vendredi, 18 janvier 2013
Les personnes handicapées aussi ont besoin du vélo
Développement de l’utilisation du vélo en ville, déploiement de systèmes de vélos en libre-service, nombre de trajets domicile-travail en hausse…
Et alors, quid des personnes à mobilité réduite ?
Ne pouvant bien souvent se déplacer comme elles le souhaiteraient ou n’ayant pas d’autres solutions que la voiture ou le taxi (et, parfois, certains transports publics), leur utilisation du vélo comme outil de mobilité reste encore minoritaire en France.
Cet article se penche sur les raisons de cette méconnaissance, puis montre en quoi les innovations que connaissent les vélos en général sont bénéfiques aux personnes en difficulté de mobilité. L’accès à la riche base de données de AccesCycle permet de conclure l’article avec un certain optimisme.
Des vélos très peu connus
La plupart des vélos adaptés présents sur le marché français 
sont importés, et viennent d’Allemagne, des Pays-Bas… Peu connus du grand public, et ils ne le sont pas beaucoup plus des professionnels de santé et de réadaptation.
Ceci tend à changer dans les centres de rééducation, mais encore peu chez les professionnels intervenant à domicile ou pour les médecins généralistes.
Et comme peu des personnes ayant des problèmes de mobilité vont en centres de réadaptation, et que tous n’ont pas de professionnels formés à la mobilité venant à domicile (sont dans ce cas notamment les personnes âgées et une partie des personnes ayant des maladies évolutives), les vélos adaptés restent à promouvoir.
Des aides financières restrictives
Ces vélos, produits en petite série et avec des adaptions très spécifiques, restent chers, surtout pour des personnes qui n’ont souvent pas d’autres ressources que les aides publiques (le taux de chômage chez les personnes en situation de handicap est 3 fois supérieur à la moyenne nationale).
La Sécurité Sociale rembourse une partie du coût de certains vélos s’ils sont prescrits sur ordonnance. Ce sont majoritairement des vélos dits de «rééducation» qui sont éligibles à cette aide, et donc peu appropriés à un usage de mobilité, qui requiert des équipements spécifiques (garde-boue, lumières…) et un confort d’usage.
Cependant, des vélos plus innovants (vélo semi-couché par exemple) ont été rajoutés dernièrement à la liste des produits remboursables, ce qui tend à diversifier l’offre proposée.
Heureusement, les innovations dans le vélo sont utiles à tous !
En effet, depuis quelques années, le marché tend
à s’étoffer et propose une alternative au tricycle classique, ce dernier ne répondant pas aux besoins de tous (capacités physiques, environnement, type de déplacements). 
Le vélo électrique est une solution grand public très pratique pour une personne ayant un début de sclérose en plaques ou des troubles cardiaques ou respiratoires.
Le handbike (vélo à propulsion manuelle) ou le vélo couché sont des exemples d’innovation tendant à rendre possible la mobilité à vélo pour un plus grand nombre. L’un permet à des personnes paralysées ou amputées des jambes de pouvoir pédaler… avec les mains, l’autre rend l’accès au vélo possible à des personnes fatigables, ayant des douleurs dorsales, une maladie de Parkinson ou une hémiplégie.
Le démultiplicateur de vitesses permet à quelqu’un ayant peu de force (une personne avec une tétraplégie par exemple) de franchir de fortes pentes plus aisèment.
Le changement de vitesses automatique facilite l’usage du vélo par une personne ayant des difficultés cognitives et ne sachant pas choisir le bon rapport.Cette innovation permet aussi à des gens privés de préhension de pouvoir utiliser un vélo couché (avec conduite aux épaules par exemple).
Enfin, les innovations dans les vélos pliants permettent de plus en plus à des personnes marchant difficilement de pouvoir utiliser cette aide dans leur mobilité quotidienne, en complément des transports publics par exemple.
Pour certaines personnes, il est plus facile de se déplacer en pédalant qu’en marchant ; le vélo peut donc venir remplacer l’usage d’un fauteuil roulant, et permet de continuer à avoir une activité physique.
Mais les produits ne répondent pas encore à tous les besoins, et certaines personnes en situation de handicap qui souhaiteraient se déplacer de façon indépendante à vélo restent sans solution.
Il faudrait aussi améliorer les services et les voies dédiés au vélo
Un autre point qui ne démocratise pas l’usage de ces aides à la mobilité est l’absence ou le peu de prise en compte des besoins spécifiques dans le développement de services liés au vélo par les collectivités.
La plupart des systèmes de vélos en libre-service, par exemple, excluent l’usager à mobilité réduite : vélo non adapté, lourd, sans assistance, borne de location complexe à utiliser… Pourtant ce sont des offres de transport public, qui devraient répondre à la loi de 2005 sur l’accessibilité universelle pour l’inclusion de tous. 
