Grand oral du vélo à Paris

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6 candidats à la mairie de Paris interrogés en direct devant une salle archi-pleine, voici la prouesse réalisée par les associations Paris en selle et Mieux se déplacer à bicyclette. C’était le 29 janvier et ils étaient interrogés sur leur programme en matière de vélo.

Ils ne sont pas tous venus, mais presque. Rachida Dati était représentée par sa directrice de la communication (que nous appellerons ici Dati), Pierre-Yves Bournazel et Ian Brossat non plus n’étaient pas là. Aucun n’a dit que le vélo ça ne serait pas pour tout le monde, tous ont été ou sont cyclistes, Villani et Simonnet rancontant même leurs premiers tours de roues dans leur enfance. 

Peu sont restés cyclistes depuis qu’ils vivent à Paris, Villani a fini par passer au vélib’, Simonnet a désormais la trouille, « comme 60% des Parisiens », seul Belliard se verrait bien en « Pompidou du vélo ».
La représentante de Dati est encore cycliste, et a même acquis un vélo cargo, mais ce n’est pas elle la candidate, ni sa fille qui est vélotafeuse. 
Hidalgo est consciente du fait que le vélo représente la liberté de se déplacer, et que désormais on en a la preuve. Si Griveaux n’est pas cycliste, il a rappelé qu’il a toujours parlé de santé publique, et de la nécessité d’aérer les classes. Simonnet parlera aussi de santé publique. 

La soirée était animée par Gilles Dansart, rédacteur en chef de la Mobilettre, excellente lettre à laquelle collabore régulièrement Olivier Razemon. Plusieurs des invités l’ont pourtant pris pour un associatif… montrant peut-être par là qu’ils s’étaient peu préparés. Les invités ont été interrogés l’un après l’autre, pour 15 à 17 minutes, ce qui fait que certains ont pu écouter ceux d’avant ou d’après eux. Ce n’est pas le cas de Villani, passé le premier. 

Curieusement je n’ai réussi à capter que peu de traits saillants. C’est le style et la méthode qui me paraissent distinguer le plus les différents candidats sur ce sujet. 

La méthode

Pour Hidalgo le moment est venu de passer à la « culture vélo », maintenant que les obstacles culturels et idéologiques sont tombés, grâce à son action. Elle veut que sa « saison 2 » soit dédiée au vélopolitain, ce projet proposé par les deux associations invitantes. Son prochain plan vélo sera de 350 millions € (soit 26 € par an et par habitant) contre 150 millions pour l’actuel.  Mais pas d’effet de surprise, elle avait déjà présenté son programme la veille… 

Villani insiste sur la nécessité d’agir avec méthode et organisation, ce qui garantit que les délais seront tenus, selon lui, quand Simonnet veut former, et Griveaux « acculturer », au vélo les services techniques de la Ville. Griveaux pense réaliser le vélopolitain en un seul mandat. Il mettrait 400 millions sur la table pour le vélo, dont 250 pour le vélopolitain. 

Griveaux veut veiller à ne pas organiser l’affrontement, ménager la vitesse commerciale des autobus, offrir des primes à la conversions des 2RM thermiques en 2RM électriques, offrir des alternatives à l’automobile un peu quelles qu’elles soient.
Il souhaite également mieux coordonner les travaux sur la voirie et d’abord achever tous les travaux entamés (d’où son fameux moratoire de 6 mois) avant d’en commencer d’autres. Il veut quand même privilégier les piétons, une spécialité parisienne, et sécuriser les cyclistes, par la séparation. 
Avec Dati il a pas mal de points communs, puisqu’elle veut d’abord mettre tout le monde autour d’une table pour discuter d’un plan de mobilité à l’échelle de Paris pour, grosso-modo, que tout le monde trouve sa place. Elle parle de fluidité et d’ordre. 
Sur la méthode, Simonnet n’est pas loin d’elle non plus, puisqu’elle veut que le comité consultatif du vélo (où ne sont réunies que les associations) devienne un comité de suivi avec toutes les parties prenantes.

Seul Villani indique qu’il faut qu’on ait une vision globale : pour lui il faut « penser tout à la fois ». 

