Nouveau : Des véhicules pas vélos peuvent être autorisés sur les voies vertes

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Même en fin de mandat la machine à décréter a continué sa vie. Elle a autorisé à autoriser certains véhicules sur les voies vertes. Voici du nouveau plus nouveau et plus utile qu’il n’y paraît pour les voies vertes.

Pas de trêve pour les fonctionnaires

Le « décret 2022-635 modifiant certaines dispositions relatives aux voies vertes » autorise désormais les autorités locales compétentes ayant le pouvoir de police de la circulation (je parle comme eux!) à autoriser les véhicules des voies navigables de France et les engins agricoles à rouler sur les voies vertes et dans les aires piétonnes. Il a été publié au Journal Officiel le 24 avril 2022. Il est d’application immédiate.

Traduction : Interdit aux véhicules à moteur sauf ayants droits = autorisés aux seuls cyclistes et à des véhicules à moteur bien précis. Solution compliquée et … interdite.

Vous avez la berlue, vous croyez que ça existait déjà, et d’ailleurs l’inverse aussi. En Alsace, en pays de Loire ou à l’Ile-de-Ré vous avez roulé sur des chemins ruraux ou agricoles dûment autorisés aux vélos, et bien sûr rencontré des camionnettes de VNF le long de la plupart des canaux. Eh bien figurez-vous que c’est là que ça se joue.

Thierry Du Crest, le responsable du vélo et de la marche au ministère, précise : Jusqu’ici un chemin de halage ne pouvait pas être à la fois lui et une voie verte. A rebours une voie verte ne pouvait pas accepter des véhicules motorisés. II nous explique que ce n’est pas parce que ça avait l’air d’être autorisé que l’on avait le droit de l’autoriser. 

Avec la nouvelle règle, si. La preuve, il faut désormais un arrêté « de l’autorité détentrice du pouvoir de police » pour autoriser qui n’est pas cycliste à rouler sur une voie verte, que ce soit un agriculteur sur son tracteur ou un pêcheur sur sa mobylette, un livreur ou un riverain, un médecin dans son auto ou un ouvrier sur sa machine à entretenir la voie.  Il faut, donc on a le droit de le faire, donc on y est même encouragé. Cela implique aussi que le véhicule en question est un invité, il ne doit pas se comporter en terrain conquis.

Pour l’AF3V ce décret est une belle avancée. Cela fait 10 ou 15 ans qu’elle le demandait, et elle a été associée à sa rédaction. Mais celui qui aurait dû être le plus heureux c’est Jean-Louis Pons.

Toujours pas de vision d’ensemble 

En tant que responsable de la mission nationale des véloroutes et voies vertes Jean-Louis Pons n’arrivait pas à obtenir que les voies vertes soient « au service du pays traversé, que les véhicules de service, ceux de secours, ceux des riverains, puissent y passer« . Il y travaillait depuis au moins 2011, comme mon blog l’atteste1 Améliorer la définition des voies vertes, mars 2011.. En 2014 il jetait l’éponge, et depuis il n’a pas eu de successeur. Et là, que voit-il ? Un décret qui répond au problème, certes, mais ne traite toujours pas du frein énorme à la création des voies vertes qu’est, pour les chemins le long des canaux, l’obligation de convention de superposition d’affectation. Pour lui il aurait fallu en profiter pour supprimer cette obligation2 J.L. Pons avait co-piloté avec France Nature Environnement la rédaction d’une Charte pour la mutualisation du foncier qui avait pour objectif explicite de faciliter la création des voies vertes. Elle est ici : Charte Mutualisation Foncier, 2014, 6 pages. Rédigée par l’ensemble des organismes cités dedans, elle n’a jamais été signée, J. L. Pons ayant quitté le ministère à ce moment-là. Il serait utile de la ressortir. et donc décider que tous les chemins de service le long des canaux sont directement et par nature des voies vertes, comme en Wallonie avec ses Ravel.  

J’ai bien relu, tout le foncier est concerné. Il y a juste un long développement  sur les chemins de service de VNF 3 article 2 : Lorsque la voie verte est créée sur une partie de domaine faisant l’objet d’une superposition d’affectations régie par une convention conclue en application du code général de la propriété des personnes publiques, …où, pour créer une voie verte, il demeure obligatoire d’établir une convention de superposition d’affectation.
En Belgique toutes ces règles n’existent pas, ni je crois en Allemagne.
 
