lundi, 16 décembre 2013
Faut-il augmenter le prix des transports ?
Aujourd'hui en France, dans les transports urbains c'est tarif social pour tous. Les sommes acquittées par les passagers ne couvrent plus que le tiers du prix de revient. Pourtant ce n'est pas le prix qui en motive l'utilisation, mais la qualité, a-t-on a pu entendre lors de la remise des prix de la mobilité de Ville, Rail & Transports.
En revanche ce qui pourrait réduire l'utilisation inconsidérée des transports publics aurait pour résultat d'arrêter d'encourager la paresse et de plomber les budgets, ceux des transports comme de la sécurité sociale. Le transport public est-il contre-productif ?
Ce débat précédait la remise des prix de la mobilité, du magazine Rail, Ville & Transport. Il a d’abord été très sectoriel, très "ingénieur". Il péchait par manque de vision globale ou de considération pour la société des humains; ils (ils : ces messieurs les intervenants) ne voyaient que les gros sous, c'est-à-dire la courte vue. Il (le débat) n’était pas inutile cependant …
Éditions La Vie du Rail, photo Alain Bénard
Les transports publics en France sont très bon marché pour l’utilisateur.
Nous y avons appris que le «taux de couverture», ou rapport entre ce que payent les usagers et ce que ça coûte, ne cesse de dégringoler. En 1990 les passagers payaient encore la moitié de ce que ça coûtait, aujourd’hui ce n’est plus que 1/3.
Avec tous ces tarifs sociaux ou spéciaux qu’on connaît, un voyage rapporte en moyenne 40 centimes d’euro, et c’est parfois encore moins. A Dole l’abonnement coûte 20 € par an et par jeune, 35 € pour une année d’adulte. (En Côte d'Or, le billet d’autocar coûte 1,50 €, quelle que soit la distance…) Désormais ce que le voyageur paye est inférieur au ticket modérateur de la sécurité sociale (1), fait remarquer Jean-Pierre Orfeuil. Le représentant de la société Car postal a constaté que les billets étaient en gros très peu chers au sud de l’Europe (Paris 1,70 €, Madrid 1,50) et plus chers au nord (Berlin 2,70, Genève 3,00, Stockolm 4,00).
(1) et l’abus de transports aggrave le trou de la sécu… Les cartes de libre-accès partent d'un bon sentiment mais ont des effets très pervers.
Plusieurs réflexions sont alors apparues.
1 A la place de l’automobile il n’y a pas que le bus.
Les transports publics sont un gouffre financier. Il faut raisonner plus globalement, en «alternatives à la voiture», avec bus, trams, vélos, partage d'autos, etc. On constate d’ailleurs que les jeunes s’intéressent de moins en moins à l’auto et sont multi-mobiles par nature.
2 Aujourd’hui en France c’est tarif social pour tous.
Il serait bon de passer de tarifs au statut ou à l’âge à des tarifs selon les revenus. Un étudiant peut être plus riche qu’un jeune travailleur, un vieux cadre parisien beaucoup plus riche qu’un ouvrier en activité, un jeune chômeur mieux loti qu'un retraité, ou un retraité bien plus à l'aise qu'une employée mère de famille … Pourquoi les riches prennent-ils les transports en commun ? Ce n’est pas à cause du prix. Pour résumer, aujourd’hui les tarifs sont si bas que c’est tarif social pour tous. On pourrait peut-être les réserver à ceux qui en ont besoin. La politique des prix bas systématiques n'a aucun sens.
Un seul intervenant était contre toute hausse de prix, c’est normal il représentait une petite association (AVUC) d’usagers des trains de grande banlieue. Mais le débat portait plutôt sur les transports urbains. Celui du Cercle des Transports (un club d’anciens du secteur) a lui aussi plutôt plaidé pour d’autres solutions, moins dépenser, en faire moins, ou instaurer le péage urbain pour financer les transports.