Quelques initiatives émergent (prêt de vélos pour pousser un fauteuil roulant à La Rochelle, location de vélos électriques en libre service à Montreuil-sous-Bois…) mais ne permettent pas encore de répondre à la demande latente de l’ensemble des personnes en difficulté de mobilité.
Enfin, les aménagements cyclables, qui devraient favoriser l’usage du vélo pour tous, sont souvent inaccessibles pour un cycliste à 3 roues, par la largeur des pistes, la présence de potelets au milieu ou de ressauts en entrée, mais aussi par des stationnements trop étroits…
Le vélo pour tous est un enjeu majeur
Pourtant, l’accès aux offres de mobilité pour tous est un enjeu majeur, notamment en raison de l’évolution démographique.
En effet, favoriser la mobilité pour des personnes à mobilité réduite a plusieurs impacts :
- Il prévient la dépendance des personnes vieillissantes, Il favorise l’employabilité des personnes en situation de handicap, leur vie sociale et leur citoyenneté,
- Les avantages de la pratique du vélo en général (santé, qualité de l’air, économies…) concernent tout le monde.
L’essor du vélo adapté a commencé
Dans les prochaines années, plusieurs facteurs amènent à penser que l’usage de ces vélos va se développer en France :
- le vieillissement de la population
- le développement des politiques cyclables
- la mise en accessibilité des voiries et des bâtiments, qui va faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite
- les limites des transports en commun (saturation en zone urbaine dense, faiblesse de la desserte en milieu rural) et le coût des déplacements en véhicule individuel à moteur
- la diminution de l’utilisation et de la vitesse des voitures en ville.
D’ores et déjà, des « précurseurs » se déplacent chaque jour sur des vélos correspondant à leurs besoins (vélo avec pédales spéciales, vélo pliant, guidon handbike équipant un fauteuil roulant, tricycle avec guidon pour une main…), et qui, en pédalant, ne sont plus à mobilité réduite, sauf…
... Sauf quand une voiture est garée sur la piste cyclable et qu’ils se retrouvent bloqués, sauf quand l’absence d’aménagements (pistes, places de stationnement…) les contraint à revoir leur itinéraire voire à annuler leur déplacement par rupture de la chaine de déplacement.
C’est pourquoi il est nécessaire de prendre en compte tous ces besoins dans les politiques de déplacements des collectivités, afin de pouvoir répondre aux besoins en mobilité de l’ensemble de la population. Ceci passe par une réflexion autour des services adaptés, des aménagements cyclables, de l’intermodalité, du stationnement…
Camille PECHOUX
Ergothérapeute
CEREMH
***
AccesCycle
Le CEREMH, centre de ressources et d’innovation mobilité handicap, est également centre d’expertise national de la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) pour les questions de mobilité.
Le CEREMH travaille sur les questions d’accessibilité et mobilité (de l’automobile à la marche, en passant par les transports en commun) pour tous types de handicap (moteur, sensoriel, mental, psychique). Les actions autour des vélos sont regroupées sous le nom d’AccesCycle.
AccesCycle a plusieurs objectifs :
- Faire connaître les vélos adaptés (base de données, centre d’information, d’essais et d’apprentissage, organisation d’événements grand public)
- Former sur le sujet les professionnels de santé, les professionnels de la voirie et des déplacements (offres de formation)
- Accompagner les collectivités, les opérateurs de transport et les industriels dans le développement de services et d’aménagements adaptés (prestations, projets collaboratifs)
La base de données du CEREMH recense tous les vélos, adaptés ou pour tous, qui peuvent être utilisés par les personnes à mobilité restreinte. Pour chaque modèle il donne une description, la marque, le fournisseur. Cette base, déjà très riche, est encore à compléter.
Photos : Bernd Gungermann, rencontré au Danemark cet été; documents CERMH; Décathlon, Junik.
On peut lire aussi :
- Matériel Handicap : le bon filon ! le portail du cycle
- Aides techniques et produits : Tricycles-vélos. sur Handicap.fr
- Paris: un homme atteint de la maladie de Parkinson s'est vu refuser l'accès du RER A avec son tricycle pliable. France3, 12 mai 2012
- Draisienne, marche nordique et Carrix, ou les chaînons manquants. Vélo et potager.
- L'Adapei lance le prêt de vélos adaptés. Dans le Tarn. La Dépêche, 30 nov. 2012, signalé par l'AF3V.
- Au salon de Germersheim une très large place a toujours été réservée aux véhicules pour handicapés, car les chemins des hpv et véhicules pour handicapés se croisent tout le temps.
