Vélo : plus on fait ce qu’il faut et plus ça roule

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Bruno Cordier, du bureau ADETEC, a fait ses calculs. L’image est limpide : plus on fait ce qu’il faut plus arrive ce que l’on souhaite … L’avènement du vélo est bien multi-factoriel, il ne saurait se contenter de pistes cyclables, même très bien réalisées. Article revu et corrigé sur les remarques de B. Cordier, 27 décembre 2022 à 19h14. En illustration, le cas de Séville.

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Les déplacements dans les grandes villes françaises : résultats et facteurs de réussite
Etude. ADETEC, 2022

Dans l’étude reçue cet hiver sont regardées les parts de la marche, du vélo, et des TC dans villes moyennes et grandes en 2022, selon les 4 modes que sont la marche, le vélo, les transports publics, l’automobile et assimilés. 

Les villes sont réparties en 3 zones : 

  • La ville-centre (celle qui donne son nom à l’agglomération)
  • Le pôle urbain (ville-centre + banlieue)
  • L’aire urbaine (ville-centre + banlieue + péri-urbain)

La moyenne générale pour les 47 villes-centre est de 37% pour la marche, moins de 3 % pour le vélo, de 12% pour les transports publics, et de plus de 49 % pour l’auto. L’étude passe en revue différents facteurs descriptifs pour tenter de dégager ceux que l’on trouve associés avec la pratique de tel ou tel mode.

(1) Ce qui se dégage de façon claire
(2) Ce qui est moins systématique
(3) Il reste des curiosités…
En note, le cas de Séville.

Veuillez noter que la distinction entre 1 et 2 est de moi, est n’est pas approuvée pleinement par l’auteur, qui m’écrit que  « Il y a des corrélations nettes pour tous les facteurs figurant dans le rapport et le diaporama de l’étude, avec des exceptions pour chacun d’entre eux. »

(1) Ce qui se dégage de façon claire 

Plus la Ville est peuplée moins les habitants utilisent une voiture. Pour leur ville-centre Lyon est à moins de 27% et Paris à 13% d’automobiles dans les modes de déplacement utilisés. Mais il y a des exceptions. Par exemple la voiture est moins utilisée à Grenoble, Rennes ou Strasbourg qu’à Marseille.

Plus l’aire urbaine est dense moins on y utilise une auto, et plus les TC, la marche ou le vélo. 

Plus les habitants s’éloignent du centre plus ils utilisent une voiture. En moyenne et arrondis ils utilisent l’auto à 75 % en couronnes péri-urbaines, 70% en banlieue et 49% en villes centre. 
On constate un même déclin pour les 3 autres modes, marche, vélo, TC, selon que l’on passe du centre à la grande couronne. 

(2) Ce qui est moins systématique 

Mais au-delà, il y a de grandes variations suivant les villes, parce que la réussite est multifactorielle et qu’être bon sur un seul facteur ne suffit pas.

La « forme urbaine », c’est à dire la forme de la tache que font les zones construites sur la carte. 
Bruno prend deux exemples, Rennes et son urbanisme « en archipel » et Nantes, avec des densités un peu partout et bien moins de vides qu’autour de Rennes. L’automobile est plus forte en urbanisme diffus qu’en urbanisme regroupé.

Le dynamisme commercial en centre-ville. Plus il y a de commerces en centre-ville moins il y a de voitures en % des modes utilisés, quel qu’en soit le motif d’utilisation.

L’ancienneté de la planification des déplacements. Plus le premier PDU (Plan de Déplacements Urbains) est ancien moins il y a de voitures.

L’espace alloué à l’auto. Moins les villes attribuent d’espace à la voiture, moins son usage est élevé. Le moins d’espace alloué, en proportion de la surface, c’est à Paris mais c’est encore autour de 50%. Le plus de l’échantillon c’est Tourcoing, avec un peu plus de 70% de son espace public utilisé pour la voiture. Ce sont aussi les villes où on roule le moins en auto (Paris) et le plus (Tourcoing). 

ADETEC, 2022

Les vitesses autorisées. Dans les villes classées entièrement à 30 km/h la part de l’auto est en moyenne de 43,6%, elle est de 54,7 % s’il n’y a aucun quartier à 30. C’est là aussi où il y a le moins de vélos.

