Loi sur le casque : le Sénat retire son texte

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Proposition de loi pro-casque avortée ce matin. Le texte est retiré à la demande de son auteur, faute de consensus. Les sénateurs se contentent finalement d’appeler le Gouvernement à travailler sur la sécurité des EDPM et cyclistes. Ce n’est pas la première fois…

Ils sont gentils nos sénateurs, ils ne veulent pas que les cyclistes et les trottinetteurs soient accidentés. Ils oublient juste le mot « victimes » (d’accidents) et mélangent trottinettes, vélos et véhicules électriques.
Le sénateur Alain Marc parla même des quads fort utilisés par les agriculteurs pour visiter leurs champs, et le Savoyard Loïc Hervé évoqua le coureur automobile Michael Schumacher et son grave accident de ski (pourtant casqué nous précise un lecteur).

La nième tentative1On avait déjà eu au moins en 2016 la tentative de Hervé Maurey, Sénateur-maire de Bernay, et en 2019 à l’Assemblée nationale, sans plus de succès, comme le rapporte le journal Contexte le 6 janvier 2022, évoquant le vote sur la Loi d’Orientation des Mobilités en nov. 2019.] de rendre obligatoire le port du casque n’aura duré que deux heures et une dizaine d’orateurs ce matin au Sénat. Elle a été torpillée en direct par des gens qui éventuellement le regrettaient mais voyaient bien que des amendes comme pour les motos c’était exagéré, et que la mise en fourrière pour des trottinettes en libre-service2Le décret Trottinettes est paru en octobre 2019. ou des « engins » non-immatriculés, on ne voyait pas bien. Certains ont essayé d’utiliser des chiffres de sécurité, un seul a pensé que rouler le dimanche matin à pleine vitesse ce n’était pas comme aller au supermarché le mardi en fin de matinée, aucun n’a même évoqué que femmes et hommes, jeunes et vieux, ce n’est pas pareil… Finalement ça s’est terminé par un appel au Gouvernement à s’occuper de la sécurité routière.

Ce texte de loi avait été déposé par le sénateur François Bonneau et concernait le casque pour « les cyclistes modernes, sans considération de leur âge ». Pour ce faire il proposait d’imposer le casque « à tout conducteur d’un véhicule à une ou plusieurs roues, qu’il soit à moteur ou à assistance électrique, ainsi qu’à tout conducteur de cycle ».

L’initiative revient aux Centristes, mais la commission des Lois (qui vérifie si un texte entre bien dans le cadre), le 8 janvier, avait bien dit que cela ne relevait pas de la compétence du législateur. Ce matin le texte était défendu par François Bonneau, devant un hémicycle loin d’être plein. Le Gouvernement était représenté par Marlène Schiappa, ministre déléguée à la citoyenneté, qui expliqua que tout allait bien puisque le Gouvernement avait déjà fait beaucoup en faveur de la sécurité routière3Ca tombe bien car la Sécurité routière ne veut pas de mesures inefficaces, paraît-il. C’est sûrement pour ça qu’elle a imposé le casque aux gamins.. Elle a même dit qu’il y avait des autocollants sur les poids lourds4Sur les angles morts, lire Angles morts : ça peut durer encore 10 ans., ainsi que des zones 30, et que l’article R 410-6 du code de la route invitait à la prudence envers les usagers vulnérables… du grand art !  

Parmi les arguments soulevés par les anti-obligation on trouve le fait que le casque soit déjà en progression (+ 10% en 4 ans selon Mme Schiappa), qu’il faut laisser la liberté aux citoyens d’apprécier leur danger (François Bonhomme), que l’incitation peut pallier à l’absence d’obligation, ou qu’il y a plus d’avantages au vélo que d’inconvénients (Olivier Jacquin, Républicain mosellan). Le mot « contreproductif » revint assez souvent pour qualifier cette loi, car elle tendrait à diminuer l’usage du vélo, et donc diminuerait la sécurité par la masse. Un très bon résumé des thèses en question se trouve d’ailleurs dans l’Equipe d’hier 12 janvier

Les pro-obligation ont tous trouvé les meilleurs chiffres et les meilleurs exemples, par exemple une mémorable chute d’un coureur belge, le 24 juillet 2018, dans la descente du col de Portet d’Aspet (Jean-Claude Requier). 

Le Gouvernement fut donc appelé à développer les pistes cyclables. Sans surprise le sénateur communiste Lahellec plaida pour qu’on n’oublie pas les TC, mais aussi pour qu’on équipe les piétons de casque, et surtout qu’on développe les voies dédiées. Il comptait s’abstenir. 