- Stabilisateur pour vélo adulte. Chez Le Cyclo.com
- Faire du vélo avec un handicap ! Cyclo.com
Dernière heure !
L'association européenne des voies vertes (EGWA) organise un atelier sur le tourisme accessible sur les voies vertes. Madrid, 1er février, de 12 h 30 à 14 h 30.
Cyclistes handicapés : participez à une enquête sur vos besoins et vos pratiques. Retransmis par le ministère du développement durable.
17:01 Publié dans Aménagements & Technique, Vélos, vêtements & Accessoires | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : handicap, politique cyclable
Commentaires
En réaction à ce magnifique article, je souhaiterais ajouter une chose. A mon avis, la première solution vélo pour personnes handicapées est le tandem. En nombre d'utilisations actuelles aujourd'hui, sur nos voies vertes. Le tandem est LA solution-loisir pour bon nombre de handicapés visuels ou intellectuels. Nombre de déficients physiques l'utilisent aussi. On peut alors parler de mutualisation des efforts.
Il est difficile de faire un panorama complet des mobilités pour personnes en situation de handicap, mais cet article nous permet de mieux cerner le problème.
Écrit par : Alfred | vendredi, 18 janvier 2013
Merci Isabelle pour cet article très complet sur la situation. La 3ème édition du salon ViVa Vélo (lien dans la signature) est notre "Germersheim" à la française ! Il présentera notamment de nombreux vélos "adaptés".
Écrit par : Philippe Ravary | mardi, 22 janvier 2013
Salut Isabelle, je plussoie sur bien des points : difficulté sur certains aménagements etc, on est d'accord. Par contre, il y a un tout petit truc mais quand même : les vélos couchés de Mr Mochet ne datent pas d'hier lol !
Et pour rouler en tricycle couché depuis 4 ans, je peux aussi entrevoir un potentiel énorme du côté des plus âgés qui n'ont plus tout à fait l'équilibre : le tricycle est pour eux aussi un beau moyen de continuer à vivre dynamiquement -:)
Écrit par : Velosteph | mardi, 22 janvier 2013
Bonjour Isabelle, oui le vélo est une solution idéale pour se déplacer, et certains handicaps en effet peuvent être "oubliés momentanément" grâce au vélo : ayant été plusieurs mois dans l'incapacité de me maintenir en appui sur mes jambes plus d'une minute, donc de marcher, le vélo a été pour moi "LA " solution pour me déplacer et faire mes courses... A pied cela aurait été impossible... Dans ma petite ville, grâce aux magasins du centre-ville, il m' était possible de garer mon vélo juste devant la porte et de faire mes achats en quelques minutes... puis de vite remonter sur mon vélo pour rentrer ! Le vélo a été pour moi durant cette période mon "fauteuil roulant", version plus agréable et même peut-être plus pratique !
Vive le vélo !
Depuis cet épisode, je pense que bien des handicapés, selon leur handicap, pourraient utiliser vélos et tricycles pour se déplacer, avec ou sans assistance électrique. C'est plus attractif que le fauteuil roulant.
ET si les vélo-taxis se développaient dans les villes, ils seraient la solution idéale pour les déplacements des gens âgés en centre-ville, permettant du porte-à-porte trés intéressant lorsqu'on est moins jeune. Les maires de nos villes devraient penser à ces solutions "bonnes pour tout le monde".
Écrit par : Michèle | mercredi, 23 janvier 2013
Je ne vois pas quoi ajouter aux commentaires précédents, sinon un "bravo" et un "merci" amplement mérités.
Écrit par : Jean-Jacques | jeudi, 24 janvier 2013
Je suis tombé sur votre article et j'ai pris un grand plaisir à le lire. Il est vrai qu'aujourd'hui l'offre n'est pas suffisamment adaptée et la communication autour de certains produits inexistantes. Ajoutons à cela les difficultés que l'on dresse face aux industriels qui cherchent à faire un effort ... Dans cette démarche, je souhaitais vous faire suivre un lien vers un témoignage de construction d'un vélo adapté pour mon beau-frère, en espérant que la lecture de cet article vous plaira autant que j'ai eu de plaisir à parcourir votre blog.
Écrit par : Christophe GARDINOT | dimanche, 26 mai 2013
UN APPEL. Peut-être allez-vous voir mon passage ici et là pour essayer de trouver une ou des solutions pour faire évoluer positivement les très lourds manques de mobilité. Depuis environ un an, je travaille sur un projet de construction d'un prototype de stabilisateur de vélo que je pense pouvoir tester d'ici le début de 2014.
