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mercredi, 20 mars 2013

Rencontre du Club des Villes cyclables : informatique ou expertise ?

Les méthodes pour évaluer la qualité des rues d’une ville du point de vue des cyclistes sont nombreuses. Elles servent surtout à agir, et peuvent entrer dans les calculs d'itinéraires. La rencontre nationale du Club des villes cyclables, ce mardi 19 mars 2013 à Paris, en a donné un nouvel aperçu, devant un public assez réservé. La séquence sur le "par où commencer" a eu plus de succès.


Evaluer, planifier ...

Il y a le Bypad, Bicycle policies audit, déjà utilisé dans plus de 150 villes européennes. Lille doit s’y mettre, Annecy, Chambéry ou Grenoble l’ont déjà fait.
Le principe, c’est l’application des méthodes du management de la qualité, ou du progrès continu. Vous prenez une pincée d’élus, une d’usagers et une de techniciens, vous les mettez dans une salle avec un cuistot extérieur (*), et vous finissez par accorder les appréciations. A la fin tout le monde se parle et comprend son interlocuteur. La méthode n’a pas pour but de se comparer à d’autres villes, ce qui n’a pas grand sens, souligne Emmanuel Roche, qui vient d’intégrer Chambéry métropole après de longues années à Altermodal.

(*) voir la liste des auditeurs agréés sur le site de Bypad

Il y a aussi le Bicycle Climate test, un programme européen mis en place en Suisse, Autriche et Allemagne, où les cyclistes doivent cocher des cases.

Le Fietsbalans, aux Pays-Bas, en appelle aux autorités comme aux cyclistes. Initié par le gouvernement, il est mis en œuvre par le Fietserbond.

Hans Kremers, consultant en mobilité active, a proposé une méthode baptisée «HQC»,Haute Qualité Cyclable, pour laquelle il recherche des villes cobayes. Il veut passer du quantitatif au qualitatif, dit-il, compléter les approches trop souvent quantitatives : donner un niveau de qualité à toutes les configurations présentes dans un réseau cyclable et cartographier ces niveaux pour (ré)orienter une politique cyclable. Il a reçu un très bon accueil.

Ce n’est pas la simple présence d’un aménagement qui détermine sa qualité. Ce sont surtout la configuration et le contexte qui permettent de le faire.
La qualification des déplacements en fonction des types d’aménagements rencontrés permet plusieurs applications :
- Une collectivité qui a déjà réalisé un réseau cyclable conséquent peut, à l’aide de cette qualification, obtenir rapidement une vue d’ensemble de la qualité de son réseau cyclable. Ce bilan permet de décider des nouvelles orientations pour l’amélioration du réseau.
- Une collectivité qui souhaite créer un réseau cyclable peut à l’aide de cette qualification choisir ses objectifs de qualité pour son futur réseau.
 Voir sa plaquette de présentation ici (en pdf).

A Toulouse, une plateforme commune association – métropole a été initiée par l’association Vélo-Toulouse. Chaque adhérent peut voir son observation et comment elle évolue, et signaler lorsque le problème est résolu. Toulouse métropole y a accès directement et peut y mettre ses propres observations, visibles sur le site. Cette plateforme collaborative et publique remplace magnifiquement les anciens fichiers envoyés par l’association, qui étaient lourds à gérer et en fait inexploitables … Installée depuis décembre dernier, elle a déjà reçu 800 observations, toutes filtrées par l’association. Déjà 200 ont été clôturées car résolues.

Voir la carte et les fiches

On se souviendra également de QualiCycle, initié par un professionnel de haut niveau dans le management et la qualité, extérieur au petit monde du vélo et qui fut «dissuadé» de poursuivre.

En fait, il y a de très nombreux dispositifs d’évaluation. Nous en avions présenté ici un certain nombresans, visiblement, en faire le tour. 

On me cite encore celui de Nantes, sous Géovélo, sur lequel tous les citoyens peuvent intervenir. Le journal Le Monde présentait, le 17 mars, le palmarès allemand


Enfin, gros morceau de l'après-midi, un projet soutenu par l’Agence nationale de la recherche nous a été longuement présenté . Il s’agit du «Projet Partage, usages et modélisation de la donnée publique», ou «PUMDP» ! Il est étudié à l’université de technologie de Belfort – Montbéliard, avec le concours du Groupe Chronos et du Club des villes cyclables, et quelques autres. 

