La Loi des Mobilités ne fera pas la révolution du vélo

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La LOM a été promulguée hier matin. Elle fait la part belle à l’automobile et ajoute de la confusion à la confusion. Elle a mis plus de deux ans à sortir et s’est noyée dans les problèmes à régler, perdant toute vision générale. La révolution du vélo est peut-être en cours mais elle ne doit rien à cette loi.

La Loi (dite) d’Orientation des Mobilités a été promulguée hier matin, c’est-à-dire publiée au Journal Officiel du 26 décembre. Comme pour le décret « Trottinettes », le gouvernement semble aimer l’entre-deux-fêtes, mais ne tentons pas de lui chercher des poux, nous avons passé assez de temps avec cette loi pour ne pas en rajouter.

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Loi d’orientation des Mobilités – LOM

Un texte indigeste

Ce texte est divisé en 4 titres, eux-mêmes divisés en chapitres, pour un total de 189 articles, ou 100 pages d’imprimante de bureau. Pour mémoire, la LOTI (Loi d’Orientation des Transports Intérieurs, 30 décembre 1982) avait 49 articles et tout était écrit directement. C’est donc un texte-fleuve, qui reste incompréhensible pour nous, pour les mêmes raisons que celles qu’avait montrées Abel Guggenheim pour les trottinettes et le code de la route : Code des trottinettes, le texte en clair. Nous avons les coulisses de la fabrication du texte, pas le texte lui-même.

Des décisions en pointillés

Ce texte ne changera pas grand’chose pour vous dans l’immédiat, puisque vous n’y comprenez rien. Certaines mesures sont d’application facultative (le forfait mobilité); d’autres facultatives de-facto, puisque non financées et sans qu’on sache qui les mettra en oeuvre (l’apprentissage du vélo à l’école); d’autres sont en attente de décret (le magazine Actu-environnement signale qu’il y en a 130). Certaines seront d’application lente (le marquage des vélos, obligatoire que sur les vélos neufs de série), enfin certaines décisions devront être revotées chaque année (le montant d’argent alloué au plan vélo).

Trouver du positif 

J’ai bien compris que les associations de cyclistes veulent garder le moral. Pour elles (la Fub, le CVTC, le MDIdF pour celles qui se sont manifesté) cette loi nomme le vélo comme un outil de mobilité, ce qui est en effet une première depuis la circulaire Galley (1974)1 Sur la circulaire Galley, voir Maxime Huré et « Circulaire n° 74-209, dite Galley, du 6 novembre 1974, notamment destinée à favoriser «la réhabilitation et la promotion des aménagements destinés à favoriser les déplacements à bicyclette et à cyclomoteur » rappelée notamment par Maxime Huré dans sa thèse « Les réseaux transnationaux du vélo » (note 209) » dans Isabelle et le vélo, 20 juillet 2015 . Alexis Fremeaux, président du MDB, va même un peu plus loin en suggérant que c’est une chance que le fond vélo doive être re-voté chaque année dans la Loi de Finances : ainsi il pourra être augmenté.
La Fub de son côté espère participer à la mise en place de dispositifs votés. Elle cherche à nouer des alliances pour le marquage des vélos, forte de sa longue expérience avec son bicycode mais aussi face à la concurrence2 Sur les différents opérateurs d’identification des vélos voir Velotaf, et pour l’enseignement du vélo en classes primaires.
Et d’ailleurs un des aspects positifs de cette loi c’est que les parlementaires ont beaucoup parlé de vélo, sans s’en moquer. Et que le lobbie cycliste a réellement gagné ses galons, grâce à la très forte implication des associations, tout particulièrement de la Fub.

Pour ma part je crois que la mesure la plus importante est la création d’une « gouvernance » qui fera que partout, même dans les endroits les plus reculés, il y aura une autorité chargée d’organiser les mobilités (en jargon : AOM), comme expliqué dans Premier vote pour la Loi des Mobilités (au Sénat), sous « Organisation territoriale ».

L’automobile reste reine

Par ailleurs je relève que dans cette loi on parle beaucoup d’automobile (permis de conduire moins cher et plus rapide, auto-partage, fin du diesel dans 20 ans, plan d’installation de bornes électriques…) et de ferroviaire, et finalement peu du vélo et pas du tout de la marche. A. Fremeaux me fait tout juste concéder que c’est une loi contre l’utilisation solitaire de l’automobile. Pour une loi portée par le ministre de la Transition écologique cela paraît un peu faible. Et pourtant Elisabeth Borne voulait que ce soit une grande loi et semblait avoir très clairement compris l’intérêt du vélo. D’autres forces que celles du vélo (et tout particulièrement de la Fub) ont dû se manifester en coulisses.

