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jeudi, 15 avril 2010

Voies express à Paris : plus de questions que d'enthousiasme

paris-l'internaute.jpgLe maire de Paris a rendu public hier son projet de reconquête des berges de Paris. Je ne le présenterai pas mieux que ce qu’ont fait les journaux, et en particulier le Moniteur ( En lien ici la présentation, avec des images et des détails sur les questions de circulation motorisée) ou 20 minutes (lien ici, davantage d'images). Lien sur la présentation par la municipalité ici (avec des contributions libres).

La vidéo du discours du maire diffusée ici dit tout dès les deux premières minutes... notamment qu'il ne s'agit pas de réduire la circulation, rive droite, seulement d'améliorer l'ensemble.

Voici mes commentaires concernant les cyclistes. (photo : L'Internaute)

Note complétée le 18 octobre (rappel historique)


Ce projet est ancien, puisque le maire en parlait déjà lors de sa première campagne électorale (2001), et en tout cas les Verts, qui l'avaient inscrit à leur programme. Il aura en tout cas fallu une quinzaine d’années d’ «expérimentation» pour se rendre compte de la faisabilité, pourtant vérifiée chaque semaine. La première ouverture, une journée entière, date du 10 juillet 1994, le premier « tous les dimanche » du mois date de Août 1995 (et fut prolongé jusqu’en novembre), et dès 1996 c’était tous les dimanches sauf en décembre.

Une proposition d’origine associative a par ailleurs été étudiée en 2004 et avait été validée par les services techniques. Elle aussi maintenait un peu de circulation, mais rive gauche et sur une seule voie, sans feux. La circulation y aurait été lente par le simple effet de la géométrie. Le projet ne s’intéressait qu’à la rive gauche. Lien ici.

Le territoire concerné est le bon. Pour la rive droite on se félicite que la voie express ouest, dans les 16 et 8° arrondissement, soit enfin à nouveau concernée. Elle l’était à l’origine et fut abandonnée avant 2001. Le réaménagement de l'avenue de New-York, du cours Albert-1er et du quai des Tuileries est encore plus une excellente nouvelle : Aujourd'hui c'est un véritable enfer.

L’absence totale de circulation sur l’ensemble du linéaire rive gauche va lui aussi plus loin que ce qui était envisagé à l’époque dans le projet associatif. Je ne rentre pas ici dans le détail, mais ce maintien partiel de circulation avait pas mal de logique.

La pose de feux n’a jamais d’effet ralentisseur. Au contraire, encore plus avec deux voies parallèles, cela créé «la course» pour arriver au feu vert. Les feux n’ont pas vocation à ralentir la circulation, ils servent à obliger les voitures à laisser traverser les piétons… et à l’interdire le reste du temps.  Il vaudrait mieux privilégier l’étroitesse d’une seule voie. Yan Le Gal l’a calculé mainte fois : on passe plus d’autos, un peu plus lentement, avec des petits rond-points et une voie par sens, et les piétons peuvent traverser partout (voir ici la présentation de ses résultats). Expérience spectaculaire, faite rive droite dans le 16° : lorsqu’il y a des travaux et qu’une seule voie seulement est maintenue, la circulation devient presque silencieuse, et tout à fait compatible avec la promenade !

portCélestins.jpgLes cyclistes vont peut-être y perdre. Même si certaines portions semblent devoir être à double sens, du point de vue des cyclistes je suis obligée de remarquer ceci :

- Ils y perdent leur dimanche sans autos, notamment rive droite, sauf si l’interdiction de la circulation motorisée totale actuelle est maintenue.

- En cas de sens unique, rive droite toujours, ils y perdent aussi, au moins le dimanche, puisqu’aujourd’hui on y roule dans les deux sens le dimanche.

Le projet ne tient pas assez compte des besoins des cyclistes.

- L’absence-même de voie cyclable sur les images montrées (sauf sur une) permet d’imaginer facilement l’inconfort qui peut résulter de cet aménagement, où toute la largeur roulable sera occupée par des autos (largeur bien sûr réduite le plus possible, donc sans marge). Rive droite Est les cyclistes ne seront pas à l'aise, et ce sur une grande distance.

- Le mélange avec les piétons donne l’avantage à ceux-ci (mais ils sont eux-aussi gênés). Rive gauche les cyclistes seront obligés de slalomer et d’éviter enfants et groupes de piétons. Un peu comme maintenant, mais en permanence et de façon plus forte, à moins qu'il n'y ait pas de piétons.

