samedi, 21 mai 2011
Visite de l’exposition "Voyages à vélo (1817 - 2011)"
J’ai visité cette fameuse exposition "Voyages à vélo (1817-2011)", préparée par trois bibliothèques parisiennes spécialisées, suite à la suggestion de l’association Parisvelocipedia pour les célébrations des 150 ans de la bicyclette et avec Jacques Seray pour commissaire et cheville ouvrière.
C’est une exposition émouvante en ce qu’elle célèbre Velocio, le fondateur du cyclotourisme français. Quelques unes des maximes du maître sont copiées en grand : ne jamais forcer, rester toujours en-dedans de ses moyens … manger avant d’avoir faim, etc.
La naissance du vélo à Paris est bien représentée, notamment via l’apprentissage de son maniement (les manèges).
Note remaniée plusieurs fois.
Beaux specimen de cartes et guides anciens (où l’on voit que les routes non veloçables de la région parisienne étaient aussi nombreuses qu’aujourd’hui, bien que les raisons en aient changé). Nombreuses revues, pas mal d'affiches. Des photos de personnalités cyclistes, bien sûr. Des planches de vignettes, très drôles. On confond voyage et promenade, mais qu'importe ! Le vélo qui semble être celui de Lionel Brans (Seul de Paris à Saïgon, éd. Amiot-Dumont, 1950; voyage réalisé en 1948-1949, moyenne de 130 km par jour) n'est peut-être pas le sien. Sur la photo en tous cas ce n'est pas lui, et dans le livre (p. 118) le doute persiste : le vélo apparaît comme d'une marque portant son nom. Et que fait le coureur Walthour dans une exposition sur le voyage ? Et le tour de France ? Rien de bien clair là-dedans.
Sur les vêtements, on s’aperçoit qu’ils s’harmonisent très vite entre femmes et hommes, au bloomer succède tôt la culotte de golf pour tous, ou le short pour les étés de l’entre-deux-guerres.
Quelques vélos intéressants, souvent sortis de la collection de Raymond Henry, mais rien sur les bagages, sur les modes d’hébergement, sur le train... On voit par exemple des sacoches en toile, sont-elles seulement des Sologne ??? Rien sur les fabricants, industriels ou artisans, même pas une évocation de nos chères selles Idéal, ou des souliers Christophe (de sa marque, cette fois-ci) ...
Il n’y a presque rien sur l’époque moderne, ça s’arrête à la guerre. Seul le Vélib’ est là, mais hors sujet et de simple figuration.
Très peu de commentaires, cela évite que nous soit dicté ce que nous aurions à penser, mais ça informe peu. J’ai donc noté ce que je viens de vous dire sur les cartes et sur les vêtements. Et j’ai vu que Velocio roulait en sandales et en chaussettes. C’est sur la (ou une ?) photo célèbre où il pose fièrement derrière sa bicyclette. Ces messieurs de la fédé vont-ils y survivre ?... J’ai aussi remarqué que le bonhomme à pneus avait été inventé avant son usage par Michelin. Et que l'on prêtait à Emile Zola ces nobles paroles : "L'orage gronde : la vieille Société va disparaître, une seule chose peut nous sauver : "La bicyclette gratuite et obligatoire". En première page de L'Auto-vélo, journal comique illustré.
-- Au total une exposition soignée dans sa présentation, émouvante pour les initiés, mais qui peut laisser sur sa faim. C’est une petite exposition, sans doute pas à la hauteur de celle de 1941, au pavillon de Marsan, c'est-à-dire au Louvre, évoquée dans l’exposition ! Elle plaira sûrement à un public moins prétentieux, mais ira-t-il la voir ?
Et elle plaît ! Lors de ma deuxième visite, ce samedi après-midi, il y avait du monde, et ce monde était content, car en effet il y a de nombreuses très belles pièces, et l'exposition est très bien présentée. Le fait que ce soit davantage une exposition sur la randonnée et le vélo que sur le voyage à vélo (fort peu évoqué!), le fait que toute la période moderne, notamment en matière de voyage à vélo, soit absente, ne doit pas nous faire bouder notre plaisir, et encore moins celui des visiteurs. D'autant qu'après tout, c'est juste le titre qui ne va pas ! Elle aurait du s'appeler : L'évolution du vélo, de la draisienne à la randonneuse de voyage !
-- Il y a un livre, rédigé par l’historienne Catherine Bertho Lavenir et préfacé par l’écrivain Paul Fournel. Voyages à vélo n'est pas le catalogue de l’exposition, bien qu'il en porte le nom et en donne l'impression, et que de nombreuses illustrations y correspondent. Il est plutôt un livre sur l'objet "vélo", cherchant à ne pas se cantonner au culte des origines, ni au voyage ... Il parle aussi du "véloSolex" et des nouvelles formes de vélos (fixies, vélocross, etc). Il parle du vélo comme objet social, dont les formes reflètent l'usage et la position dans l'imaginaire de ses contemporains. Il est très bien illustré et très plaisant à feuilleter.