3 Les gens prennent les transports s'ils ont des raisons de les prendre.
Et alors ? Le prix n’est peut-être pas le vrai sujet. Selon Car postal, c’est la qualité qui créé le client, pas le prix, voyons. Pourquoi les bourgeois parisiens prennent-ils tant l’autobus, à votre avis ? Et ce qui fait le succès, c’est la cohérence ! Un parking pour autos de 1000 places en plein centre-ville de Bourg en Bresse, voilà un excellent moyen de vider les bus ! Stationnement et urbanisme doivent être partie intégrante de la compétence transports et mobilité. L’agglomération nantaise exige, nous a-t-on dit, que les PDU prévoient de densifier autour des transports publics, sinon pas de tram, voilà tout. C’est urgent, en 10 ans la densité autour des transports publics a baissé en France, passant de 1000 habitants à 600, indique le représentant de Keolis. En Espagne, note celui de Car postal, après la dernière maison c’est le désert … Et vous croyez que c'est parce que ça coûtait 1,50 euro que j'ai pris l'autocar à Montbard l'autre soir ? Mais non, c'est parce que j'en avais besoin : j'allais à 60 km de là et en plus il m'avait attendue (2). Ca lui a fait un deuxième passager, la seule qui aille au bout de la ligne …
4 La paresse, voilà le vrai résultat !
Et enfin … quelqu’un a fait remarquer qu’on ne devrait pas transporter les gens sur 1 km. C’était Jean-Pierre Orfeuil. Sans l’avoir fait exprès il a donné le meilleur argument pour la hausse des prix et le retour à la marche et au vélo. Pour que les transports en commun ne creusent plus le trou de la sécurité sociale. Et pour que les vieux qui ont vraiment besoin d'être transportés n'en soient pas empêchés par les jeunes qui encombrent les bus pour rien.
Augmenter le prix payé par le voyageur ? Cette question se pose désormais largement et il n’est pas besoin d’un dessin pour en comprendre l’intérêt pour les cyclistes : affectation des budgets, perte de capacité à l’activité physique … les transports publics peuvent être contre-productifs.
Pour continuer à y réfléchir :
Vendredi 10 janvier, Paris, colloque : Y a-t-il un lien entre connaissance de son prix et choix d'un mode de transport ? Organisé par la FNAUT. Pour augmenter la fréquentation, faut-il améliorer l'offre ou baisser le prix ? Ou bien augmenter le coût de l'auto et de l'avion ? Programme complet et informations pratiques après inscription. S'inscrire !
Notes:
(2) En revanche si je pouvais éviter de reprendre le train, je ne me gênerais pas (3). Train direct supprimé peu avant son départ, train suivant une heure après avec correspondance, qui n'a pas attendu, merci beaucoup, donc attente d'une heure et demi de plus sur le quai central de Laroche-Migennes, dont le café de la gare est fermé à jamais. Arrivée à Montbard à 20 h 20, nuit noire, au lieu de avant 18 h, et … refus de dédommagement sous prétexte qu'il y avait eu un train au départ de Paris-Bercy une heure après le train annulé !!!!!
(3) Faux ! je continue envers et contre tous à aimer prendre le train; mais la tentation de la fraude augmente à force de ne pas voir de contrôleur. L'autre jour j'allais à Beauvais, retard de mise à quai, foule et cafouillages, je me trompe de train. Arrivée à … Maubeuge sans avoir vu un seul contrôleur ! Vous appelez ça du service à la clientèle (4) ? 21 h, nuit noire. Hôtel, train de retour … tout à ma charge ...
(4) On n'en finit jamais avec les histoires de train !!! Mais là, c'est pour une mention spéciale aux agents (5) de la gare de Maubeuge, gare bien connue des cyclistes français qui se rendent en Belgique. La correspondance transfrontalière mesure environ … 20 km !!! et se franchit à vélo !!! Sans indications, s'vous plaît. Ca nous rappelle une période … Il y a bien eu une navette, à un moment, mais ses horaires rendaient le vélo compétitif !!! On comprend qu'elle n'ait pas eu de succès.
(5) Mention spéciale aux agents de la gare de Maubeuge, qui, cette fois-ci comme chaque fois, se sont montrés aimables et serviables. Rien que pour eux on prendrait le train. Oui madame. Le soir dans la nuit, et encore le matin dans le froid.
*
Entre prix bas pour le passager et exigences fantaisistes tirant les prix vers le haut pour le constructeur … que veulent donc les élus ? La France, ce pays où les bus urbains coûtent 30% plus cher qu’ailleurs. 16 déc. par Olivier Razemon. (ajout du 20 déc.)
