Le sur-mesure doit s’appliquer aussi aux deux-roues motorisés

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Les politiques publiques des deux roues en France de 1970 à 1980 par Marc Sauvez
3- Passer du tout-route au tout-sur-mesure

Marc Sauvez nous a montré comment la séparation des trafics et l’invention des Plans de circulation avaient tué le vélo (1), puis comment l’avènement des tramways lui avait redonné une chance (2). Dans cette dernière partie il nous explique que la France a conservé une vision très routière de la ville, malgré les bouleversements induits par l’avènement des tramways. Il plaide enfin pour que les deux-roues légers soient également considérés.

Les politiques publiques des deux roues en France de 1970 à 1980 par Marc Sauvez
3- Passer du tout-route au tout-sur-mesure

Il est intéressant de noter que, malgré les programmes évoqués en conclusion de la partie 2, il y a eu une poursuite d’une vision « routière » des aménagements pour vélos. 

Dans mes pérégrinations en Europe, je suis tombé sur un guide hollandais décrivant des aménagements de boulevards et de carrefours complets avec des pistes cyclables. Dans ce type de document, chaque voie avec les terre-pleins mesuraient au moins 35 m de large et les carrefours presque un hectare. 

J’ai montré ces aménagements comme repoussoir afin de démontrer que les grands aménagements, avec des grandes pistes cyclables, engendrent beaucoup d’espace perdu et sont sans qualités. Ce ne sont finalement que des carrefours routiers favorables au débit et à la vitesse. 

Vers le sur-mesure

Malgré mes préventions, les services routiers du Ministère de l’Équipement se sont dépêché de reproduire ce guide néerlandais (sans en citer l’origine !). A l’inverse, avec d’autres techniciens de la Région Parisienne, nous nous efforcions de  plaider pour le sur-mesure, en privilégiant les bandes cyclables, plus économes en espace et permettant aux cycles de rester visibles et mobiles en particulier pour les tourne à gauche. 

L’objectif des « routiers » était-il de couler plus de goudron ou d’éloigner les cyclistes de la chaussée « sérieuse » ? De fait, beaucoup de promoteurs des deux-roues parlent toujours de « pistes cyclables ». Objectivement, ces vraies pistes totalement hors voirie sont très dangereuses à leurs deux extrémités, ce que ne sont pas les bandes. Les pistes ne sont à préconiser que lorsqu’elles doublent des routes sur de grandes distances. Aux Pays-Bas ou en Belgique, c’est clair, les pistes sont réalisées entre les bourgs, dans la campagne ou les parcs et s’interrompent dans la traversée des bourgs.

De plus léger au plus lourd

Dans le fascicule que nous avions réalisé pour le compte de l’AURIF et du Ministère de l’Equipement en 1976, avec Marie-France Caralp et Véronique Granger, nous avons développé cette méthode d’aménagement progressif, du plus léger et mélangé au plus lourd et séparé sur de grands axes, adaptée à chaque situation. 

Le deux-roues pour tous

Nous avons aussi appelé ce guide « Les deux-roues légers dans la ville » parce que nous souhaitions intégrer dans les deux roues les cyclomoteurs (cycles avec un petit moteur d’assistance) pour envisager un usage des deux-roues pour tous. 

En 1990, les écolos « purs » ont dénoncé ce « laxisme » vis à vis du cyclomoteur bruyant et nuisant (et un peu trop populaire!). Il ont même obtenu discrètement l’interdiction des cyclomoteurs sur les pistes cyclables (où jusqu’alors ils devaient se tenir obligatoirement!). La vie est toujours cruelle pour eux car aujourd’hui, devant le même souhait d’un accès du plus grand nombre aux cycles, les vélos électriques ont remplacé les cyclomoteurs et le deux roues est praticable pour tous, partout et à tout âge. Victoire !

Le vélo, pratiquement disparu de l’espace de circulation dans les années 1970 et d’usage jugé ringard, a été chassé des voies de circulation par une approche trop technicienne et  efficace des plans de circulation. Il y est revenu de façon indirecte à la fois dans des associations avec les piétons sur des infrastructures partagées, mais surtout par des nouvelles conceptions des espaces publics urbains paysagés et d’accompagnement des transports collectifs de surface, dédiés à un usage polyvalent de l’espace en qualités et usages. 

Une approche moins technique et plus architecturale et paysagère est nécessaire pour cette intégration et pour atteindre une nouvelle qualité de vie. C’est d’abord au niveau local avec des acteurs et techniciens engagés dans des expérimentations audacieuses que ces nouveaux espaces ont émergé. Ce sont aujourd’hui d’autres innovations sur le cycle, son usage partagé, et la réduction des espaces consacrés à la voiture…. qui continueront ce que nous avions initié.

Note de la rédac’chèfe

Marc Sauvez est Ingénieur des Ponts de la promo 68, architecte-urbaniste. Il a commencé dans les transports et évolué vers la planification et la construction, et fini sa carrière en s’occupant d’environnement. Du Ministère de l’Equipement à celui de l’Environnement, il est ainsi passé par les Départements et Régions, la caisse des Dépôts et plusieurs sociétés d’économie mixte. 

Il y en a une au moins qu’il aura marquée, c’est moi. Je connaissais déjà son ouvrage avant d’apprendre sa présence dans la queue de la cantine du ministère, rue du Capitaine-Scott, à Paris- 7°… J’avais bien sûr repéré qu’il parlait aussi des 2RM, mais j’avais fait l’impasse tant j’étais contente qu’enfin un ouvrage officiel parle de vélo ! Nous n’étions pas au bout de nos peines, mais il fallait bien commencer, me disais-je. Nous n’étions encore qu’au début des années 80.

Une des batailles que nous avons d’ailleurs gagnée aura été celle de la distinction entre les 2RM et les vélos dans les statistiques d’accidents, et l’inscription du vélo dans les moyens de transport du recensement. A l’heure du VAE cependant la question de la distinction prend une nouvelle tournure et devrait nous obliger à y mettre le nez avec calme… 

Les politiques publiques des deux roues en France de 1970 à 1980 par Marc Sauvez, un article en trois parties :

1- Comment rocades et sens uniques ont failli tuer les vélos Sites propres et Plans de Circulation ont largement participé à la chute des deux-roues.

2- Le tramway est venu au secours du vélo De la Séparation à la Cohabitation, le rôle essentiel des tramways dans la résurrection du vélo.

3- Le sur-mesure doit s’appliquer aussi aux deux-roues motorisés Passer du tout-route au tout-sur-mesure.

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Pierr Charlo
3 années

Un cyclomoteur peut rouler jusqu’à une vitesse de 50km/h : tout est dit !
Les autoriser sur des aménagements cyclables serait un repoussoir pour les cyclistes.

Comme dit Pierr Charlo, les cyclos ont une vitesse maxi de 45 km/h (officiellement car beaucoup la dépasse) et franchement les trouver sur les PC ou BC avec nous cyclistes (VAE ou musculaire) c’est pas rassurant car là encore ils ont tendances à faire comme les voitureux/ses « se croire les plus plus » parce qu’ils vont plus vite, donc illes auraient plus de droit sur nous (les « lambins »)… Ça se vérifie souvent malheureusement.

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