Il s’agit de l’utilisation de données connues telles que les résultats des enquêtes-ménages (origine – destination) et d’informations fournies par un panel de volontaires. Ces personnes, piétons et cyclistes, sont équipées d’un GPS ou d’un Smartphone, et sont donc suivies à la trace, de même que sont enregistrés les parcours en VLS. D’autres volontaires inscrivent leurs trajets sur une «carte ouverte» par internet. Sont par ailleurs entrées dans la base les informations sur le réseau des rues. Cela permet de savoir où passent vraiment les cyclistes (et les piétons), et notamment de savoir s’ils utilisent ou pas les aménagements faits pour eux, voir s’ils vont au plus court ou au plus confortable, etc. Les résultats s’affichent sous forme de traits plus ou moins épais et de couleurs différentes, et bougent au fil du temps qui passe. Tout est possible si on l’a prévu, par exemple tri par motif de déplacement, sexe, âge, etc.

Un autre volet du projet est la simulation. Qu’est-ce qui change si j’aménage telle rue, si j’ai beaucoup de cyclistes de telle catégorie, ou si mes cyclistes optent plutôt pour le critère sécurité, rapidité, confort …

Vous dire que ce dernier projet a convaincu me paraitrait hâtif. 


Un auditoire sceptique

On s’est d’abord interrogé sur la taille de l’échantillon, et, encore plus, sur sa représentativité.

Abel Guggenheim a cité les calculateurs d’itinéraires, qui, pour les vélos, donnent rarement le bon trajet… Pour lui il y a bien trop de paramètres à prendre en compte chez un cycliste, l’humeur du moment, la fatigue, le temps qu’il fait, la force musculaire, les problèmes d’orientation, etc. etc. Pour lui rien ne vaut une vraie carte cycliste, avec noms des rues et relevé exact des aménagements.

Frédéric Héran s'étonne de ces résultats (les cyclistes préfèreraient le confort), contraires à toutes les observations depuis 25 ans (dès qu'ils ont un début d'habitude ils vont au plus court).

Plusieurs personnes ont remarqué que rien ne vaut «le terrain», qui permet de savoir beaucoup de choses. Mais encore plus de choses avec les machines, répondent nos chercheurs, surtout pour les grandes villes. Est-ce que tous ces gadgets n’ont pas pour utilité de se passer de la compétence du technicien averti et de séduire les élus ?

Le docteur Saladin, élu du Havre, pense à peu près la même chose : cela ne montre rien d’autre que ce que les «Abel» de chaque ville (entendez : les cyclistes experts qui connaissent parfaitement leur territoire) savent déjà.

> Disons, avec un dernier intervenant, que ça fait aussi sérieux que le transport en commun… et que ça risque de plaire aux élus et techniciens qui n’ont pas confiance dans l’expertise, largement intuitive, des spécialistes expérimentés. C’est aussi ce qui m’a paru ressortir des discussions d’après réunion.

 

Quelques autres échos de la réunion

Exemple montrant que certains élus n’ont pas une connaissance très intime de leur sujet : «On va développer les Cédez-le-passage aux feux dans les zones 30», alors que l’absence de feux et autres marquages redondants (passages piétons notamment) est un des principes fondamentaux des zones 30, dans lesquelles s’applique le tout simple code de la route (traversées dans l’alignement des trottoirs ou à plus de 50 mètres, et à angle droit, priorité à droite, etc.)

La CUB rappelle que sont prévus 137 km de REV, réseau express vélo, dans le nouveau plan vélo.

Clément Rossignol (CUB et administrateur du Club) et Claude Liévens (FUB) rappellent tous deux la nécessité de signer la pétition « Ville à 30 », et le font eux-même puisque le Club a décidé de ne pas s’associer à la démarche. (Explications et contexte ici)

 

Que faire concrètement ?  

La table-ronde de la fin de la matinée a permis à 4 élues de présenter leurs méthodes pour agir : par quoi commencer, que privilégier ? C’est la séquence qui semble avoir le plus intéressé. Quelques notes.