J'ai été étonnée par certains passages. Par exemple, on y "apprend" que le vélocipède aurait été inventé en Angleterre (p. 24) et "adapté" par Pierre Michaux, mais, renseignements pris, il s'agit d'une malheureuse erreur au moment de la relecture. Le truc qu'on laisse passer quand on sature ... Mais l'objet du livre n'est pas là, et d'ailleurs, p. 30, on lit ce qui correspond aux célébrations de cette année : "En 1861, Pierre Michaux, serrurier de son état, adapte une manivelle à la roue avant d'une draisienne." J'ai aussi été surprise de lire que le mot vélo, se serait imposé seulement dans l’entre-deux-guerres (p. 87). Mais qu'en sais-je ? Pas grand chose de plus que ce que je lis p. 104 sur le panneau d'interdiction aux cyclistes, apparu dans le code de la route en 1949.
Aussi étonnant, à vrai dire, le fait que « de nombreuses familles des classes moyennes ont acquis une voiture dans les années 30 » (p. 100). J'ai eu du mal à l'avaler... Il aurait fallu préciser que le mot "classes moyennes", entre les deux guerres, signifiait aussi bien avocat, médecin que instituteur, ainsi que me l'a m'expliqué l'auteure. Pour preuve de cette possession, ajoute-t-elle, la création entre les deux guerres de la Mutuelle d'assurance automobile des instituteurs. Alors ... à moi de ne pas me braquer à lire que le Vélib’ avait « libéré la Parisienne » (p. 124) : car la suite de la phrase dit "et agace les chauffeurs de taxi". Ce n'est qu'un clin d'oeuil, dans ce bouquin à l'écriture fluide, aux illustrations attirantes et nombreuses, et à la mise en page fort plaisante.
Au final, un petit bouquin plein d'images, et que personne d'autre n'aurait pu écrire si vite. Pourquoi se fier à son apparence et le prendre pour un livre d'histoire ou pour le catalogue de l'exposition, alors qu'il est un livre de réflexion ?
L’exposition se tient jusqu’au 14 août.
Présentation de l'exposition sur le site de la Ville de Paris
Galerie des Bibliothèques,
22, rue Malher 75004
Métro Saint-Paul
Entrée : 6€ ; tarif réduit : 4€, demi-tarif : 3€
Du mardi au dimanche de 13h à 19h
Nocturne les jeudis jusqu’à 21h
Fermée le 2 Juin et le 14 Juillet
Livre : 18 €
Image piquée à Weelz
Catherine Bertho Lavenir a publié l'ouvrage majeur "La roue et le stylo, comment nous sommes devenus touristes" aux éditions Odile Jacob en mars 1999. Elle avait aussi piloté le numéro spécial des Cahiers de Médiologie consacré à la Bicyclette, en 1998. 3 parties le structuraient : 1- Un drôle d'objet technique; 2- La roue et le territoire; 3- Autour du Tour. Déjà.
05:10 Publié dans Cyclotourisme, Evénements, Publications | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : 150 ans, histoire
Commentaires
Dans ma signature, le lien vers le sommaire détaillé du Cahier de Médiologie sur la Bicyclette
Écrit par : Abel | mardi, 31 mai 2011
Retracer toute l'histoire du vélo avec relativement peu d'objets sur un espace restreint est un vrai challenge : il faut faire des choix.
Dans l'ensemble ce pari a été gagné : l'expo a pu rassembler quelques machines rares, voire uniques qui valent le détour des connaisseurs et amateurs. Le citoyen lambda aura un aperçu de l'histoire du vélo dès ses origines. Les superbes affiches et l'iconographie sont dans l'ensemble bien choisies.
Deux petites critiques s'imposent pourtant :
- On a voulu intégrer coûte que coûte le vélib (même dans le sous-titre de l'exposition). Pourtant, l'exposition illumine l'histoire du vélo prioritairement à partir du voyage à vélo et du cyclotourisme. Or le vélib n'a rien à voir avec le voyage à vélo, il est purement urbain. Par ailleurs, si l'on se dégage du contexte parisien, le vélib ne constitue pas une étape majeure dans l'évolution du vélo, ni par sa conception technique, ni par l'usage qui en est fait.
- D'autre part, l'expo fait un raccourci dans l'histoire plus récente: entre les très belles machines de cyclotourisme exposées (qui coûtaient à l'époque 3 ou 4 fois le prix d'une solide machine de base)d'un côté et le vélib de l'autre côté il manque quelque chose.
Ainsi c'est dommage que l'expo n'ait pas intégré quelques vélos plus « populaires » qui montrent au grand public les machines sur lesquelles le « commun des mortels » se déplaçait tous les jours dans l' «âge d'or de la bicyclette».
Jan Konold, consultant vélo.
Écrit par : Jan Konold | lundi, 06 juin 2011
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