Les priorités

Simonnet est elle aussi seule lorsqu’elle affirme qu’il faut afficher une hiérarchie entre les modes : piéton, vélo, TC, taxis, automobile. Elle est également presque la seule à parler de santé publique et seule à évoquer un objectif de « ville au quart d’heure ». Elle s’engage ensuite sur un terrain qu’elle connaît visiblement mal réclamant des garages à vélos dans les ensembles d’habitat publics (ils sont obligatoires selon certaines règles) et des ateliers à vélo.

Griveaux veut commencer à bâtir le vélopolitain par la ligne 13, qui est, en sous-sol, la plus saturée. Il réalisera aussi 240 quartiers d’hyper-proximité, avec des rues-jardin. Interrogé sur la petite-ceinture, puisque Villani en avait parlé,  il la trouve formidable pour « faire du vélo » comme on le voit dans le 15ème (où cela est interdit), mais pense à la bataille qu’il faudra mener contre les cheminots. Il souhaite faire des zones réservées autour des terrains de sport, hôpitaux, résidences de personnes âgées ou écoles, et franchir le boulevard périphérique par 10 passerelles. 

Simonnet est encore la seule à parler des enfants dans la rue. Pour y arriver il faut les familiariser au vélo par le biais des activités extra-scolaires et dans les colonies de vacances. Elle évoque aussi l’AICV, sans en retrouver le nom, une association du nord de Paris largement dédiée à l’apprentissage du vélo. 

Pour Dati c’est peut-être le silence qui est la priorité, ou le paradis maintenant, pas dans 15 ans. Elle veut bien qu’on apaise certains quartiers, mais ne veut pas qu’on bloque les grands axes, car leur trafic envahirait les mêmes quartiers. Des ambitions bien raisonnables somme toute, pouvoir atteindre le bois de Boulogne avec les enfants serait déjà un grand progrès. 
Elle est d’ailleurs opposée à un péage urbain, car il lui paraît que ce serait double-peine pour les classes moyennes et populaires. 

Vélibs, trottinettes et autres véhicules électriques

Que faire de vélib’ a demandé Gilles Dansart à chacun. Son mauvais fonctionnement actuel est assuré par tous, sous le nez d’un cadre dirigeant de JCDecaux, l’ancien opérateur, présent dans le public au second rang. 

Nul ne sera étonné que Belliard et Simonnet veuillent la « municipalisation » du service, pour récupérer la marge commerciale, précise la seconde. Pour Belliard il faut entrer dans un rapport de force et assumer qu’il s’agit d’un service public. Il souhaite d’ailleurs compléter avec de la location de longue durée (comme ce que fait la région d’Ile-de-France dont la présidente est à l’opposé de l’échiquier politique) et promouvoir les vélos spéciaux (vélos cargos etc.). 

Dati se demande si les vélibs sont encore utiles et envisage que le « free floating », à condition d’être encadré, puisse suffire. Elle parle d’une grande réussite de Delanoë et de la déception de Hidalgo et Griveaux dira qu’Hidalgo a cassé la plus belle réalisation de Delanoë. 
Sur les trottinettes Dati remarque que la Ville se pose en régulateur économique, alors qu’il faut avant tout réduire leur nombre. Elle est d’accord pour des aides pour passer à l’électrique, et compte multiplier les bornes multimodales électriques. 

Qu’en dit Hidalgo elle-même ? Nous n’en saurons rien, si ce n’est qu’elle semble fière que ce soit le service de ce type le plus grand du monde, promettant que la qualité et la relation-client vont continuer à s’améliorer. A l’avenir elle promet d’y ajouter des vélo-cargos, « un peu comme à Grenoble » et comme le souhaite Belliard. 

Villani, lui, parle de sa propre expérience du vélib’, qu’il trouve pratique quand ça marche. Il relève trop de pannes … dans les batteries et dans l’application, et est le seul à souligner que c’est un système « pas très écolo ». Un vélo qui ne dure que deux ans, cela ne va pas. Pour que le report modal (abandon de l’auto) s’opère il pense qu’il faudrait peut-être commencer par deux heures gratuites, mais quand même c’est la qualité qui doit primer. Enfin, en bon Essonien, il est le seul à parler de zoov, un système très innovant de vélos électriques partagés, qu’il aimerait tester à Paris. Il ne sait pas que j’en ai vu un -petit- test dans Paris. Ils occupent très peu de place une fois rangés.

