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jeudi, 16 janvier 2014

En mémoire de Jean-Paul Lacaze

AVT_Jean-Paul-Lacaze_7062.jpegJean-Paul Lacaze est mort le 12 décembre 2013. Il a été enterré à La Mourre, dans le Var. Il aura été bien plus que le professeur, l'auteur, le directeur, l'urbaniste d'Etat que l'on connaît.

(photo tirée de Babelio)

 


Je n'ai connu M. Lacaze que sur le tard, et j'étais régulièrement étonnée de trouver si plaisant de le rencontrer. J'avais une excuse, on m'avait donné de lui l'image d'un professeur intransigeant, directeur des études en urbanisme à l'école des Ponts, en 1970. Il avait d'ailleurs un physique tout à fait crédible pour le rôle du méchant, grand, mince, peut-être maigre, le poil noir … un physique à la Dali, par exemple, un physique d'homme du sud. Le peu que j'ai eu la chance de le fréquenter, ces années-ci, je l'ai pourtant toujours trouvé délicat, patient, n'hésitant pas à expliquer, et pas du tout prétentieux ou fier de lui.

L'homme de 4 passions
Ce 11 janvier, le père Francis Kohn, lors de la messe qu'il présida en sa mémoire, en l'église de la Trinité, sa paroisse parisienne, l'a présenté comme l'homme de 4 passions : pour la ville, pour le bien commun, pour sa famille, et pour la musique.
En effet M. Lacaze fut le patron, notamment, d'établissements publics comme celui du Vaudreuil ou de la Défense, il fut aussi celui de l'ANAH, agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Son appartement parisien, élégant et chargé, témoignait de son raffinement, et un piano l'attendait dans l'entrée.

photo redécoupée.jpgDe sa vie professionnelle on sait beaucoup. Il était Polytechnicien, ingénieur en chef des Ponts et chaussées, il fut un des premiers urbanistes, aux débuts de cette discipline en France. Vous avez noté qu'il s'est occupé de deux territoires sur dalles, où les voitures sont rejetées en dessous et en périphérie. Il n'était pas de la génération des urbanistes de la rue et du vélo, mais il l'était de l'espace public et des montages juridiques et financiers complexes.

Photo : La Défense Histoire et histoires, de Patrick Demeyer, 1ère édition, brochure commandée par l’EPAD et éditée en 1991. La photo date de 1978. Coll. Y. Egal.

Urbaniste du réel

Marc Sauvez, qui l'a eu comme enseignant à l'atelier d'urbanisme de l'école des Ponts en 1968 et l'a souvent croisé ensuite (1), aime à expliquer que Lacaze et lui ont été des urbanistes du réel. L'un comme l'autre ont combattu ce qu'ils appelaient l'urbanisme sentimental, ou d'intention, c'est-à-dire un urbanisme de bons sentiments «pour le peuple», mais sans précautions financières ni même opérationnelles. Ils ont voulu mettre les mains dans le vrai cambouis, faire de l'urbanisme "là où c'est foutu". Ils ont voulu donner de la valeur aux quartiers qui n'en avaient pas. S'ils n'ont pas eu l'occasion de travailler ensemble, ils se reconnaissaient dans ces valeurs, et, dans les colloques et débats au sein du ministère de l'Equipement, ils regrettaient tous deux la tendance du ministère à se complaire dans des images (architecturales) ou dans des normes (administratives et financières).

 

Urbaniste toujours
J'ai entendu en 2006 Jean-Paul Lacaze prononcer une causerie sur la crise du logement, à laquelle il voyait plusieurs causes : la décentralisation de l'urbanisme, qui a provoqué la raréfaction des terrains à construire ; la taille des ménages, qui diminue ; l'urbanisme malthusien, avec l'incitation à "construire la ville sur la ville" ce qui est plus coûteux;  l'impératif de maîtrise de l'urbanisation au nom du développement durable. Pour lui, la limitation de la consommation d'espace avait bon dos, et ses conséquences étaient notamment les problèmes de logement des jeunes, même avec deux salaires, principalement disait-il en Ile-de-France et en PACA, région où s'exerce en plus la concurrence des riches retraités et des résidents secondaires.

Pour lui l'étalement urbain (si décrié aujourd'hui) a eu le mérite de sauver de la mort des milliers de petites communes. La crise du logement freine la mobilité, nous avait-il montré, et en construisant trop peu on se prive d'un moteur économique. Il préconisait d'encourager la mise sur le marché de nouveaux terrains à bâtir et d'avoir à nouveau recours à de grandes opérations. Tout sauf de l'angélisme, me semble-t-il.

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Lacaze-livre.jpg


Curieusement je n'ai guère trouvé de photos de J. P. Lacaze sur la toile, à part celles que l'on trouve sur le blog de M. Jean-Charles Houel, ancien journaliste à la Dépêche de Louviers (2 articles). Il doit avoir une trentaine d'années... et elles sont aussi ridicules que possible ! Il n'y a pas non plus d'article sur Wikipédia, et peu d'hommages lui ont été rendus. J'ai récupéré une photo à peu près récente sur Babelioc'est celle du chapô. Côté publications, et bien qu'on soit en France, de M. Lacaze on ne trouve facilement qu'un Que sais-je ? intitulé Les méthodes de l'urbanisme.

Paris-Lacaze.jpgcouvertureLacaze.jpg


Il fut pourtant aussi l'auteur de : 

  • Introduction à la planification urbaine, Le Moniteur, 1979;
  • Les grandes friches industrielles, La Documentation française, 1986;
  • Aménager sa ville, les choix du maire en matière d'urbanisme, Le Moniteur, 1988;
  • Paris, urbanisme d'Etat et destin d'une ville, Flammarion, 1994.

J'en oublie probablement, mais il n'y a pas de source facilement accessible.

Documents : coll. Yves Egal 

Partageant avec plaisir 

Yves Egal (2), qui a travaillé avec lui fin 99 pour la rédaction du rapport "Villes - Campagnes. Et s'il n'y avait plus de différences ?" (association Espaces pour demain),  se souvient : "Je savais qu’il avait été directeur de l’EPAD, mais j’ai alors découvert un esprit vif et pragmatique, partageant simplement et avec plaisir son expérience et ses réflexions sur l’urbanisme."

 

Le père Kohn, qui était vite devenu un ami de la famille, avait fait sa connaissance après avoir dit qu'il avait travaillé à l'IAURP, Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne. Il l'a lui aussi bien mieux connu que moi, et plus sans doute que mes deux autres témoins. Je suis pourtant heureuse de pouvoir témoigner sur l'homme ... car, tout simplement, Jean-Paul Lacaze était un homme brillant mais aussi de fort agréable compagnie. C'est même curieux comme j'avais apprécié nos quelques rencontres. Malgré son allure anguleuse ? ...  Et puis, dans l'urbanisme, il y a le vélo, nous le savons bien. 




(1) Marc Sauvez aura été un des très rares professionnels français à travailler sur le vélo dans les années 70. Ses rencontres avec J.P. Lacaze ont plutôt eu lieu lors de ses fonctions ultérieures, de sous-directeur chargé de la planification et de responsable d'opérations concrètes sur des sites difficiles tels que Massy, Evry, Seine Amont, Saint Etienne ...  

(2) Yves Egal est ingénieur-conseil en écologie urbaine. Il réside avec passion à La Défense.


Commentaires

Le langage de l'urbanisme est devenu plus cohérent et plus fluide grâce à vos publications et votre travail assidu.

Écrit par : Hala | mercredi, 19 février 2014

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