Jean-Louis Pons

Un progrès malgré tout

M. Du Crest et l’AF3V disent d’une seule voix que, concrètement, les chemins ruraux ou les chemins de halage, tous ne concernant qu’une circulation motorisée très ponctuelle, pourront devenir bien plus facilement des voies vertes qu’auparavant. Gros avantage, double : 

  • Les cyclistes vont enfin s’y retrouver, c’est voie verte, ou pas. Cela va officialiser certaines voies vertes de fait. Les touristes, les étrangers… s’y retrouveront mieux, ça finira par être uniforme sur tout le territoire. 
  • Les autorités ne vont plus hésiter, comme parfois, à créer des voies vertes puisque désormais elles peuvent y autoriser des circulations qu’elles auront jugé utiles et compatibles. Cela va lever des freins à la création de voies vertes.
A l’avenir ceci sera une voie verte

La fin des bricolages

On va enfin ne plus avoir recours à des subterfuges pour laisser passer le facteur ou l’infirmier, et on pourra enfin mener les travaux d’entretien à bien. Julien Dubois, vice-président de l’AF3V, se souvient avoir vu du côté de Digoin un tronçon de voie verte soudain devenu « route » avec plein de « sauf, sauf », sur quelques centaines de mètres, tout ça pour donner accès à une adresse précise. Bientôt le cas des Ardennes sera une rareté, leur astuce à eux étant de faire une route aussi étroite qu’une piste cyclable, lui peindre des pointillés au milieu, et en avant (regardez dans cet article). Vue la faiblesse de la circulation, il sera (peut-être) plus simple de la déclarer voie verte. En tous cas ce serait cohérent, le réseau serait plus homogène. Pour l’interdiction de rouler à plus de 30 km à l’heure, également présente dans ce décret, il ne devrait pas y avoir de difficulté, car, sur une voie aussi étroite que la plupart de nos voies vertes, il n’y a pas grand risque que se produisent des excès de vitesse. Ceci dit l’AF3V a bien l’intention de suivre les choses de près.

Ce n’est pas parce qu’on raconte n’importe quoi que tout ça est bien réglementaire, ni facile à comprendre.

Le vrai problème, ce n’est sans doute ni les pêcheurs ni les agriculteurs, c’est le comportement de certains motards et rouleurs de quad venus pour s’amuser et non aller à la pêche ou rentrer chez eux, nous fait-on remarquer. Et contre ça, il n’y a qu’un moyen, c’est la police, dont on connaît les limites.  La pose de barrières ou autres obstacles est une solution de facilité qui gêne plus les usagers à qui on destine l’infrastructure qu’elle n’a d’efficacité contre ceux qu’on voudrait chasser4 Par contre pour les véloroutes, dont nous ne parlons pas ici, la limitation de vitesse, sur les routes peu fréquentées, peut être parfois obtenue par d’habiles moyens physiques ne nuisant pas aux cyclistes. Etroitesse de la route (Ardennes), chicanes (Loire), etc. d’ailleurs transposables en aire piétonne, comme vu à Nantes..
Pour les aires piétonnes, concernées aussi par le décret, vitesse et volume de motorisés sont une vraie difficulté. 

⏩ Au total ce décret vise à considérer la réalité (il y a besoin de véhicules autres que cyclistes, et de fait ils sont souvent déjà « autorisés » grâce à des contorsions interdites par la réglementation) et à en rendre plus simple la traduction réglementaire. Désormais il n’y a pas d’objections à ce qu’on les autorise à passer et c’est l’autorité locale qui décide. Cela simplifie beaucoup d’aspects, comme vu plus haut5 Ce décret, qui simplifie les choses, n’empêchera cependant personne de continuer à baptiser Voie verte tout et n’importe quoi, un trottoir, un refuge, un sentier… ce qui est une plaie autrement visible pour les usagers, et une autre facilité relevant du bricolage chez les autorités … J’en parlais déjà en 2010, voir Détournements de fonds : N’importe quoi n’est pas n’importe quoi..

Le tout est signé de trois ministres (Djebbari, Pompili et Darmanin) en train de faire leurs bagages, avec une faute (ils n’ont pas signé « par » le Premier ministre mais pour lui). Comme on ne sait pas de quoi l’avenir est fait … merci à eux d’avoir bossé jusqu’à la dernière minute (faites semblant d’y croire).

En résumé :
Une voie verte c’est une piste cyclable autorisée aux piétons et à certains véhicules motorisés à usage local. Le texte explicatif du décret est très clair. Dans les régions avancées (Alsace et Aquitaine) beaucoup de voies vertes étaient autrefois une piste cyclable.
Une piste cyclable c’est une voie réservée aux vélos dans laquelle sont autorisés tout un tas de petits véhicules assimilés à des « cycles » dont on considère que la vulnérabilité implique cette autorisation. Par voie on entend partie de chaussée séparée en dur ou voie indépendante.
> Dans les deux cas cela ne fonctionne correctement que si les « non-vélos » ne sont pas trop nombreux, piétons, patineurs, trottinettes, ainsi que engins « assimilés à des cycles » désormais tenus de rouler dans les pistes cyclables.

Une véloroute c’est un itinéraire destiné aux cyclistes. Il est constitué de pistes cyclables, petites routes, chemins, voies vertes etc.
Une bande cyclable … c’est un couloir, une bande, sur chaussée, délimitée à la peinture.


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Picot
1 année

Les voies du cyclisme sont certes impénétrables mais un peu plus claires pour moi après cette lecture! Merci.