La présence de grandes infrastructures routières. On constate une forte corrélation entre la présence de grandes infrastructures routières (rocades, autoroutes, pénétrantes) en milieu urbain et l’usage de la voiture. Exemples : 

  • Nancy a peu de pénétrantes et sa rocade est éloignée du centre-ville, part de l’auto en centre-ville : 40% (et pourtant sa politique de restriction de l’auto est faible).
  • Angers, double rocade, 54 % d’autos.

Les embouteillages. Normalement l’usage de la voiture est bas dans les villes congestionnées car les embouteillages prévus sont un repoussoir. Mais il y a des exceptions (Marseille, Toulon…) où « beaucoup de gens utilisent la voiture coûte que coûte« .

  • Paris conserve son rang de ville la plus embouteillée, et celle où on utilise le moins la voiture. 

Le stationnement. C’est connu depuis longtemps, le stationnement est le premier déterminant. En zone centrale la place du stationnement passe du simple au double suivant les villes, en périphérie la différence reste importante, mais bien moindre. La difficulté à stationner est un puissant frein à l’usage de l’auto. L’inverse est vrai aussi, un stationnement facile invite à utiliser l’auto.

La présence de transports collectifs. Plus il y en a plus ils sont utilisés. Disons que cela « fait système », c’est-à-dire que si je vais à plusieurs endroits et que tous sont desservis, ou que je peux aller partout en enchaînant les moyens, alors il y a système, et encore plus si la billétique est commune. Il est également noté que métro et tramway ont un impact bien plus fort sur la fréquentation que ne l’a un autobus, même en réseau.

Concernant le vélo, sa part augmente à partir du moment où on a un schéma directeur pour le vélo. Donc plus on a commencé tôt plus il y a de cyclistes. Sur le graphe, sans surprise ce sont Strasbourg, Bordeaux et Grenoble qui ont commencé en premier (et Chambéry, mais son enquête mobilité est ancienne et a été réalisée en hiver, ce qui a fortement minoré la part du vélo. Celle-ci est actuellement proche de 7 %.).

Plus les gens trouvent que le vélo c’est bien plus il y a de cyclistes. On le mesure par le baromètre de la FUB. Encore en haut on a Strasbourg, Orléans et Bordeaux.

Concernant la marche à pied c’est pareil, mais de façon moins marquée. Un schéma directeur piéton fait passer, en moyenne, de 35,5% à 39,2% la part de la marche dans les déplacements. Parler de la marche sur le site internet de la ville joue aussi son rôle, ou lui est corrélé, mais toujours faiblement, de 35,5% à 38,6%.

Enfin, pour la sécurité, plus il y a de piétons et de cyclistes moins il y a d’accidents pour eux. La ville la pire de ce point de vue est Saint-Etienne, qui avec moins de 1% de cyclistes dans la circulation a de 3 à 4 fois plus d’accidents de cyclistes qu’il n’y en a ailleurs. 

(3) Il reste des curiosités, car l’urbanisme et les déplacements ce ne sont pas que des tuyaux …

Par exemple Rennes est bonne sur de nombreux critères mais a deux faiblesses : peu de commerces et activités en-dehors du centre-ville; rocade et nombreuses routes à 2 x 2 voies favorables à l’usage de la voiture. 

Tours a un meilleur maillage commercial et de services, mais souffre de discontinuités dans ses aménagements, de pistes trop souvent sur les trottoirs et d’une place très forte laissée à l’auto dans le centre-ville. 

Or, moins on utilise de voitures moins les gens en ont
et donc moins ils l’utilisent
.

Bruno Cordier regrette que j’ai extrait ces deux villes, car « parler de Rennes et Tours uniquement sur quelques facteurs donne une vision réductrice donc erronée des choses. »

Bruno CORDIER
ADETECBureau d’études en transports et déplacements 63150 La Bourboule
Pour télécharger l’étude, cliquez ici.

En conclusion faire des kilomètres de pistes cyclables est un moyen pauvre (nécessaire mais pas suffisant) pour rendre votre ville cyclable. Bien sûr vous devez en faire en cas de besoin, mais en aucun cas cela ne remplace une politique d’urbanisme et une politique globale de mobilité.