A Namur, autour de Patricia Grandchamps, échevine de la Mobilité, du tourisme et de la jeunesse, une «charte» est proposée à la signature : le professionnel ou le citoyen s’engage à faciliter le vélo ou à le promouvoir. Ils sont déjà 12 000  à faire partie du réseau, animé par lettres d’info et autres assemblées plénières.

A Chartres, on a commencé par «papillonner», jusqu’à ce que le vélo se soit imposé. Isabelle Mesnard, de conseillère municipale est alors passée adjointe, et un bureau d’études a été chargé de hiérarchiser et organiser les futures actions.

Pour Bordeaux, Clément Rossignol précise qu’il est le premier élu communautaire à être spécifiquement chargé du vélo. Il rappelle la grande histoire de la première ligne du tramway : pour aider les habitants à en supporter les travaux, le maire Juppé a eu l’idée du prêt longue durée de vélos. Ce fut le début de la nouvelle politique du vélo.

A Sens, un comité vélo se réunit régulièrement. Alexandra Lenain, conseillère municipale déléguée aux mobilités actives, a expliqué qu’ils faisaient beaucoup avec peu de moyens.

 

* 

On a compté 135 participants (sur 176 inscrits). Parmi eux, 62 représentants de collectivités (dont pas mal de départementaux et régionaux, et peu d'élus), et 73 "autres". Ce devrait être l'inverse, me fait-on remarquer. Pourtant ce sujet aurait dû intéresser les villes !  

Commentaires

Me voilà donc devenu nom commun, comme Grenelle, frigidaire ou poubelle !
Parmi les observations sur la recherche présentée l'après-midi, j'ai noté celle de Frédéric Héran sur la différence entre les résultats obtenus et ceux de toutes les recherches depuis 20 ans.
J'ai aussi bien aimé la remarque d'un élu : "Si vous voulez avoir un plan vélo riche, il faut avoir une association casse-pieds".
Et plusieurs observations pour souhaiter une action plus volontariste de l'État.

Écrit par : Abel | mercredi, 20 mars 2013

Tout à fait d'accord de parler de représentativité en ce qui concerne l'évaluation. Je ne suis justement pas sûr que le "Abel" de chaque lieu soit représentatif du cycliste moyen et encore moins du non-cycliste.
Avant d'évaluer quelque chose, il faut se mettre d'accord sur des critères d'évaluation.
Exemple : le cycliste expérimenté de 20 ans de pratique vous dira qu'il est parfaitement à l'aise à circuler sur un "tuyau à bagnoles" du moment qu'il "prend sa place". Le cycliste lambda y verra, lui, un lieu à fuir à tout prix.
Alors quelle évaluation utilise-t-on ? Et quelle voix entend-on et écoute-t-on actuellement pour "noter" les réseaux cyclables ?

Écrit par : Colibri | jeudi, 21 mars 2013

Je vous signale aussi l'expérience de Montpellier, "carto-partie de cyclabilité", collaboration entre le service de l’aménagement programmé de la Ville de Montpellier et des étudiants du Master Géomatique de l’université Montpellier III. Avec un kit de documents utiles à l’organisation d’une cartopartie cyclabilité : méthodologie de relevé, fiche de relevé vierge et fiche d’aide à la saisie. Lien dans ma signature.

Écrit par : Romain Mehut | vendredi, 22 mars 2013

Le problème de ce genre de relevés, c'est qu'ils sont basés sur des critères très subjectifs. Trouvons 10 cyclistes avec 10 niveaux différents et nous obtiendrons 10 appréciations différentes de la voirie …
En outre comment sont-ils effectués, le sont-ils plusieurs fois pour ne pas tomber sur un cas exceptionnel, prendre en compte les différentes périodes de la journée ? Une voie peut être très calme à certains moments et une horreur à d'autres …

Écrit par : Héberteau | samedi, 30 mars 2013

Un nouvel article sur la cartographie de la cyclabilité:
http://www.groupechronos.org/blog/cartographie-de-la-cyclabilite-le-velo-cherche-ses-reperes

Écrit par : Romain | vendredi, 12 avril 2013

Les commentaires sont fermés.

 
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