1 année

Merci Isabelle pour cette publication. En France nous sommes des champions en réglementation mais le texte va dans le bon sens. Il permet d’avoir une approche ambitieuse en matière de développement du réseau des voies vertes.
Dans d’autres pays on peut circuler sereinement à vélo sans être inquiété par les véhicules, je pense à l’Espagne.
⏩ Je rebondis donc sur un point, celui de la Police qui ne peut en effet être partout et tout faire en matière d’adéquation des comportement des conducteurs. L’Espagne a fait le choix d’autoriser les témoignages individuels de non-respect du code de la route. La différence avec la France est spectaculaire, et la France ferait bien de s’en inspirer.

Ludo
1 année

Bonjour et merci pour votre site que je découvre. Quelle mine !
J’ai toujours été assez circonspect sur la multiplication des voies en particulier dans les villes qui ne possèdent pas tant de possibilités que cela en termes d’espace. J’avais aimé, il y a quelques années, me promener dans la vieille Naples où voitures, motos, scooters, vélos et piétons se croisaient indistinctement. J’avais alors le sentiment qu’il y avait une attention à chacun et une réduction naturelle de la vitesse. La séparation des flux, si elle peut permettre une certaine efficacité, propre à nos sociétés industrielles, engendre tout de même énormément de travaux et d’emprise sur l’espace.
Pour ma part, j’évite souvent les véloroutes dans mes voyages et privilégie les petites routes. J’habite dans le Gers, où l’on dit souvent que les gens « roulent comme des fous » malgré les appels (des panneaux) à « partager la route ». Pour l’instant tout va bien pour moi.

[…] Sur le blog d’Isabelle Lesens (>fr), vous trouverez une mise à jour des nouvelles autorisations propres aux voies vertes : […]

1 année

C’est très normal cette évolution. Les véhicule de service ne sont pas gênants, de même quelques riverains. De toutes façons beaucoup de collectivités les appellent des « voies douces ». Dans la pratique sur le terrain elles sont bien rentré dans les mœurs et en général calme quand des cyclos n’abusent pas pour faire la course le samedi et dimanche après midi!

1 année

Je ne vois vraiment pas où est le progrès en autorisant des véhicules motorisés sur les Voies Vertes. Chez nous en Alsace, on trouve des Voies Vertes déjà ouvertes aux véhicules locaux (c’est à dire en réalité à ceux qui connaissent le moyen de contourner le trafic lorsqu’il est saturé). Alors rendre la Voie Verte accessible à tout le monde, non. Finalement la Voie Verte va rapidement devenir une voie comme une autre. Au point même que chez nous, en Alsace, François Tacquard, président de la communauté de communes de la vallée de Saint-Amarin n’a rien trouvé de mieux que de proposer en 2017 de faire de la Voie Verte VV31 et VV331 une voie de détournement en cas d’accident sur la route nationale RN66 (Epinal-Mulhouse, devenue depuis 2021 RD1066 de la collectivité d’Alsace).

Alexandre
1 année
En réponse à  velomaxou

D’accord avec vous sur le fait de ne pas trop ouvrir la circulation sur les voies vertes, mais Jean-Louis Pons s’est battu des années pour faire évoluer la réglementation, car, jusqu’à présent, ce que disait la loi c’est zéro véhicules motorisés sur les voies vertes (aucune exception n’était prévue). C’est pour cette raison que VNF par exemple n’a accepté de faire des voies vertes que sur les canaux n’ayant aucun trafic fluvial, car qui disait voie verte disait impossible pour les agents VNF de s’y rendre (sauf à être à pieds, à vélo et à cheval…).
Donc, oui, c’est plutôt un progrès, du moins pour faire en sorte que les exploitants de réseaux acceptent ce type d’aménagement.
Par ailleurs, pour en avoir discuté avec des collègues, la notion de « riverains » n’existe pas dans le code de la route, les arrêtés de police le mentionnant sont donc a priori hors la loi, évidemment, peu de risque qu’ils soient attaqués, mais ils n’ont aucune base réglementaire…

Debray
1 année
En réponse à  velomaxou

Je partage le point de vue de Velomaxou de ne pas autoriser la voie verte à tout le monde. Malheureusement les Français ne sont pas assez disciplinés pour avoir le bon sens de respecter les règles.
Pour les cyclistes chevronnés c’est jouable, par contre quid des enfants en bas âge sur de telles routes, puisqu’il faut bien appeller « routes » ces types de Voie Verte. Le contournement des règles étant un sport national j’émets beaucoup de réserves…

Adrien
1 année

Je commente très tardivement, mais c’est juste pour dire merci pour cet article clair et intéressant, et pour regretter que Vélomaxou et M. ou Mme Debray aient commenté l’article sans le lire, ou sans le comprendre.

L’article explique très clairement l’enjeu : il ne s’agit pas d’autoriser tout le monde en voiture sur les voies vertes, mais de donner la possibilité d’y autoriser les véhicules de service, les riverains, les agriculteurs… bref, tout ce qu’il est nécessaire de pouvoir autoriser si l’on veut convertir un chemin existant en voie verte. En aucun cas on ne va ajouter sur les voies vertes un trafic supplémentaire (ces véhicules passaient déjà là). Par contre, on simplifie la création de voies vertes. Bref, je ne vais pas réécrire tout l’article…

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