vendredi, 28 octobre 2011
Hubert Peigné devient Monsieur Vélo honoraire
Hubert Peigné, coordinateur interministériel pour le développement du vélo, a pris sa retraite ce soir.
"Monsieur Vélo" aura été un acteur majeur du vélo en France depuis ce jour de 1994 où Michel Barnier, le ministre de l’Environnement, lui a demandé de « suivre » la politique du vélo. C'est Jean Chaumien, alors encore président de la FUBicy, qui l'avait introduit.
Suivre, ou anticiper ?
De « politique du vélo » il n’y en a pas eu alors, et donc, de "suivre", la mission est devenue de "proposer". Hubert Peigné se fit gardien de la flamme, sans que personne ne lui demande plus rien, et alors qu'il avait en plus son vrai boulot de directeur. Il a réuni régulièrement un « comité de suivi » comprenant un peu tout ce qui comptait dans ce domaine (associations, administrations, représentants des professionnels …). C’est seulement en avril 2006 qu’il fut nommé "Monsieur Vélo", et ce un peu malgré lui.
il vit son action comme un engagement. (Geneviève Laferrère)
Agir pour le vélo
Le rapport Le Brethon (mars 2004) avait notamment préconisé la nomination d’un "délégué vélo". Hubert Peigné avait proposé des noms, ça avait traîné, lui-même trouvait qu’il fallait du sang neuf et surtout des moyens. Il finit par accepter cependant, lorsqu’il sentit que ce serait lui ou personne. Et aussi qu’il risquait de perdre ce qui assurait sa légitimité pour parler de vélo, à savoir son travail sur la route... Depuis l’été 2002, il était en effet responsable du « collège Routes » du Conseil général des Ponts, chargé de donner des avis sur la politique routière nationale. Mais en 2006 a lieu le transfert d’une moitié du réseau… (mais ensuite il fut, pour le Congrès mondial de la route qui vient d'avoir lieu, président du comité technique consacré à la mobilité urbaine, le seul sur 20 qui s'intéresse à la ville... Enfoncer les coins les plus stratégiques !)
(Jean-Charles Poutchy-Tixier)
Améliorer la vie des gens
H. Peigné fut d’abord intéressé par la géologie, en ce qu’elle décrit ou explique comment fonctionne un pays. Il reste aussi passionné par l’architecture et l’urbanisme du XX° siècle, notamment en Allemagne, pour son attention aux détails de la vraie vie, pour sa capacité à satisfaire les aspirations individuelles sans nuire au collectif. En fait, ce qui intéresse Hubert Peigné, c’est de savoir comment les gens vivent et de découvrir ce qu’il faudrait faire pour l’améliorer.
Hubert Peigné, X Pont, dernier des 4 fils de parents agriculteurs, élevé chez les Pères, puis dans un des meilleurs lycées parisiens, nous révèle tout simplement que le vélo est un outil de liberté. "Le vélo est à la mesure de tout le monde, explique-t-il, c’est pourquoi il faut le promouvoir".
Elégant, discret, attentionné, respectueux ; il m’a rendu d’inestimables services secrets. J'adore son humour subtil ! (Isabelle Lesens)
De la complexité et de l'ouverture
De sa longue carrière de fonctionnaire, où il fut entre autres DDE puis DRE, il retient que toutes les personnes qui s’occupent de vélo ont élargi par paliers leur métier. Du vélo ils sont passés, qui à l’intermodalité, qui au monde scolaire, qui aux quartiers périphériques … Pour sa part, il s’était vite aperçu, en tant que directeur de l’agence d’urbanisme de Strasbourg (1977 à 79), que la ville était un sujet complexe qu’on ne pouvait laisser aux seuls ingénieurs.
Les deux qualités pour lesquelles Hubert Peigné accepte qu’on lui rende hommage sont humanisme et ténacité. On devrait peut-être ajouter discrétion et élégance, disponibilité et sens du service. Les innombrables associations qui l'ont reçu ne diront pas le contraire : H. Peigné ne refusait jamais de rendre service si cela pouvait porter des fruits.
Mais décrire sa carrière en devient difficile, alors même que tout un chacun sent bien que son rôle aura été essentiel.
Travailler avec les autres
Hubert Peigné est un champion du travail avec autrui. C’est Atout France qui fit étudier l’économie du vélo (Altermodal, 2009) et qui rendra bientôt publique une étude sur les attentes de la clientèle étrangère en matière de tourisme à vélo ; c’est la SNCF qui étudia ce qui se fait en Europe pour le transport et le stationnement des vélos, ce qui lui ouvrit les yeux sur ses propres qualités ; c’est la DATAR qui décida du financement des véloroutes. Ce sont bien les acteurs de terrain membres de l’union sociale de l’habitat qui comprirent leur intérêt de créer des garages à vélo… et qui le font. Et c’est bien l’ANAH qui propose depuis une dizaine d’années d’intégrer la création de locaux à vélos dans les programmes de rénovation. Encore faut-il qu’elle trouve preneur, et là, il n’y a pas grand’monde, même parmi les villes adhérentes au Club des villes cyclables … note Hubert Peigné.
Passionné, passionnant (de travailler à ses côtés).
Volonté, intelligence, passion, nouvelles façons de se faire rencontrer les gens. Trouver des partenaires, faire prendre la sauce, s’appuyer sur.
Avoir l’air de ne pas y toucher, avancer sereinement.
Charmant, plein d’humanité, plein de culture. Attention aux autres.
Art de diriger basé sur l’exigence réciproque, sur le respect, sur une grande écoute. N’élève jamais la voix. N'a pas craint d’ouvrir (les DDE) sur le monde.