Jacques Ferrique a dû être déçu d’avoir eu raison. Avant-hier devant le Club des Villes cyclables (et et) il avait dit que le texte serait sans doute retoqué, mais pour de mauvaises raisons 5L’article de 20minutes tente d’expliquer pourquoi cela ne pouvait pas aboutir : Sécurité routière : « Une forme d’hédonisme », ou l’impossible obligation du port du casque à vélo.. C’est bien ce qui s’est passé, puisque le texte a même été retiré avant le vote. Attendons la prochaine fois, ça occupe.


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2 années

Bonjour Isabelle, merci pour ce compte-rendu. Quand comprendront nos représentants (j’insiste: ils sont nos représentants) que c’est la dernière solution à mettre en oeuvre pour sécuriser les déplacements à vélo ? Nous sommes tellement « formatés » qu’il n’y a pas d’ailleurs que les Sénateurs à sensibiliser à cela. Une anecdote à ce sujet:
En juin dernier, j’emmène mon fils et son cousin en vélo dans Paris pour mesurer à quelle point cette ville est magnifique et faite pour le déplacement à vélo. 14 ans sans casques. Au bout de la rue de Rivoli, en arrivant Place de la Concorde, je me suis fait traiter d’inconscient par une cycliste casquée à qui j’expliquais que le casque n’est pas nécessaire. Elle m’a répondu: « on en reparle quand ils seront en réa à l’hôpital ». Victim-blaming comme on dit en bon franglais

Francois Fatoux
2 années

Cette histoire du casque et du cycliste revient périodiquement depuis des décennies. Au fond, elle est plus intéressante pour ce qu’elle montre d’un aspect de notre démocratie que pour le sujet lui-même, tous les citoyens cyclistes correctement informés ayant depuis longtemps le même point de vue.
Que des parlementaires peu, voire pas du tout, informés reviennent périodiquement à la charge via des questions écrites aux ministres concernés ou des propositions de loi, alors que l’Etat, par delà les changements de majorité politique, a clairement pris position et qu’aucun élément nouveau ne vient contredire sa position, en dit long sur la qualité de certains « travaux » parlementaires qui relèvent plus du lobbying ou de l’entretien de l’image desdits parlementaires que d’une réelle recherche d’amélioration de la sécurité des cyclistes.
Il suffit pour s’en convaincre de rechercher ces « travaux » sur les sites parlementaires ou directement sur google avec des mots clés tels que « cycliste », « casque », « question écrite » …
Le cycliste reste un usager énervant pour le bon peuple non cycliste, jaloux de notre mobilité, de notre liberté. Il grille sans cesse les feux quand les automobilistes ne téléphonent jamais au volant, respectent les limitations de vitesse, se garent correctement.
Le politicien démagogue joue sur du velours en le montrant du doigt. Toutes proportions gardées, le cycliste est le grand coupable, comme d’autres groupes souvent cités, de nos difficultés économiques, de la délinquance et si présents dans certains meeting électoraux !
– Questions à l’Assemblée Nationale (2018).
– Question sur l’obligation du port du casque par Philippe Folliot (2010).
– Question écrite de la sénatrice Mme Patricia Schillinger (2010).

zaph
2 années

bonsoir, peut-être suis je mal informé mais il me semble que la formulation proposée pour cette loi incluait aussi les automobilistes ?  » à tout conducteur d’un véhicule à une ou plusieurs roues, qu’il soit à moteur ou à assistance électrique, ainsi qu’à tout conducteur de cycle…. »

Administrateur
2 années
En réponse à  Isabelle Lesens

Vous avez bien lu la proposition de loi, mais le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de la route, qu’elle suggère de modifier, est intitulé « Motocyclettes, tricycles et quadricycles à moteur, cyclomoteurs et cycles », qui aurait été transformé en « Motocyclettes, tricycles et quadricycles à moteur, cyclomoteurs, cycles et véhicules assimilés« , et ne concerne donc pas les automobiles. De plus, comme évoqué dans l’article, la modification de cet article de la partie législative du Code de la Route n’aurait entraîné pour personne l’obligation du port du casque (qui ne peut être instituée que dans la partie réglementaire), mais seulement la faculté d’immobiliser le véhicule.

Rançon Ph
2 années

OUF nous avons eu chaud !… mais heureusement, nos sénateurs sont des élus raisonnables. Je ne me voyais pas porter un casque pour me rendre dans les magasins d’alimentation situés dans un rayon de 500 mètres autour de mon domicile : enlever chaque fois le casque pour y entrer !… ou bien le garder ce qui serait ridicule. Laissons les cyclistes libres de porter ou pas le casque en ville, et arrêtez de réglementer en permanence, et de nous traiter comme des gamins.

