Isabelle et le vélo

Née en 1989, l'association parisienne Réseau Vert entendait obtenir la création d'un réseau d'une dizaine d'axes "verts", la plupart de périphérique à périphérique, dont deux se seraient croisés dans chaque arrondissement. Dans son livre "Entrez dans le Réseau Vert", les rues étaient repérées, le type d'aménagement indiqué, photos et dessins tentaient de crédibiliser le tout.

Le Réseau Vert est une idée de rues secondaires à l'échelle de la ville de Paris, où la priorité aurait été donnée aux jeux des enfants, à la conversation, à la verdure ... et aux vélos. Parmi les cyclistes de l'association aucun pourtant n'aurait pris le risque de se prendre un ballon dans les roues ou de se faire renverser par un promeneur inattentif. En matière de déplacement à vélo le "plan Tibéri", qui dès 1995 a aménagé au contraire les axes les plus circulés, à la demande des cyclistes, était bien plus efficace.

En 2001 Jean-Luc Dumesnil, un des fondateurs non-cyclistes, accède à l'Hôtel de Ville pour travailler avec l'écologiste Denis Baupin, adjoint à la voirie et aux déplacements. Ils tentent de faire naître ne serait-ce qu'un bout de réseau vert. Ça se termine par la moitié d'un demi-axe expérimental, sur la rue Saint-Denis, déjà piétonne, minérale et d'ordinaire bondée (et donc inutilisable comme axe cycliste), et quelques prolongements en zig-zag. Ils s'étaient pourtant donné du mal. Des totems avaient été posés, des études réalisées... Ça rejoignait les bords du canal Saint-Martin, devenus "axes de promenade" sans moteurs chaque dimanche sans autre forme d'aménagement.

Déjà, quelques années avant, Nitzia Falocci, totalement non-cycliste, première présidente de l'association puis élue écologiste au Conseil régional, avait remporté une victoire linguistique. La ligne budgétaire "pistes cyclables" fut un temps dénommée "Réseau Vert et pistes cyclables", sans incidence très visible sur la réalité, mais au risque de contribuer à la régression de la conception du vélo, passant de mode de déplacement à mode doux.

En 23 ans, six présidents se sont succédés. Le dernier, absent vendredi, aura été Philippe Cazalis. Avant lui, deux sont décédés (Marie-Thérèse Pagel et Philippe Piot), l'une est passée à autre chose (Nitzia Falocci), trois peuvent encore vous raconter (Yves Godard, Sabine Ensslen, Henry Faÿ). 

Mais c'est parmi les membres (cyclistes) les plus actifs que l'idée peut se renouveler. Car les notions de ville apaisée, de rue pour jouer, de zone 30, d'aire piétonne et de zone de rencontre … sont plus que jamais d'actualité, bien que n'ayant pas vocation à former réseau. La notion de réseau express vélo, aussi, est d'actualité ... mais le "réseau vert" ne risquait pas d'en faire partie, pour le coup.

Pour ma part j'attache au moins autant d'importance à l' "express" qu'au "vert", ou, dit autrement, j'aurais volontiers soutenu le Réseau vert s'il n'avait pas prétendu être un réseau cyclable mais seulement ce qu'il pouvait devenir, un lieu propice au jeu et aux relations de voisinage.

Voir aussi : février 2014, Réseau Vert Vaincra