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lundi, 07 octobre 2013

Martin Tironi démystifie les Vélib’

vlsLe vélib’ n’est pas le truc mastoc auquel vous pensez, car sous ses airs d’envahisseur se cache une grande fragilité.
Martin Tironi a consacré sa thèse de « Socio-économie de l’innovation » au Vélib’, et singulièrement au facteur humain, ou, plutôt, à l’influence de l’humain, techniciens, clients, voleurs... sur l‘évolution du système technique. L'informatique ne fait pas tout !


En observant les opérateurs de la maintenance et les régulateurs, Marin Tironi s’est aperçu du fait que le système Vélib’ était fragile et que les réponses techniques qui y sont apportées relevaient du tâtonnement.

vlsBien sûr il n’a pas accédé aux dossiers techniques ultimes, il n’empêche qu’il s’est longuement attardé sur la pièce en apparence mineure qu’est la patte d’attache, objet qui a beaucoup été cassé délibérément. Point d’algorithmes pour son renforcement, point de savants calculs, mais des essais aboutissant à des compromis, le moins attendu étant du reste de laisser en circulation toutes les solutions ! Vous parlez d’un bureau d’ingénieurs ? Peut-être, mais avec le souci prioritaire de l’efficacité, pas du beau geste. Ici l'efficacité c'est de laisser plusieurs modèles ... et cette idée, elle ne vient pas des ordinateurs.

vlsDe même ce sont les usagers qui ont mis au point un code pour signaler les vélos en panne (la selle baissée et retournée) coopérant ainsi à la maintenance. La régulation (répartition, réapprovisionnement des stations) elle aussi relevait d’un système informatique très centralisé, et ne fonctionnait pas vraiment. Aujourd’hui les régulateurs ont toute leur place, avec leur connaissance du terrain, et n'ont recours au système centralisé, via des tablettes, qu'en appui.

M. Tironi a donc fait sa thèse à la croisée des Sciences, Technologies et Société (STS), et des études urbaines, sur un objet bien plus détournable que ne le sont autobus et bancs publics, et sur des usagers vus à travers le prisme de l’objet.

Ce faisant il a montré à quel point les soutiers étaient vitaux pour la bonne marche du système, et donc pour le fonctionnement de la ville. Les réseaux de la ville moderne ne fonctionnent que parce que les «invisibles» sont là, explique-t-il. Son idée est bien d’ "explorer les immobiles de la mobilité, c’est-à-dire, ces savoirs, techniques et pratiques qui non seulement circulent dans la ville, mais la font et la fabriquent également."

vlsLe jury n’a pas tari d’éloges, tout en soulignant (ils en veulent toujours plus !) que Martin Tironi n’avait pas exploré les autres interactions entre vélib’ et ville. Par exemple les services contentieux, le suivi et le contrôle exercé par la Ville de Paris, les négociations, ni même les liens entre cet objet qui roule et son contrôle par l’informatique et la carte à puce. Il n’a pas non plus retracé l’histoire conflictuelle de JCD avec ses concurrents, ni sa position de monopole dans de nombreuses villes. S’il a été accueilli au sein de la société, côté ateliers de maintenance et équipes de terrain, il n’a pu s’en tenir qu’à ce qu’on a bien voulu lui montrer. Aucun représentant de la société n'a assisté à la soutenance (qui a duré plus de 3 heures !!!), mais il ne faut pas s'y fier. Les contacts sont maintenus, la thèse est lue, cette note aussi, certainement. 

C'est vraiment l’expertise des agents de la base qui a frappé Martin Tironi; elle est directement corrélée à la vulnérabilité du système, qui, loin d'être une oeuvre verrouillée, n’a cessé d’évoluer depuis son installation il y a 5 ans à Paris. Tout n’est pas modélisable, et c’est encore une fois le facteur humain qui rend possible la mobilité du 21° siècle, conclue-t-il. C’est bien de la socio-économie de l’innovation à la croisée des études urbaines et des études sur les sciences et technologies.



-- Aujourd’hui Martin Tironi participe, au sein du Centre de Sociologie de l’Innovation (Ecole des Mines) à un projet post-doctoral intitulé MEX-VEL, portant sur le marché du véhicule électrique avec Autolib’ et Twizy Way (*) comme cas d’étude.

(*) Twizy Way : Service de véhicules électriques en libre service mis en place à Saint-Quentin-en-Yvelines. L’expérience compte une flotte de 50 voitures électriques en libre-service sans station fixe. 


Publications
de Martin Tironi sur le site de l'école des Mines. Sa thèse y sera disponible fin octobre.

 

 

La ville comme expérimentation : le cas du Vélib' à Paris

vlsDirecteurs de thèse : Madeleine Akrich et Antoine Hennion, centre de sociologie de l'innovation, école des Mines de Paris.

Jury :

          • Mme. Alexandra BIDET, Chargée de recherches, CNRS. Centre Maurice Halbwachs, ENS Paris
          • M. Dominique  BOULLIER, Professeur, Medialab, SciencesPo Paris                          
          • M. Olivier COUTARD, Directeur de recherche CNRS, LATTS, ENPC-ParisTech         (Rapporteur)         
          • M. Jérôme DENIS, Maître de conférences en sociologie, SES, TELECOM-ParisTech
          • Mme. Albena YANEVA, Reader in Architecture, School of Environment and Development. U. of Manchester (Rapporteur)
          • M. Antoine HENNION, Directeur de recherche, CSI, MINES-ParisTech

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Résumé officiel
Cette thèse examine le processus de déploiement du service Vélib', l'infrastructure de vélos publics de Paris. En se penchant sur les multiples épreuves, pratiques et enquêtes qui rendent possibles le maintien et la permanence de l'infrastructure, elle développe l'argument selon lequel Paris, la première capitale dotée d'une technologie de vélos publics de grande ampleur, est devenu un terrain d'exploration où sont testés des savoirs et instruments relatifs à l'écologie urbaine, les utilisateurs et la mobilité. Il est montré que le devenir expérimental du service n'a jamais constitué une politique explicite, mais qu'il est le résultat de manières concrètes de concevoir et d'affronter les problèmes qui sont apparus. Plutôt que de partir d'une définition préexistante et parfaitement délimitée de ce qu'est l'objet Vélib', cette thèse analyse le dispositif à partir des opérations hétérogènes d'entretien qu'il nécessite, en montrant que chacun de ces arrangements fait agir le service différemment. Cette démarche, qui consiste à étudier le programme de vélos en libre-service en actes, tel qu'il se fabrique dans le travail ordinaire de tous les jours, contribue à ouvrir la voie à un nouveau registre des études sur la mobilité, et à élargir les questions sur les agences, les agencements et les activités qui configurent et fabriquent les infrastructures urbaines.

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