Nicolas
2 années

Je suis souvent surpris de voir revenir ce débat sur le casque, d’ailleurs la plupart du temps tenu par des gens qui ne pratiquent pas le velo. Au quotidien, je constate un besoin bien plus essentiel : être vu! Après m’être fait 2 fois renverser par des automobilistes… qui ne m’avaient pas vu, être visible est aujourd’hui ma priorité systématique.
Ma tête n’a jamais rien eu, en revanche mes gants bien rembourrés m’on évité de nombreux traumatismes des membres supérieurs.
Alors oui, le débat sur le casque me semble aussi très secondaire quand l’essentiel (visibilité, aménagement, respect des uns et des autres du code existant) n’est déjà pas respecté.

Marmotte27
2 années
En réponse à  Nicolas

« des automobilistes… qui ne m’avaient pas vu »… Que cette excuse soit encore admise par qui que ce soit, y compris en justice, dépasse tout entendement.

Ggd
2 années
En réponse à  Nicolas

A une époque, j’aurais abondé en ce sens. Mais plusieurs expériences, surtout dans les ronds-points et aux feux rouges, me font penser autrement. J’ai une lumière avant (sur dynamo, très puissante B&M), une arrière (puissante également, fixe), une autre clignotante sur casque jaune fluo (moins puissante, 50 lumens), une veste jaune fluo avec larges bandes réfléchissantes (merci Decat’), des réflecteurs adhésifs sur les rayons, des pneus à bande réfléchissante également, des catadioptres règlementaires, et parfois des surchaussures fluo. La plupart du temps, des passe-poils sur le bas. Et sur le sac de porte-bagage, ça reflète aussi.
Bref, je trouve que ça fait beaucoup
Je me suis quand même fait renverser une fois (rond-point, fin de journée de printemps temps dégagé et visibilité parfaite); accroché le coude (un matin d’automne plus tout à fait nuit pas encore tout à fait jour : arrêt au feu rouge, le fourgon lui, avait décidé de passer). Même à deux cyclistes déjà engagés (pleine matinée, automne, visibilité parfaite), dans un rond-point, ce n’est pas passé loin.
Donc, finalement, oui c’est bien sûr important d’être vu.
Mais non : le problème est selon moi vraiment ailleurs. Le comportement sans doute ? Ce qui inclut certains autres cyclistes.
Je pense que rouler au milieu de la voie rendrait bien plus visible, finalement.
Je ne vois pas ce qu’on peut encore rajouter en équipement de « visibilité », et qui marcherait mieux que tout ce qu’il y a déjà.

2 années
En réponse à  Nicolas

Tout à fait de votre avis. Notre visibilité dans le spectre de l’encombrement urbain est bien un sujet plus important que celui du casque. Notamment avec les EDP https://velomaxou.com/2022/01/22/trottinons/

jeanne à vélo
2 années

Hélas, être visible ne suffit pas, il faut avant tout être regardé.

Ggd
2 années

Est-ce qu’il existe des statistiques (hospitalières ?) au sujet des trauma cyclistes ? Je comprends les arguments pour et contre, mais finalement, ça reste des a priori.
Dans mon entourage, je n’ai aucune occurrence de traumatisme crânien. En majorité la clavicule, suivi par le genou et l’épaule, et une personne touchée à la hanche (glissade sur plaque d’égoût humide…). Croisé une victime de chute dans une descente de montagne (sur route), où des dents avaient été cassées.
Mais tout ça reste une expérience limitée… Des statistiques scientifiques honnêtes, ce serait mieux.
Est-ce qu’il n’est pas possible de considérer l’usage plutôt que le véhicule ? Aller chercher le pain à 2 km en ville et rouler une descente de VTT, c’est toujours du vélo, mais pas vraiment la même façon d’envisager le déplacement… Difficile de catégoriser à l’arrivée à l’hôpital.
Le casque est-il censé protéger de la chute ? Du choc avec un autre véhicule ? Est-ce qu’il peut faire les deux ? Faut-il un intégral pour protéger la face ?
Ca fait beaucoup de questions, même pour des sénateurs.

Bertrand
2 années
En réponse à  Ggd

De manière évidente, les risques ne sont pas les mêmes selon les pratiques.
Les casques sont homologués pour protéger d’une chute à l’arrêt de sa propre hauteur. Ce genre de chute existe, mais c’est comme les poissons volants, ce n’est pas la majorité !
Contre une voiture lancée à 50/h ou un 38t quelle que soit sa vitesse, ça ne sert à rien.
Une étude ancienne de la sécurité routière sur la probabilité de trauma crânien en cas d’accident avait mis en évidence que un risque maximum pour les piétons, puis pour les automobilistes, ensuite seulement les cyclistes, et enfin les motards (qui en ont encore malgré leur casque). Donc qu’attendent les élus en mal de sécurité pour imposer le port du casque aux piétons et automobilistes ?

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