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mercredi, 12 décembre 2012

Casque : Jean-René Carré répond + d'autres infos sur le sujet

casque,sécuritéCasque : l'affaire est entendue. La réponse de Jean-René Carré est suivie par l'avis de Francis Papon. Pour tous les deux, le casque n'est tout simplement pas la bonne question, et encore moins la bonne réponse.

Je suis heureux de constater que cette info sur le casque (Ouf, mon casque n'a rien !, 20 novembre) relatée sur le blog “Isabelle et le vélo » a suscité bien des réactions. Et je remercie ces internautes pour leur contribution au débat.

Ma réponse s'articule en 4 points :
- la protection apportée par le casque
- les conditions historiques de la promotion du casque
- les causes des chutes
- les choix de société quant à la notion de protection.


Le casque protège-t-il ?
EN RESUME : Compte tenu de son poids qui ne pourra jamais excéder 350 grammes (maxi compatible avec l’effort à fournir), et de sa conception en  forme de chapeau, le casque cycliste actuel est : 

1° incapable d’apporter une protection efficace en cas de choc à une vitesse supérieure 20 km/h.
Il n’apporte donc aucune protection en cas de collision avec un véhicule à moteur. Les autopsies des cyclistes tués lors de tels accidents montrent qu’ils sont des poly-traumatisés qui n’auraient pas survécu -même si la tête avait été efficacement protégée (cf l’étude duDr Kennedy en GB – in Velocity Nottingham ?).

 2° en cas de chute du cycliste-seul, à faible vitesse, le casque apporte une “certaine” protection, mais cette protection est très faible pour les chocs obliques-temporaux ou frontaux (qui sont prédominants) ; et elle exige dans tous les cas  que la jugulaire soit maintenue très serrée (ce que font rarement les cyclistes en raison de l’inconfort que cela occasionne).

Les circonstances historiques de la promotion du casque
Mais il est nécessaire aussi de revenir sur les circonstances historiques qui ont mis le casque cycliste sur les devants de la scène sécuritaire.

La promotion du casque vélo est le fruit d’une campagne menée dans les années 1990 par les Centers For Diseases Control d’Atlanta (USA). En effet, les CDC – pressés par le Congrès de lutter contre la montée des morts violentes aux USA (accidents de la route et morts dues aux armes à feu), ont choisi pour cible les cyclistes pour ne pas avoir à s’affronter aux lobbys trop puissants de l’industrie automobile et de la National Rifle Association.

La stratégie explicite des CDC (cf Velomondial, Montréal 1992) était la suivante :

1° promotion,
2° augmentation à 40 % des cyclistes casqués,
3° OBLIGATION (but final). 

Qui fait des chutes ?
Il convient également de voir que les chutes de simple hauteur occasionnent chaque année en France des milliers d’accidents graves et sont responsables de plusieurs milliers de décès. Ces chutes sont pour l’essentiel le fait de personnes seules circulant à pied et souvent même hors voies publiques.

Faut-il pour autant préconiser le port d’un casque du matin au soir à toute la population française ?

Les choix de la société en matière de protection
Sous cette question du casque, le problème de fond est un choix de société.

L’individu doit-il prendre à sa charge -et par tous les moyens- sa protection contre les risques que les développements de certaines activités sociales lui font courir ? Ou la société doit-elle prendre les mesures pour protéger elle-même la masse des individus contre les risques que ces activités leur font courir ? 
En matière d’accidents de la circulation, il est légitime de considérer que la société qui a favorisé le développement de l’automobile, doit en assurer la responsabilité et prendre les mesures sociales pour réduire au maximum les risques de l’automobile fait courir à l’ensemble de la population.

Ces mesures sont connues : limiter les vitesses des voitures à la construction, contrôler mieux et sanctionner plus les conducteurs fautifs, prévoir à la construction des automobiles des dispositifs de protection pour usagers « vulnérables » : les piétons et les cyclistes.  

* Je précise enfin «d’où je parle» : j’ai mené pendant plus de vingt ans (1984-2004) de nombreuses recherches sur les accidents de la route (et particulièrement sur les accidents cyclistes), ainsi que sur le comportement dans la circulation des automobilistes et des cyclistes (voir notamment l’étude Inrets- RESBI, une des premières au monde avec caméras embarquées sur le vélo). Je connais parfaitement l’abondante littérature scientifique sur ces sujets et en  particulier celle qui concerne le casque cycliste. 

Mais tout au long de ces années de travail sur la sécurité des cyclistes, j’ai aussi appris à savoir que rien ne pourra convaincre ceux qui ont foi en l’espoir de « se sauver tout seuls » (par des moyens purement individuels, en oubliant la dimension sociale du problème). 

 Jean-René Carré
novembre 2012


  • Le chercheur Francis Papon pense de son côté que "l'efficacité des casques pour protéger les cyclistes de blessures graves à la tête (...) est largement admise.". Mais il s'interroge sur les effets de "compensation du risque" qui peuvent "accroître le risque pris par les cyclistes casqués, et par les automobilistes à l’égard des cyclistes casqués."

"L’effet le plus pervers peut être le fait que les politiques sur le casque pourraient réduire le nombre de cyclistes, en augmentant ainsi l’insécurité pour les cyclistes restants, car plus il y a de cyclistes, plus le risque individuel pour chaque cycliste est faible (Jacobsen, 2003)".

De plus, " les cyclistes réguliers portant toujours un casque ont une probabilité de faire un déplacement à vélo le jour de référence divisée par 2,4, un nombre de déplacements à vélo divisé par 3,1, un temps total de déplacement à vélo divisé par 1,4, par rapport aux cyclistes réguliers ne portant jamais de casque, sans différence significative pour les cyclistes occasionnels", ce qu'il résume par "Le casque : si on le porte on fait moins de vélo".

Il invite donc les autorités à ne pas se tromper de cible et à plutôt agir sur les causes de l'insécurité, "positionnement sur la chaussée, angles morts des véhicules longs, éclairage des vélos, visibilité des cyclistes, règles de priorité, etc.), et sur l’aménagement général de l’espace public favorisant une coexistence pacifique des modes de transport."

(Le retour du vélo comme mode de déplacement, mémoire de synthèse pour l'habilitation à diriger des recherches, juillet 2012.)

08:00 Publié dans Réglementation | Lien permanent | Tags : casque, sécurité, papon

 
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