métro, tram bus de l’autre.
Ceci dit, la distance moyenne parcourue serait aussi utile à connaître. Et ce doit être possible, puisque la plupart des trajets quotidiens sont payés par abonnement enregistrant la gare de domicile et de destination. C’est en tout comme ça chez nous.

4 années
En réponse à  Isabelle Lesens

53 km par passager TER en moyenne en 2016, 15 pour le Transilien. (Page 29 du document Bilan annuel du marché ferroviaire, ARAFER, 2015-2016). En fouillant dans le document, on doit aussi être en mesure d’avoir un coût total au kilomètre.

4 années
En réponse à  Olivier Guckert

Le problème se pose sans doute différemment suivant les agglomérations. Mais pour Paris, tout à fait. Même si il faut prendre en compte le multimodal et considérer qu’une partie au moins de ces déplacements se continuent en métro – tram – bus et sont donc plus longs.
Les enquêtes déplacement devraient apporter une vision plus nette de ces questions.
Ceci dit, puisque de toute façon, les transports publics franciliens sont en grande partie saturés, offrir une alternative qui réponde aux différentes exigences modernes (pollution, santé, …) est indispensable. Oui, indéniablement, le vélo fait partie des solutions modernes. Et, oui, il apparaît clairement que la résorption des coupures urbaines est une des conditions nécessaires à son développement. A condition de les faire d’emblée à l’échelle, parce-que quelqu’un disait un truc comme : « on ne construit pas un pont en comptant les personnes qui traversent le fleuve à la nage. » L’augmentation considérable du nombre de cyclistes constatée à Paris en est la preuve. Et je crois qu’aucun candidat aux municipales prochaines n’a envie de déclencher sur sa commune un phénomène #JeSuisUnDesDeux !

4 années

Merci pour le partage.
Quelques biais dans l’étude :
– calculer la consommation moyenne par siège et par personne me semble inexact : il y a bien plus d’usagers que de sièges dans un bus. Vous voyagez souvent assis?
– les bus tournent-ils encore tous au gasoil?
Quelques remarques :
– le VAE n’a pas la même accessibilité, n’est pas autant inclusif que les transports en commun des villes
– les transports en commun restent un mode actif dans lequel on n’a pas toujours le c– sur un siège, car ils ne vous déposent pas souvent devant votre destination et les connexions peuvent vous rendre marcheurs.
– le VAE n’a-t-il pas un petit côté polluant avec la construction des batteries et sa fin de vie hasardeuse?
Etant cycliste moi-même par tous temps, je me rends compte que je n’ai plus très souvent l’occasion de marcher et d’un point de vue santé (et notamment transit!), ce n’est pas extra non plus!

4 années
En réponse à  Isabelle Lesens

J’ai évoqué le VAE parce que l’article fait la comparaison TC et VAE tout simplement.

S el
4 années
En réponse à  Catherine

Ce raisonnement reste-t-il applicable pour une mégapole comme Paris où les trajets en transport en commun font clairement entre 10 et 50 km ? De mon expérience des deux RER les plus saturés, les gens ne les prennent pas pour seulement 4 stations (en général c’est pour traverser Paris + le trajet banlieue).
Évidemment pour les Parisiens intramuros oui on revient à un modèle compatible avec celui dont vous faites la démonstration.

Vincent
4 années

Comme l’Observatoire de la mobilité en Ile-de-France donne l’information sur les distances parcourues en TC elle existe peut-être dans d’autres enquêtes.

Vincent
4 années
En réponse à  Isabelle Lesens

Et encore… « [33%] des déplacements réalisés en RER ou [Transilien] a une portée inférieure à 10 km » EGT 2010

4 années

Sauf méprise, les données fournies par Orléans Métropole permettent de calculer la distance moyenne par voyage sur le réseau TC (via « Les chiffres clés de la mobilité dans la métropole orléanaise 2018″ p. 8-9).
Sur toute l’année 2018, 11 545 000 km parcourus divisés par 36 136 000 voyages donne environ 320 m par voyage. Ce qui paraît insensé. Quelque chose cloche dans mon calcul ? Le document l’exprime ainsi : « 3,13 voyages par kilomètre parcouru« .

Alexandre
4 années
En réponse à  Jeanne à vélo

Je pense qu’Orléans métropole parle des kilomètres offerts (c’est-à-dire la somme des kilomètres parcourus par l’ensemble des véhicules). Du coup, le 3,13 est ce que l’on appelle dans le jargon le « V/K » soit le nombre de voyages que le réseau réalise par kilomètre proposé. Autrement dit, en moyenne, à chaque fois que l’on fait rouler un bus ou un tramway un kilomètre, 3,13 personnes montent dedans. C’est objectivement très faible, mais pas très loin d’autres chiffres que j’ai sur trois métropoles un peu plus grandes qu’Orléans qui se situent toutes entre 3 et 4. Par contre, rien à voir avec la distance parcourue en TC.

4 années
En réponse à  Alexandre

Merci beaucoup pour ces précisions.

4 années
En réponse à  Alexandre

Et puis je reviens sur mon erreur de raisonnement : on ne peut pas diviser puisqu’on ne connaît pas le nombre de voyages réalisés en même temps (fonction donc du remplissage moyen des bus et des rames).

Olivier
4 années

Merci pour cet article très intéressant! L’exemple n’est effectivement pas entièrement applicable au cas parisien, pour lequel on a un écart énorme entre le transport de masse du métro et du RER, d’un côté et le bus de l’autre. La RATP en rend bien compte dans les bilans carbone qu’elle publie sur son site en information lors des choix de trajets.
Mais la raison d’être première des TC dans les grandes métropoles, c’est leur efficacité, pas leurs qualités écologiques. La grève est un bon moyen de le montrer : la voiture et le vélo ne peuvent pas les remplacer.

Vincent
4 années

Informations intéressantes qui mériteraient d’être éclairées par des avantages qui persistent par rapport à la voiture individuelle :
– moindre emprise au sol de l’infra par personne transportée
– moins de surface occupée par des parkings
– une certaine idée de la société moins individualiste qui ne peut pas faire de mal.

Vincent
4 années
En réponse à  Isabelle Lesens

C’est tout l’objet du livre de Julien Demade : le tout transport en commun est aussi absurde que le tout voiture.
En période de disette budgétaire, qui a des chances de s’aggraver, les responsables vraiment responsables feraient bien de redécouvrir l’intérêt du vélo.

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