Mes compétences techniques sont celles d'un papy de 78 ans qui a connu une petite notoriété en étant écrivain (publié par mes soins), conteur, poète, conférencier ... Permettez-moi de ne pas citer la liste des handicaps qui font qu'aujourd'hui je ne peux plus conduire ma voiture, ni monter à vélo à cause des déséquilibres récurrents que j'essaye de gérer le mieux possible, mais voilà, il y a une odeur d'impossibilité à venir très prochainement et que l'on nomme "La Mobilité Réduite". Elle ne battra en brèche que lorsque je pourrai sortir de chez moi, sans avoir à prendre un taxi pour aller à l'arrêt d'autobus le plus proche, à l'aller et au retour ...
Ceci est un cri que je lance à toutes les personnes qui sont dans mon cas, quant à leur mobilité acquise ou à venir. A notre âge nous n'avons plus ce qui faisait de nous des êtres réactifs, prompts dans nos interventions, mais nous sommes encore là, avec nos connaissances, nos compétences, nos expériences, nos savoir-faire; tout cela doit continuer et nous donner de bonnes raisons de vivre pour servir la Société dont nous sommes des membres à part entière.
Le moment venu, je ne manquerai pas de vous adresser un shéma de montage et des photos pour le construire vous même ou le faire construire par le collectif à prix coûtant.
Voila ce que j'avais à dire en ce matin du 11 novembre 2013. Joignez-vous à nous ! Contact : foyaler-at-free.fr
Écrit par : Guy OLIVIER | mercredi, 13 novembre 2013
j'ai des difficultés pour me déplacer, je cherche un vélo à trois roues d'occasion à petit prix, pas plus de 100 euros. Département de l'Hérault. Ecrire à Isabelle qui transmettra.
Écrit par : montagut | vendredi, 13 juin 2014
Bonjour Madame, Monsieur, je suis à mobilité réduite et j'aimerais bien m'acheter un tricycle électrique. Pourriez-vous m'indiquer une adresse sur PARIS ? Bien cordialement.
Écrit par : BARTHELEMI | vendredi, 26 septembre 2014
bonjour, suite à un AVC ma maman a une mobilité réduite mais aimerait trouver un vélo tricycle électrique neuf ou d'occasion. J'aimerais de l'aide pour le choix et savoir où trouver ce genre de vélo? Merci pour les éventuelles informations.
Écrit par : Figueroa | lundi, 05 janvier 2015
Bonjour,
Étant atteint d'une SEP (sclérose en plaque) depuis plus de 22 ans, j'ai de la peine à marcher et surtout j'aimerai reprendre le vélo pour me muscler les jambes.
Le tricycle pliable est très cher, je suis au chômage et n'ai pas les moyens...
Avez-vous des conseils et/ou adresses à me communiquer afin d'avoir une aide.
Cordialement.
Denis
Écrit par : Van Belle | mardi, 17 mars 2015
A tous qui implorez des réponses à votre recherche de "solution de mobilité" je suis affolée de constater que je n'ai pas de réponse. Il y a certainement des artisans qui fabriquent ce dont on a besoin, il y a certainement des machines adaptées en Allemagne... comme j'en ai vues au salon Spezi, mais ce dont je suis sûre, c'est qu'il n'y a pas de subventions nationales pour ça... Je m'étonne cependant de voir qu'aucun organisme public ne réponde à vos demandes, alors même qu'ils lisent ce blog !
Quant au CEREMH, il n'est malheureusement pas un organisme public et ne reçoit plus d'aide de l'état pour être centre de ressources. Au point que les demandes d'aide sont parfois traitées par les salariés, bénévolement le soir et les WE …
Écrit par : Isabelle | mardi, 17 mars 2015
J'ajoute que si cela vous est possible vous devriez aller au salon Autonomic : Toulouse le 26 mars, Lyon en juin, Lille en décembre. La société Evol-mobilités ( http://www.evol-mobilites.com ) y est et pourrait vous intéresser.
Écrit par : Isabelle | vendredi, 20 mars 2015
J'ajoute encore que ceux qui le peuvent doivent absolument se rendre au salon SPEZI, dans la petite commune de Germersheim (en Allemagne, pas si loin de Strasbourg) les 25 et 26 avril. C'est un salon extraordinaire sur les "vélos spéciaux", qu'ils soient, justement, pour tous les déficients en mobilité, comme pour toutes les nouvelles sortes de vélos et tous ceux qui sont adaptés aux différents métiers. Lien dans ma signature. Ils en sont à la 20° édition. Je ne peux rien de plus pour vous.
Écrit par : Isabelle | mercredi, 25 mars 2015
Les commentaires sont fermés.