07:00 Publié dans Congrès, journées d'étude | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : tram, train, budget vélo
Commentaires
Très bon commentaire d'un apparemment très bon débat.
Eh oui ! Il va falloir doubler le prix du ticket à Paris pour être au niveau de Londres. Et mettre des portillons dans les métros où il n'y en a pas, comme cela vient de se faire à Lyon.
Et même instaurer la carte sans contact pour tous à Paris, comme à Londres, Singapour, Hong Kong... Obligé d'équiper en portillons (chers) toutes les sorties du métro. Mais plus de fraude, plus de cartes orange et Imagin'air... Plus de ces débats démagogiques pré-électoraux (pléonasme) sur la suppression de x zones !
Écrit par : Yves | lundi, 16 décembre 2013
La voiture ne paie pas la place qu'elle prend, ni l'entretien de la route qu'elle abime, ni les décennies de politique industrielle pro-auto. Les transports, obligés d'être moins cher, et dans une optique d'incitation, n'arrivent à faire payer que 30% du cout de revient. Et puis les abonnements buffet à volonté, payés à 50% par l'employeur, n'aident pas la chose. Et enfin il y a le-la pauvre cycliste, au beau milieu de cette bulle puante d'hypermobilité. Pourrait-on en dire qu'au moins il-elle paie son logement en centre ville moins cher parce que les hypermobiles préfèrent vivre en banlieue, à l'écart du bruit infernal de transports subventionnés. On est tous fous.
Écrit par : Simon Boddy | mardi, 17 décembre 2013
Messieurs je vous arrête ! La thèse des orateurs c'est que cela ne sert à rien de faire prix bas pour tous, car le prix n'est pas déterminant du choix, alors que la qualité ou l'adéquation, oui.
Le prix très bas, ou les cartes en libre-accès, n'ont d'effet que d'induire des usages non-désirables, d'inciter à la paresse, elle-même mère de tous les vices (et maladies), comme l'on sait. Ces traits marquants sont surlignés dans mon texte.
Il apparaît donc que si le prix acquitté atteignait 50% du coût ce serait déjà une amélioration.
Par ailleurs il faut peut-être limiter l'usage de l'auto, mais cela sera débattu en janvier. ici on a dit qu'il fallait que les politiques soient cohérentes.
Écrit par : Isabelle | mardi, 17 décembre 2013
Un article récent dans Sud Ouest : «Bordeaux : pourquoi, en dix ans, le tram n’a pas détrôné la voiture». «Malgré les centaines de millions d’euros investis, les transports en commun n’ont gagné que 1 point de part modale».
Comme pour les déchets, les transports en commun sont devenus principalement un sujet économique : plus on produit de km - TC, plus on traite de tonnes de déchets, etc, mieux c'est apparemment — surtout pour les entreprises (privées) qui se frottent les mains.
Bref, pour les déplacements de proximité (quelques km), il est temps de siffler la fin du "tout TC".
En moyen de déplacement généralisable à cette échelle, seul le vélo (et la marche à pied) est crédible : économique pour la société, il est aussi favorable au niveau individuel car il permet de faire du porte à porte (comme la voiture).
Les cacahuètes accordées au vélo lors des projets de TC montrent bien qu'il s'agit de 2 usagers distincts de l'espace et de l'argent public — ce qui n'exclue pas qu'il puisse parfois y avoir des intérêts partagés.
Conclusion de l'article : «Il faut passer d’un modèle où on a investi beaucoup d’argent dans les infrastructures à un autre où on met aussi de l’argent dans ce qui favorise la marche, le vélo et les changements de comportement. Chacun doit devenir multimodal, prendre un jour la voiture, un autre le vélo, la marche, les transports en commun. Ce comportement, il faut l’aider à émerger, c’est une autre forme d’investissement ». En clair, rajouter des infrastructures de transport ne suffira pas."
Écrit par : Presto | mardi, 17 décembre 2013
Il ne faut pas adapter le transport à l'urbanisme mais le contraire.
Écrit par : Franck M. | mardi, 17 décembre 2013
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