Note

Ce qui est dit ici est si vrai que le Forum Vies mobiles, en novembre, n’a pas dit autre chose. Il s’interrogeait sur le cas de la Ville de Séville. Elle créa, de 2006 à 2010, un réseau de pistes à double sens très important, complété par des zones restrictives pour l’auto et des vélos en libre-service, et atteignit de ce fait une part modale du vélo de 6% (que n’atteint pas la Ville de Paris après bien plus d’années de construction de pistes cyclables). Ensuite ce ne fut que stagnation et baisse.

Cela démontre surtout que si la mise en place d’un réseau de voies cyclables est une condition préalable à toute politique réussie visant à promouvoir le cyclisme urbain, une fois cette condition remplie, d’autres mesures telles qu’une réglementation du trafic favorisant les cyclistes et limitant la circulation automobile, des programmes éducatifs et promotionnels, ou encore des messages politiques présentant le cyclisme comme une activité bénéfique pour la ville sont cruciales. 

Forum Vies mobiles, Ricardo Marqués

 

 

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Hans Kremers
1 année

Merci ADETEC (et Isabelle).
48 villes cela représente déjà un bel échantillon. Il est dit que la part modale moyenne du vélo dans ces villes en 2022 est « moins de 3% ». Si cette moyenne est exacte et sachant que c’est dans les villes que la pratique du vélo est la plus forte, il convient de constater que l’objectif de 9% pour toute la France en 2024 (Plan vélo national, 2018) a beaucoup de plombs dans les ailes …

1 année
En réponse à  Hans Kremers

Je réponds sur la part modale du vélo à Orléans.
Les différences tiennent pour partie à la date des enquêtes (ce qui minore en particulier les résultats de Chambéry) et, dans le cas d’Orléans, au fait qu’il s’agit d’une enquête « allégée », avec une méthodologie un tout petit peu différente. Ceci est détaillé dans le rapport de l’étude, à la page 105 pour Chambéry et à la page 9 pour Orléans.

1 année

Deux suprises à la lecture de cette intéressante synthèse :
– Le graphique illustrant le paragraphe « forme urbaine » et usage de l’automobile semble contredire le texte puisque les pourcentages d’utilisation sont plus élévés à Nantes, ville à l’urbanisme « regroupé ».
– Dans le graphique « vélo » où apparaît ma chère Orléans, je suis surpris de lire que cette ville aurait une part modale cyclable dans la ville centre supérieure à celle de Grenoble, Bordeaux ou Montpellier…

1 année
En réponse à  Jeanne à vélo

Concernant Nantes, l’urbanisme est au contraire plus diffus (urbanisme « en tache d’huile ») qu’à Rennes et la part modale de la voiture plus élevée.
Concernant la part modale du vélo à Orléans, les différences tiennent pour partie à la date des enquêtes (ce qui minore en particulier les résultats de Chambéry) et, dans le cas d’Orléans, au fait qu’il s’agit d’une enquête « allégée », avec une méthodologie un tout petit peu différente. Ceci est détaillé dans le rapport de l’étude, à la page 105 pour Chambéry et à la page 9 pour Orléans.

Adrien
1 année

Tous ces chiffres peuvent être précieux, tant pour des militants associatifs que pour des élus ou des chercheurs.
Deux remarques :
1 – On a ici un argument en or contre les commerçants pro-voitures des centre-villes : le faible usage de la voiture est corrélé à la bonne santé du commerce de centre-ville. Même si ça ne prouve pas tout (car il peut y avoir d’autres facteurs favorables au commerce dans les villes concernées), ça démontre au moins que leur raisonnement « moins de voitures, moins de clients » ne tient pas la route.
2 – La part modale du vélo, en France, en général, reste objectivement ridicule, même si elle augmente. Mais que faut-il donc faire pour que les gens utilisent vraiment le moyen de déplacement le plus simple et efficace en milieu urbain ? Ou pour que, au moins, ils abandonnent leur habitude d’utiliser celui qui est le plus encombrant, lent et nuisible en ville ? Il faudrait se décider rapidement à limiter le nombre de voitures en ville (à coup de zones vraiment interdites, sauf exception pour usage vraiment justifié, et pas à coup de zones qui autorisent largement les autos tant qu’elles ne sont pas trop vieilles…).

Pierr Charlo
1 année

Comme dit dans l’article d’Isabelle et le vélo il s’agit de corrélations. Ainsi, ça ne dit pas quelles sont les causes de ces corrélations, d’autant plus que le développement de l’utilisation « du vélo est bien multi-factoriel ».

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