Le rêve d’une grande loi

J’aurais voulu, on le sait, que certains principes soient au moins affirmés en préambule, ce qui aurait justifié l’appellation « d’orientation »3 Sur les principes qui auraient pu être énoncés par la loi on peut revenir à Assises de la mobilité : que doit contenir la Loi ? . Pas forcément pour énoncer que le vélo est supérieur à tout, mais au moins pour que l’on établisse une hiérarchie (bien connue d’ailleurs : à pied, à vélo, en transport collectif, en auto partagée, en auto tout seul) et que pour toute décision on pèse le pour et le contre sur le maximum de critères, notamment environnement, coût, santé.
Or la loi ne retient plus (sauf erreur) l’affaiblissement de la publicité automobile (par une mention apposée dessus, comme pour le tabac et l’alcool) ou des pouvoirs réels aux collectivités territoriales pour le contrôle des zones à faible émission. D’ailleurs la cour de justice de l’Union européenne a condamné la France pour manquement à ses obligations sur la qualité de l’air. On attendait aussi de vraies mesures sur les angles morts (voir Angles morts : ça peut durer encore longtemps ), et sur le vélo et les trains. 

Une loi qui renforce la confusion

Avec d’autres je regrette que cette loi soit un fatras de mesures éparses qui n’auront pas d’effet de rupture. Mettre vélo et auto partagée dans le même sac n’est pas un service à rendre à la clarté d’un message qui encouragerait les mobilités actives et déconseillerait l’usage des modes passifs.
Avec la réglementation sur les EDP l’Etat avait institué une large équivalence entre vélos et trottinettes électriques; avec le forfait mobilité, c’est entre voiture partagée et vélo. Au total le gouvernement met sur le même plan le polluant et le propre, l’objet jetable de celui qui peut durer toute une vie, le dangereux pour autrui (accidents), pour soi (sédentarité) et pour la société (nuisances) de l’intrinsèquement bénéfique.
Dit autrement il maintient une classification centrée sur automobile / pas automobile, renforçant sa position centrale. On est loin du « code de la rue » réclamé notamment par le club des villes cyclables. Cette loi qui n’oriente pas essaie tout juste de régler quelques affaires. 

Le vélo explose, et ce n’est pas grâce à la loi

J’avais vite vu que de cette loi je n’attendrais rien de marquant4 L’association 2pieds2roues, de Toulouse, dont je viens de recevoir la gazette (24 janvier), parle d’occasions manquées, ce qui est proche de mon avis. Sa liste de résultats est par contre différente de la mienne, je me fais donc un plaisir de vous en donner communication : 2p2r-Janvier 2020.  Attendons les décrets d’application, et puis, chers cyclistes, passons à autre chose. L’envol du vélo que nous connaissons ces temps-ci ne provient d’aucune règle ni loi, ni d’aucune contrainte anti-automobile. Il vient tout simplement de la fermeture des transports en commun, et de la création d’infrastructures pro-vélo efficaces.
C’est toujours de la contrainte que vient le changement, sur le stationnement par exemple, ou à l’occasion de ruptures dans la vie personnelle. A Paris la fermeture des voies sur berge n’a probablement pas eu de gros effet, car, pour être anti-autos (surtout la rive droite) elles n’en ont pas pour autant été favorables aux cyclistes mais aux loisirs. Les récentes pistes cyclables parisiennes ne créent pas de fortes contraintes anti-autos mais de grandes facilités aux cyclistes. Le déclencheur est évidemment la grève des transports (c’est la contrainte); son effet devrait être pérénisé par les pistes cyclables.
Julien Demade avait raison. En 2015 il écrivait qu’aux environs de 2020 il y aura plus de déplacements à vélo qu’en auto dans Paris, même si on ne faisait rien5 Julien Demade, Les embarras de Paris.. On a fait un peu quand même.

Notes

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Jean Sivardière
4 années

Bonjour Isabelle, ta distinction entre mobilités actives et modes passifs me semble inadaptée. Quand on se déplace en transport collectif, il fut marcher pour se rendre à la gare ou à la station de bus la plus proche, et marcher à nouveau pour atteindre sa destination. Il faut aussi rester debout dans des métros ou des bus surchargés, monter et descendre des escaliers (les escalators sont souvent en panne), et parcourir de nombreux couloirs encombrés en cas, fréquent, de correspondances.

Jean Sivardière
4 années

En quoi les cyclistes ont-ils intérêt à critiquer le transport public ? S’il n’y avait pas de transport public, il y aurait encore plus de voitures en ville, et bien moins de cyclistes…

Laurent
4 années

La maille nationale n’est pas pertinente pour les plans vélos, il ne faut pas s’attendre à grand chose de ce côté.
Seules les communes donnent un peu de visibilité à leurs politiques vélo mais ça ne vaut que pour des déplacements courts avec des équipements disparates, assez souvent mal conçus faute de réelles compétences d’aménageurs.
On devrait surtout être plus exigeants (et attentifs lors des élections) aux échelons départementaux et régionaux (ou intermédiaire comme le Grand Paris qui bâtit un réseau de lignes de métro titanesque) qui ont la capacité de structurer de vrais réseaux cohérents.
Malheureusement ces structures sont encore peu visibles du citoyen et peut-être pas assez sollicitées par les associations.

Yves Egal
4 années

Pour me mêler au débat avec Sivardière, il suffit de dire qu’il ne saurait y avoir d’abus de TC si ceux-ci sont à leur vrai coût… et la voiture aussi. Donc péage urbain conséquent et augmentation du prix du trajet TC (le double d’actuellement). Le vélo sera alors le transport du pauvre (et du sportif), les handicapés étant aidés par ailleurs.

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