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vendredi, 11 janvier 2013

Le vélo entre les 2 guerres

André Guillerme, professeur au CNAM, nous présente ici
la situation du vélo en France entre les deux guerres.

- Mode de locomotion 150 ansdes ouvriers chassés hors des villes, il subit entre les deux guerres des règles de plus en plus discriminatoires.

- C’est dans la région de Montbéliard qu’est alors réalisée la première «cycloroute» de France, aux caractéristiques à nous faire pâlir …


Essor du vélo et règles pénalisantes entre les deux guerres en France

Dans l’entre guerres, bien qu'étant de faibles dimensions, les bicycles sont estimés très gênants pour la circulation. Comparés aux automobiles ils sont écartés du centre de la chaussée parce qu'ils ne sont pas assez rapides, ils sont interdits de parcs publics parce qu'ils sont trop véloces et silencieux. Leur conduite est règlementée : depuis 1925, les bicyclettes à moteur dont la vitesse ne dépasse pas 30 km/h ont l'obligation d'avoir deux systèmes de freinage indépendants. Dès 1931, il est interdit de transporter des enfants ou des personnes sur des bicyclettes s’ils sont portés à bras et placés devant le conducteur ; chaque passager doit avoir un siège distinct. Enfin depuis 1933, toute bicyclette doit être munie d’un feu blanc à l’avant et d’un rouge à l’arrière pour se signaler dans l'obscurité.

Si à l'orée du siècle la bicyclette est le mode de locomotion, l'expression d'une liberté de mouvement, qui participe au développement de la culture du plein air et du paysage, si elle est alors prisée par la petite bourgeoisie urbaine, après 1920, popularisée par les courses et sa participation à la guerre, elle devient, avec l'essor des banlieues trop mal drainées par les transports publics, le moyen de transport de la classe ouvrière — d'abord des hommes — pour se rendre deux fois par jour du domicile au lieu de travail ou se déplacer rapidement dans un rayon moyen de cinq à six kilomètres. Dans les années 20 le poids et le prix du vélo se sont sensiblement allégés, les pneumatiques, normalisés. Le cycliste — mâle et jeune — transgresse les nouveaux interdits de la rue (sens uniques, giratoires) et faisant fi des réglements, il est, aux yeux de la police et des automobilistes, un danger en soi.


Le premier REV de France date de 1937

Quelques personnalités politiques souhaitent créer en France, dans les années 30, des voies cyclables ou cycloroutes le long des voies automobiles lorsque le trafic dépasse 500 vélos par jour en été. Elles se différencient cependant des pistes cyclables parce qu'elles ne sont pas élaborées dans l'optique d'une spécialisation modale des voies, ni conçues comme une solution au problème de la sécurité et de la fluidité de la circulation (comme en Hollande, Suisse ou au Danemark).

La seule région qui met vraiment en valeur cette voie est celle de Montbéliard. Là, l'urbanisme paternaliste des diverses maisons Peugeot — fabriquant de cycles et d'automobiles — et Japy — machines à coudre — consiste à disperser les établissements industriels dans des vallées de manière à permettre à la population ouvrière de se loger non pas dans de grosses agglomérations urbaines — il n'y a que deux communes de plus de 6 000 habitants parmi les 28 communes comprises dans le groupement d'urbanisme agglomérant environ 80 000 habitants — mais bien dans des communes semi-rurales ou des cités-jardins. Chaque famille est ainsi supposée bénéficier des avantages de la vie rurale.

Il en résulte en contrepartie un énorme développement de la circulation cycliste : pendant de la première autoroute, l’autostrade de Fiat à Milan, une cycloroute Sochaux-Audincourt, large de 4 m, longue de 3 km et entièrement indépendante de toute chaussée, est réalisée en 1937, sous l'impulsion des firmes Peugeot et Japy à l'emplacement d'un ancien chemin de fer d'intérêt local. Les accès riverains sont interdits (1) : une enquête effectuée en 1946 montre que 64% des ouvriers — soit au moins 15 500 — viennent à l'usine à bicyclette et parcourent quotidiennement en moyenne 10,1 km entre le domicile et le lieu de travail. Il est vrai que la seconde guerre mondiale représente aussi l'âge d'or du vélo : des garages publics payants lui sont aménagés à proximité des gares...

 

150 ans

A. Bouzoud, “L’aménagement routier de la région de Montbéliard”; La Route, supplément à la Revue Travaux, 152 bis,1947


La lourde responsabilité de l'Etat

On doit cependant noter la faiblesse des réalisations cyclables — 1 200 km à la veille de la Seconde Guerre Mondiale — alors que circulent six millions de vélos (une bicyclette pour six habitants, une par ménage urbain mais une pour quatre ménages urbains en Allemagne et en Belgique).

En fait l'Etat n'admet qu'avec regret la création de ces pistes en bordure des routes nationales et participe rarement à la dépense ; il accepte toutefois d'en assurer l'entretien, mais laisse trop souvent à l'abandon celles qui sont construites aux abords des grandes villes, malgré l'insuffisance du programme réalisé.

Au reste la piste cyclable mord sur le trottoir qui ne cesse de diminuer : de 40% de la largeur de la voie en 1900, celui-ci ne dépasse pas 30% en 1943.


André Guillerme
Professeur d'histoire des techniques
CNAM

 

 

1- A. Bouzoud, “L’aménagement routier de la région de Montbéliard”; La Route, supplément à Travaux, 152 bis, 1947, p. 102.

2 - 800 ha à Paris en 1944 contre 1 000 en 1914, selon Vanneufville.


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L'histoire du cycle vous intéresse ?  Voici quelques sources d'information :

  • ParisVelocipedia, créé à l'occasion de l'anniversaire de la création du vélo et enu par Francis Robin. Orientation vocabulaire et société.
  • Au petit braquet, par Alain Rivola, plus orienté vers les vies de personnalités. La dernière concerne le Bordelais Juzan, qui créa la première bicyclette moderne. C'est un site polymorphe, qui parle de sport mais aussi de sécurité, de livres, etc. Lors de votre première visite, faites défiler la première page pour avoir une idée de sa richesse.
  • La revue Le Randonneur, dans laquelle Raymond Henry  publie une chronique d'histoire du cyclotourisme officiel (et moi la rubrique des actualités).
  • Le magazine de l'association Cyclo-camping-Itinérant (CCI), avec la rubrique "Nos ancêres les cyclopathes" de Philippe Orgebin, choix de récits de voyages anciens.

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