Isabelle et le vélo

Le président de la communauté de Saint-Quentin en Yvelines, le maire de Guyancourt, le président de Fiat, seront jugés vendredi prochain 4 septembre par le tribunal correctionnel de Versailles pour homicide involontaire. Ils sont attaqués par la famille, la Ligue contre la violence routière, la FUBicy (fédération) et MDB (association locale de cyclistes urbains).

Madame Machu, une cycliste, est décédée en avril 2007 des suites de l’ouverture d’une portière de voiture.

Evidemment, la conductrice de la voiture est citée à comparaître. Elle n’a pas fait attention. Soit.

Mais peut-on lui mettre sur le dos le fait qu’il y avait un marquage axial continu (non-franchissable en droit) ? Est-elle responsable de l’absence de prise en compte des cyclistes sur cette rue récemment rénovée, bien qu'elle soit fort utilisée par les cyclistes ? Est-ce de sa faute si malgré la présence de crèche, habitations et autres, cette rue a été aménagée «basiquement», alors-même que d’autres rues similaires de la commune ont reçu des bandes cyclables ? Pouvait-elle savoir que les ouvertures de portières sont la principale cause des accidents de cyclistes, et qu’on peut les éviter en amont ?  Non, ont pensé la famille et les associations. Ils souhaitent tirer la sonnette d’alarme :

• Auprès des constructeurs d’automobiles qui devraient attirer l’attention des acheteurs sur ce sujet, et sans doute mettre des portières différentes (qui s’ouvrent en deux fois ? qui font du bruit à l’ouverture ?...)

• Auprès des responsables municipaux, qui devraient toujours réfléchir avant d’aménager, toujours aménager pour tout le monde, et tenir compte des données connues de facteurs dangereux. "Le but n'est évidemment pas d'envoyer quiconque en prison. Ce qu'on veut, c'est que les besoins des cyclistes soient pris en compte dans les aménagements. Il ne suffit pas de tracer des kilomètres de pistes cyclables ou de calquer des solutions toutes faites" a déclaré Kiki Lambert, la présidente de MDB.

 

------------------------------ Après l’audience, premier témoignage -------------------------------

(mis en ligne le 4 septembre vers 17 h 30)

0 Lorsque, dès le début, la Présidente a dit à la conductrice qu’elle avait possédé une FIAT punto et qu’elle avait aussi constaté que la portière s’ouvrait toute seule, on a pensé que quelque chose d'inhabituel allait se passer.

L’audience a duré deux heures, ce qui est déjà une satisfaction,  car une audience pour un homicide d’accident de la route dure en général à peine une demie-heure.
La plaidoirie de Maître Bedossa, l'avocat des parties civiles, a été sobre et efficace. Elle a clairement demandé à la Présidente de faire œuvre d’innovation, et celle-ci l’a fait !! Maître Bedossa a également souligné que le tribunal devait se sentir concerné après l’accident mortel en Vélib d’une de leurs collègues magistrats (accident survenu le 7 août).
Puis, il y a eu l’intervention de Jacques Robin (ligue contre la violence routière) très efficace avec ses deux agrandissements de photos.

0 Il y a eu aussi l’avis du procureur qui n’a pas pris position sur les citations à comparaître que les parties civiles (LCVR, FUBicy, MDB et la famille) ont formulées mais a estimé qu’elles étaient légitimes. Il faudra revenir sur les plaidoiries des avocats adverses car elles sont pleines d’enseignements.

0 Voici finalement le jugement pénal annoncé par la Présidente du tribunal : Elle a relaxé la conductrice au bénéfice du doute.

0 La Présidente n’a rien dit pour ce qui concerne la mairie de Guyancourt, la communauté urbaine de Saint-Quentin-en-Yvelines et FIAT : Elle n’a pas prononcé de relaxe, ni dit qu’il n’y avait pas à donner suite, ni rejeté les demandes de condamnations. Une omission qui ouvre la porte à beaucoup d’interprétations et ferme aussi la porte à toute possibilité d’appel d’un côté comme de l’autre, semble-t-il.
En cela, la Présidente a fait preuve d’innovation même si les puristes en droit sont probablement perturbés.

0 Le tribunal a estimé que la responsabilité de la conductrice n’était pas totalement démontrée. De fait, ce doute du tribunal devrait rejaillir sur le constructeur : la portière aurait donc pu renverser la victime contre la volonté de la conductrice. Elle devrait aussi rejaillir sur la ville et la communauté urbaine : l’aménagement de la route aurait pu être défaillant.

C'est précisément ce que souhaitaient les parties civiles.

 

Pour la première fois, il fut traité de l'aménagement et des constructeurs; pour la première fois l'automobiliste ne porte pas -si commodément- l'entière responsabilité de la violence routière. Pour la première fois dans un tribunal, les sujets ont été posés.

 

* Le dossier complet est sur le site de la FUBicy

** MDB propose un compte-rendu d'audience et des analyses sur son site (20 octobre 2009)