jeudi, 17 mars 2011
Jean-Charles Poutchy-Tixier retourne à la campagne
Il a l’air du notable de petite ville qu’il n’a pas voulu être.
Il a l’air un peu lourd, voire un peu lent, et pourtant il est un écologiste pragmatique de la première heure.
Il est né à Marseille et finit sa carrière à la Défense, alors qu’il n’aime pas la ville.
Il travaille pour le vélo, mais il ne roule pas à vélo.
Avec son départ, la mission nationale du vélo perd sa cheville ouvrière. Il n’est même pas sûr qu’il soit remplacé.
Celui qui ne voulait pas être notable
Va-t-on reprocher à Jean-Charles Poutchy-Tixier d’avoir décidé de quitter l’Ardèche lorsqu’il s’est aperçu qu’il y était devenu un notable ? Eh oui, le policier qui l’a reconnu dans sa vieille 2CV, alors qu’il rapportait du matériel pour ses panneaux solaires, et lui a fait signe de passer malgré le barrage routier en place, ce policier, donc, a fait perdre au département un artisan efficace de l’accueil des nouvelles entreprises, et du travail conjoint Etat-collectivités. Privat, en effet, était passée de 9 à 57 entreprises en 13 ans de présence de J. Ch. Poutchy-Tixier, à divers postes de la DDE puis à la Ville.
Des faits d’arme de cette époque il en a une brouette pleine. Il fait poser, par exemple, des glissières en bois, qui ne troublent pas (par leurs reflets) certains oiseaux, mais n'étaient pas encore homologuées. Le réaménagement de la RN 104, en particulier dans sa traversée des villages de Saint-Julien en Saint-Alban et de Flaviac, fut aussi une grande histoire. Hélas, les dispositifs inventés à cette occasion étaient tellement délicats à mettre au point qu’ils n’ont pu être homologués, et d’ailleurs les récents travaux de réhabilitation les ont largement estompés. Pensez-donc, ils avaient notamment inventé des « dos d’âne spécial poids-lourd » de 17 m de long… Ni homologué, ni conservé ...
Les pays musulmans, les émeutes, les guerres
En 1987 notre homme se pose donc un tas de questions existentielles, et c’est le directeur du STU qui lui propose alors de partir en Algérie sur un « contrat de coopération sur objectif ». Il s’agissait de créer et animer des formations de 4 mois, dans tout le pays, tendant à l’adoption d’approches globales en aménagement, urbanisme, construction et environnement. Ca a été repris par les Ponts, mais pour l’Algérie tout fut arrêté lors des émeutes de la semoule, suivies des élections, l’arrivée du FIS et la guerre civile…
Il se retrouve alors le seul homme correspondant au profil pour être envoyé en Arabie saoudite : venant d’un pays musulman, sans enfant… Il y est envoyé malgré lui («un pays où les femmes n’ont même pas le droit de conduire!») et s’y occupe de normalisation dans le secteur du bâtiment, histoire de ne pas laisser la place à d’autres. Est-ce toujours le cas ? A cette époque, l’exigence de qualité y était très importante, car il était impossible de s’assurer : les religieux considéraient que l’on ne devait pas aller contre la volonté de Dieu que le bâtiment s’écroule. J.Ch. Poutchy-Tixier s’occupe aussi de requalification des voies urbaines, de façon à ce que les villes du golf ne se transforment pas en villes américaines… tout se termine avant terme, lors de la première guerre du golf.
Urbanisme, réhabilitation, reconversion, développement durable, et… faillite.
La Ville de Nantes le sollicite alors, par l’entremise de Yan Le Gal, qu’il avait fait venir en Algérie. L’Etat s’oppose à ce détachement, et nous voilà au centre interrégional de formation d’Aix-en-Provence, puis à la politique de la Ville dans le département de l'Aveyron. Il remplit alors diverses missions, notamment la résorbtion de l’habitat insalubre (création de logement social dans l’ancien) du centre-ville de Millau ou la reconversion du bassin minier de Decazeville.
Deux ans de disponibilité plus tard il a pris le bouillon avec son bureau d’études Resopole. Il y faisait du développement durable dans la construction et les routes. Ça commence à faire pas mal de coups, non ?