 

viewmultimediadocument.jpeg

 

Or, à la surprise générale, et cela reste encore vrai 16 ans après, ce sont surtout les cyclistes qui ont profité de l’opération dominicale actuelle. Voir image et commentaire ici. Les piétons sont plus nombreux sur la rive droite, et quasi absents sur la rive gauche (le projet tendrait à inverser cette donnée). Et les cyclistes ont finalement été rejoints par les rollers. C’est tout ce qui roule qui trouve bénéfice aujourd'hui à cet axe lisse et sans obstacles. Par contre, lors de Paris plage, on ne passe plus …

rive gauche.jpgLe projet s'il est réalisé fait perdre aux cyclistes les dimanches sans voiture de la rive droite Est, mais améliore beaucoup leur situation quotidienne en rive droite ouest. Sur la rive gauche, le projet peut l'améliorer lorsqu'il n'y a pas trop de piétons. Mais on préférerait une vraie piste cyclable de bonne facture, et des trottoirs sur toute la largeur restante, un peu à l'image, mais cyclable, de ce qui est prévu rive droite.

Il semble que le projet, tel que présenté, rend la réalisation d’une traversée cyclable de la Ville repoussée sine die, et avec elle la preuve de l’efficacité de liaisons structurantes au quotidien. La piste cyclable des quais de l’Hôtel de Ville et des Célestins, à double sens et quasiment prioritaire, montre bien le succès des liens commodes. Le succès de l'opération dominicale aussi... Mais évidemment, pour la ville en général, ce projet est plutôt bénéfique.

 

 

 

 

 


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On craint donc, malgré tout, que l’occasion de créer une grande traversée cyclable de Paris soit anéantie. On le regrette parce que la création d’un axe fort serait très payant en termes de fréquentation, d’usage, d’exemplarité pour l'utilisation du vélo au quotidien. Or cette notion n'apparaît pas. Pour qu'elle se réalise, il faudrait au moins le double-sens cyclable tout le long. Mais convenons qu'il est beaucoup trop tôt pour porter un jugement définitif. Au-delà des visions, présentes ou absentes, au-delà de ce qu'en dit le maire, c'est la réalisation et l'usage qui compteront. Et ce sera peut-être bien.

Ne préjugeons donc pas de la suite concrète qui sera donnée à ces annonces, et ne regrettons pas, tous comptes faits, d’avoir lancé l’opération en juillet 1994.

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-- Trouvé sur le blog de Denis Baupin (sa page de réseau, en fait):

<< L’idée de fermer la voie express Georges-Pompidou – rive droite – à la circulation automobile n’est pas nouvelle. Elle figure même noir sur blanc dans le Plan de déplacements de Paris (PDP), adopté en février 2007. En 2002, déjà, après la première édition réussie de Paris Plages – qui avait valu une renommée mondiale au tout nouveau maire de "Paris-sur-Mer" –, la mairie avait évoqué la possibilité d’une"piétonisation définitive". Ce qui avait provoqué un tollé à droite et parmi les associations d’automobilistes. C’est Georges Pompidou, alors Premier ministre du général de Gaulle et habitant quai de Béthune, sur l’île de Saint-Louis, qui créa cette voie rapide en 1967, pour répondre à l’augmentation de la circulation. Son slogan était alors: "Il faut adapter Paris à l’automobile." >>

(et plus loin, déclaration à l'AFP)  << Depuis avant 2001, on réclame la fermeture de l'ensemble des voies sur berge aux voitures. >>

-- -- J'ai été invitée à commenter ce projet dans le Journal télévisé de 12 h de FR3 région Ile-de-France (19 avril 2010). J'y ai notamment indiqué que la politique de B. Delanöe était plus "anti-voitures" que "pro-vélo". En voici une illustration aveuglante !

-- -- -- En résumé : (1) On annule les opérations du dimanche. (2) Rive gauche on fait du Paris-plage permanent, donc les cyclistes ne passent plus. (3) Rive droite on améliore très sensiblement pour les piétons, et pas du tout pour les cyclistes. Ce sera peut-être même plus difficile qu'aujourd'hui. Et ils y perdent même la continuité du dimanche.

D'un grand projet d'alternative à l'automobile à l'échelle de la ville on arrive à un projet de petites promenades à pied...

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-- Le calendrier est le suivant : Décision au Conseil de Paris juillet 2010; livraison été 2012.

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26 avril : Il y a déjà des réponses. Voici celle qui nous intéresse :

1) Ca serait encore mieux sans voitures... mais c'est un début. Ne pas oublier les pistes cyclables séparées et suffisamment larges. Par ailleurs, pourquoi ne pas en faire une zone limitée à 30km/h?

Comme vous pouvez le voir, des pistes cyclables figurent sur l’avenue de New-York, et naturellement les berges rive gauche seront en permanence accessibles aux cyclistes.

Ce projet est pensé en cohérence avec le schéma vélo qui sera soumis au Conseil de Paris avant l’été et dont l’objectif est notamment d’améliorer les continuités cyclables et de réaliser de grandes traversées métropolitaines. Ainsi, il y aura une continuité cyclable le long de la Seine, depuis le Val-de-Marne jusqu’aux Hauts de Seine.

Dans les prochains mois, le projet doit vivre, au travers de ce forum et plus formellement, lors du Conseil de Paris. Tophoto1276702213.jpgutes les suggestions seront examinées avec beaucoup d’attention.