Vélopolitain, RERvélo et autres

Pour Villani il faut à la fois penser les axes structurants du vélopolitain et les quartiers apaisés, dans un ensemble gagnant – gagnant pour cyclistes et piétons, passants et riverains. Il compte aussi beaucoup sur la Petite-ceinture pour en faire une infrastructure agréable et sereine, offrant tout à la fois calme, biodiversité et piste cyclable, qui attirera autant les touristes que les Parisiens. 

Hidalgo veut faire des Jeux Olympiques, en 2024, un accélérateur, et voit déjà ce qu’elle fera dans le 15°arrondissement … la rue de Vaugirard (la plus longue de Paris, de la Porte de Versailles à la Sorbonne) sera équipée d’une piste en double-sens ! Quand les enfants de 10 ans pourront se déplacer seuls on aura réussi, dit-elle. Pour elle il faut séparer, ne plus mettre les vélos dans les couloirs de bus (comme avait fait Tibéri, contredit ensuite par Delanoë) et les faire de couleurs différentes. Il faut aussi prendre de la place aux voitures, notamment sur les parkings, ainsi qu’elle l’avait chiffré la veille. Il faudra aussi expliciter les règles d’usage, écrire un code de la rue, faire des vélo-écoles. 

Police municipale, surveillance et vidéo-surveillance

On est passés de 700 agents de surveillance en 2014 à 3000 aujourd’hui, Hidalgo espère atteindre 5000 mais pour qu’elle le puisse il faut un amendement législatif qui pour l’instant a été refusé, Griveaux parlant juste après elle indiquant que cet amendement mesurait deux lignes et demi. Lui il veut un vrai débat sur la définition des missions de cette police. Il souhaite qu’elle ait en charge la circulation, qu’elle ait le pouvoir de verbaliser et qu’elle opère le gravage des vélos afin de l’habituer à considérer le vélo comme une chose sérieuse. Dati la veut armée afin de pouvoir lutter contre la délinquance. 
Hidalgo promet aussi que la vidéo-surveillance s’intéressera aux occupations indues des pistes cyclables.

Voilà donc un essai de transcription incomplète des propos tenus ce mercredi 29 janvier dans la soirée. S’y retrouve qui pourra. Au moins cela a fait évènement et cela met le vélo au coeur de cette campagne. Cela tire vers le haut, forcément, l’exercice habituel du questionnaire envoyé aux candidats, qui étaient remplis par un membre de l’équipe et ne souffraient aucun questionnement. Cela aura obligé les candidats à réfléchir à leur vision de l’espace public, et l’on voit que le plan élaboré par les associations, le vélopolitain, est la référence pour tous ceux qui veulent oeuvrer pour le vélo.

Si vous en voulez plus, achetez les journaux, tout le monde en parle, Le Monde du 31, le prochain Télérama, etc. Une quarantaine de journalistes étaient présents. Sur le site du Parisien il y a quelques vidéos courtes et parfaites. Ici un article du Journal de l’Environnement : Les candidats aux municipales font le « Paris » du vélo.

Seule fait foi la profession de foi que les électeurs recevront dans leur courrier. Mais aucune ne concernera directement le fauteuil de maire de Paris puisque les Parisiens ne votent que pour leur maire d’arrondissement. Le maire de Paris est élu au « 3eme tour » par les élus conseillers de Paris (ceux du haut de chaque liste).

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Ferrier
4 années

Voir un très bel article sur le Velo sur le Monde Diplomatique de février 2020

Bailleul
4 années

Merci Isabelle pour votre compte-rendu et le partage de vos impressions. La vidéo de l’intervention de tous les participants est disponible sur la page Facebook de Paris en Selle.

Isabelle
1 mois
En réponse à  Isabelle Lesens

C’est par ce mot personnel qu’un ancien membre du cabinet Tibéri m’avait félicitée.

Adrien
4 années

Beau compte-rendu, en effet. Même pour un non-Parisien, ça donne une très bonne idée des avis de chaque candidat ou candidate.

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