Aller au-devant des autres. Partenariat. Travailler avec. (Francis Oziol)
Inertie, absence d'ambition, manque de compétence
De ces longues années il retient aussi ce qu’il appelle « l’inertie intellectuelle de l’Etat » (avec des exceptions, bien sûr). Mais il regrette autant l’attitude de certaines agglomérations (nombreuses) qui pourraient agir et ne le font pas. "Ce n’est pas parce que l’Etat est loin du compte que les collectivités devraient penser qu’elle n’ont qu’à attendre sans agir, ce qui est le cas aujourd’hui". Il déplore des prises de position simplistes et démobilisatrices de certains corps constitués dans ce domaine. Mais une ville va bien sortir du rang, prédit-il, et alors il y aura effet d’entraînement.
Il faudra aussi en finir avec notre faiblesse générale en « ingéniérie cyclable ». Il manque notamment le sens de l’écoute, le sens du détail, la réactivité et la faculté d’accepter de modifier ce qui ne fonctionne pas. Et là, bien sûr que l’Etat devrait être présent, car c’est bien lui qui devrait faire en sorte que la formation soit prodiguée comme elle devrait.
S’il ne sait pas pourquoi les responsables politiques n’ont pas d’ambition pour le vélo, il est sûr en revanche que "l’obstacle majeur, c’est la place de la voiture". Dans les têtes comme dans l’espace. "L’omni-présence de l’automobile empêche chacun de choisir son mode de déplacement."
Atypique, compétent, simple, courtois, ouvert. (Dominique Lebrun)
Bon, c'est pas'l'tout...
Hubert Peigné avait prolongé son contrat de 3 ans, pour finir sa mission au Congrès mondial de la route (enfoncer les coins ...). Au moment de passer le flambeau, il confie encore que pour lui la plus value pour laquelle les hauts fonctionnaires sont missionnés, c’est "les pauvres et les plus vulnérables au premier rang". Il a clairement dit qu'il n'allait pas rester dans le monde du vélo, alors on peut deviner à quel genre d'activité il compte se consacrer désormais.
Humain, tendresse, curieux, ouverture, honnêteté, humilité. (Brigitte Peigné)
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Il y a 40 ans ... ----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Et puisque son départ officiel a lieu la veille de son anniversaire ...
Bon anniversaire, Hubert ! et bonne année !
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Les mots pour le décrire. J'ai demandé à quelques personnes, seulement, de me dire 4 ou 5 mots, pas plus, pour décrire Hubert Peigné. Certains n'ont pas su s'arrêter ! Que tous ceux (la majorité !) à qui je n'ai rien demandé ne m'en veuillent pas et se rattrapent !
Photos :
Isabelle Lesens,
sauf : AEVV pour l'avant-dernière
et Denis Desailly pour la dernière.
Document : coll. particulière.
17:10 Publié dans Personnalités | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique cyclable
Commentaires
Un grand défenseur du vélo avec une vision réaliste, n'hésitant pas à regretter publiquement les dysfonctionnements auxquels les associations sont confrontées : idées reçues, manque de courage devant l'omnipuissance de la voiture, cloisonnement des décisions, méconnaissance du vélo par les bureaux d'études, réalisations calamiteuses.
Écrit par : PELLOUX Gilbert | vendredi, 28 octobre 2011
AAA +
Écrit par : ANC (Agence de Notation Cycliste) | dimanche, 30 octobre 2011
Bonne retraite et bon anniversaire, cher Hubert. J'ai eu beaucoup de plaisir à échanger avec toi. Ta belle attitude me rappelle un enseignement du judo, à transposer au vélo : la douceur est supérieure à la force.
Écrit par : Philippe Goirand | lundi, 31 octobre 2011
Il semble qu'il y ait eu une panne dans l'acheminement des commentaires de vendredi à dimanche. Si vous en avez été victime, je crois que la seule solution est de recommencer... merci.
Écrit par : Isabelle | lundi, 31 octobre 2011
Cher Hubert, bravo et surtout merci pour ces années à porter le flambeau du vélo! J'ai toujours apprécié nos rencontres et beaucoup apprécié, il y a quelques années, ta visite à Montréal pour nous expliquer les récents développements en France. J'espère que tu auras l'occasion de revenir. Fais-moi signe et à bientôt!
Jean-François Pronovost
Écrit par : Jean-François Pronovost | lundi, 31 octobre 2011
Cher Hubert, bonsoir, bravo pour toutes tes actions en faveur du vélo et des véloroutes et voies vertes, et pour ton énergie de militant du vélo, toi qui es souvent venu le samedi, en prenant sur tes week-ends, à l'assemblée générale de l'AF3V présenter tous les dossiers sur lesquels tu travaillais .
Merci aussi d'avoir montré qu'il faut oser s'attaquer à de gros dossiers pour faire prendre en compte le vélo par Voies Navigables de France, par RFF et la SNCF, par l'ONF, par les règlements d'urbanisme, par les bailleurs sociaux et privés, par les promoteurs, par les ports, les aéroports ... par la politique économique (plan de relance), par la politique des transports, par le code de la route ou mieux de la rue ... et j'en oublie!
Vraiment, c'était un plaisir de collaborer avec toi et de recevoir ton soutien, car tu nous montrais que tu croyais à l'utilité du travail citoyen des associations.
Écrit par : Julien Savary | mardi, 01 novembre 2011
Merci à toi, Hubert, pour tout ce que tu m'as apporté sur l'art et la manière de développer l'usage du vélo. Je retiens notamment que tu m'as dit dans le tram à Strasbourg (il y a déjà quelque temps) qu'en matière de vélo on n'a pas raison tout seul : il faut écouter les remarques de toutes les parties concernées.
Et merci à Isabelle pour cet article en particulier et son blog en général.
Écrit par : Thierry Delvaux | mercredi, 02 novembre 2011
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