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-----------------------------------... C'est vrai, quoi ? Comment feront-ils si la piste cyclable du dimanche disparaît ? --->


-- Un historique, autrement dit (ajout du 18 octobre 2010) -- -- -- -- -- --

-- La première fermeture aux voitures des voies sur berges a eu lieu, le 10 juillet 1994, à l'initiative du ministère de l'Environnement. Elle comprenait alors, en plus de ce qui en reste aujourd'hui, toute la rive droite aval jusqu'à la limite de Boulogne, par les souterrains sous la Concorde, l'Alma et Iéna, la partie centrale en contrebas sous les cours la Reine et Albert Ier, l'avenue de New-York et la voie sur berge dans le 16°.

Comme c'était sous l'ancien statut, c'est avec la Préfecture de Police que ça s'est organisé, sans la Ville de Paris et son Maire Chirac. C'est Michèle Merli, maintenant déléguée à la sécurité Routière, qui représentait alors la PP.

-- Une seconde édition a eu lieu le 30 octobre 1994, dans les mêmes conditions. Ces deux occasions ont connu un très grand succès.

-- A l'été 1995, Jean Tibéri, qui venait d'être élu, a proposé à la préfecture de refaire la même chose pendant un mois. Ca a ensuite été prolongé un autre mois, puis le suivant, jusqu'à l'automne. Et ça a été pérennisé à partir du printemps 1996.
C'était alors tous les dimanches, et ça s'appelait Paris piétons vélos. L'équipe Delanoé l'a étendu aux jours fériés et rebaptisé Paris respire.

-- A l'été 2001, Denis Baupin a décidé de fermer les voies sur berges tout l'été. L'été a été pourri et des images des voies désertes et des quais hauts embouteillés ont fait beaucoup d'effet. L'opération avait été montée en urgence par la Voirie et le cabinet de Baupin, qui n'ont par exemple pas pensé à ménager des passages pour les vélos près des grandes barrières en travers des bretelles d'accès: ce détail, peu gênant en utilisation "loisirs", a sans doute découragé les cyclistes utilitaires est-ouest à faire un détour pour passer par là. C'est là que s'est loupée l'occasion d'expérimenter un axe structurant utile au quotidien.

-- En 2002, Bertrand Delanoê a décidé de sortir vers le haut de cet échec, ce qui a donné Paris-Plage. Mais cette histoire-là est bien connue.

-- Par ailleurs, en 2004, plusieurs associations ont proposé l'expérimentation pendant l'été d'une fermeture partielle de la voie sur berge rive gauche.
La DVD a travaillé sur ce projet, l'a trouvé intéressant et en a présenté une version un peu différente au préfet de police, puisque les berges sont de sa compétence. Mais le préfet avait refusé: http://velo15et7.free.fr/archiveslettres/lettres/lettre72.pdf
Il est probable que, pour le projet proposé aujourd'hui, la DVD soit repartie de l'étude qu'elle avait fait alors.


Commentaires

"On craint donc, malgré tout, que l’occasion de créer une grande traversée cyclable de le Paris soit anéantie. On le regrette parce que la création d’un axe fort serait très payant en termes de fréquentation, d’usage, d’exemplarité pour l'utilisation du vélo au quotidien."

=> d'accord avec Isabelle. Ce que j'ai vu de ce projet n'est pas satisfaisant pour les cyclistes urbains, surtout compte-tenu du POTENTIEL ENORME DE CET AXE.
On a trop tendance à tous les niveaux (automobilistes, politiques, grand public en général...) à assimiler le vélo à un usage de type balade, alors que les cyclistes qui utilisent le vélo pour leurs déplacements ont besoin d'infrastructures avant tout EFFICACES.

Vu les photos du projet, on reste clairement dans la balade. Il faudrait arriver à faire comprendre qu'un aménagement de ce type peut être A LA FOIS un investissement pour la compétitivité de notre économie (déplacements rapides, non polluants, pour un coût modique, usagers destressés etc.) et le bien-être de nos concitoyens (déplacements à l'air libre dans un bel environnement, allongement de l'espérance de vie, probablement plus d'échanges sociaux...).

Écrit par : Jean-Charles Gosselin | jeudi, 15 avril 2010

Une critique de Paris-plage sur Le blog de la Ville, avec Elisabeth Pélegrin-Genel, urbaniste. Lien dans ma signature.

Par ailleurs, j'ai trouvé sur le stand du pavillon de l'Arsenal un ouvrage intitulé "Paris-plages, de 1900 à aujourd'hui", éd. Hoëbeke, auteur Eric Fortorino. Ce sont des photos des lieux, de 1900 à 1994, et de 2003 à 2010 ...

En clair, on fait l'impasse sur la période (sans doute sur le point d'être révolue) des dimanches sans autos, qui aurait pu et dû servir d'expérimentation pour de "nouvelles mobilités" ...

Écrit par : Isabelle L. | dimanche, 08 août 2010

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