Le développement durable pour les routes, et les félicitations venues d’Amérique
1999 le voit revenir à la «maison-mère». Il devient, enfin, le premier chargé de mission «Développement durable» de la Direction des routes. Il s’y occupe de déplacements non-motorisés, de participation du public, de dialogue avec les associations...
Son rapport « Transport durable » (1), préparé pour l’association mondiale de la route, est oublié sous une pile dans le bureau du ministre, jusqu’à ce que le vice-président américain Al-Gore félicite la France pour sa remarquable qualité …
(1) de son vrai nom : "Processus de décision pour un transport durable tenant compte du développement économique et social, de l'environnement et de l'aménagement du territoire", janvier 1999; version anglaise février 1999. Après approbation et traduction également en espagnol, il a été présenté au congrès mondial de la route qui s'est tenu en octobre 1999 à Kuala Lumpur (Malaisie).
Enfin, le vélo
Notre écologiste pragmatique et constructif arrive finalement au vélo via la conférence mondiale sur la mobilité non-motorisée, qui s’est tenue à New-Delhi en novembre 2001. C’est en Inde qu’il découvre que fluidité et mélange peuvent faire bon ménage, et c’est là qu’il commence à travailler au conseil général du développement durable, avec des personnalités telle que Dominique Bidou. C’est là qu’il participe aux travaux de « Voirie pour tous », et qu’il est le rédacteur du rapport. On y parle peu de vélo, me confesse-t-il, car celui-ci bénéficiait déjà de bons porte-paroles : la FUBicy, le CVC, le rapport Lebreton …
Arrive Hubert Peigné, et les voilà chargés à la fois du lancement du code de la rue, de la fin de Voirie pour tous, et de la coordination de la « politique » du vélo. Ça fait lourd, et difficile, car ils n’ont ni autorité ni budget et que leur équipe est fantomatique. Nagett Laïfa, leur extraordinaire secrétaire «qui faisait le boulot de 3 chargés de mission», leur a été retirée, les autres sont ailleurs et à temps plus que partiel. Même le site internet de Monsieur vélo a subi de longues interruptions dues à des restructurations décidées plus haut …
Retour à la campagne
Avant de quitter les lieux et de rejoindre son sud rural (Jouques, dans le pays d'Aix et le Grand site Victoire, Bouches du Rhône), J. Ch. Poutchy-Tixier aura réussi à y remettre un peu d’ordre.
Quant à la suite … nous verrons bien !
Pour lui, le vélo va dans le sens de l’histoire. Mais si l’Etat affichait un message clair, ce ne serait pas plus mal…. Comment accepter qu’il ne soit pas exemplaire, notamment là où il exerce sa tutelle, ne serait-ce que dans les établissements publics d’aménagement (Marne-la-Vallée, La Défense…) ?
Pour ce qui est d'une vision globale et partagée, tablons sur le futur IDRRIM, Institut des routes, rues, infrastructures pour la mobilité, qui réunira l’Etat, les associations de départements, de villes, de collectivités, les organismes de recherche, les professionnels…
Le milieu cycliste ne facilite pas les choses, remarque-t-il, il ressemble encore à celui des écologistes d’autrefois : divisé entre intérêts divergents, déchiré par les jalousies, clivé entre absolutistes et relativistes, entre défenseurs du vélo et porteurs de vision urbaine…
Mais bon… il faudra déjà voir ce qu’il va se passer à la fin de l’année. Car avec le départ de Hubert Peigné, c’est toute la mission qui aura disparu. L’Etat aura-t-il un sursaut ?
Isabelle Lesens
Les témoins
- Dominique Bidou, DBDD
- Yan Le Gal, Directeur d'études et de projets à l'AURAN
Agence d'Urbanisme de la Région Nantaise
- Hubert Peigné, Coordonateur Interministériel pour le Développement de l'Usage du Vélo.
- Catherine Chartrain
Aucun n'a su ce que j'avais écrit ou ce que contenaient les autres témoignages ! Is. L.
Alors vous le voulez avec ou sans barbe ? (photos : coll. JCPT)
03:12 Publié dans Personnalités | Lien permanent | Commentaires (0)
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