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vendredi, 22 novembre 2013

Le vélo entre associations et firmes urbaines

En voulant étudier les vélos en libre-service, Maxime Huré est tombé sur les associations. Il s'est rendu compte que c'est elles qui, au début, ont créé le savoir sur le vélo urbain, et que ce sont leurs membres qui en sont devenus les responsables. Il a été fasciné par la promiscuité, et même la confusion, qui a existé dans ce domaine entre les lieux du pouvoir et ceux de la représentation des cyclistes. Ce qu'il en dit est une belle reconnaissance, à quelques exemples près. La prise de pouvoir des grands groupes de mobilier urbain, dans la période récente, a chamboulé cette donne. 

Les réseaux transnationaux du vélo : 
Gouverner les politiques du vélo en ville

De l’utopie associative à la gestion par des grandes firmes urbaines (1965-2010)
Par Maxime Huré, thèse de doctorat de science politique
présentée et soutenue le 4 octobre 2013.


C'est la première partie de la thèse de Maxime Huré qui m’a particulièrement intéressée. C’est celle où il développe ce qu'il a découvert en enquêtant sur les vélos en libre-service, à savoir que la connaissance et les savoir-faire sur le vélo en tant que mode de déplacement sont venus du milieu associatif. 

Il le montre notamment via Bruxelles et le GRACQ, d’où nombre de responsables vélo sont issus. Le savoir s’y est créé d’abord via les nombreux voyages d’études réalisés par Jacques Dekoster au nom de son association. Il cite nombre de professionnels qui ont été recrutés parce qu’ils avaient été repérés comme associatif. Il donne aussi des exemples de proximité, voire de confusion, entre profession et engagement associatif, ou entre responsabilités publiques et responsabilités associatives. Mais c’est bien le milieu associatif, la fédération européenne des cyclistes, ECF, qui organise le congrès international annuel Velo-city, lieu unique où se rencontrent chercheurs, professionnels, politiciens et techniciens … 

Si son large panel (Belgique, Nord, Grenoble, Strasbourg …) lui permet d’étayer sa thèse sur le rôle du milieu associatif dans la construction de l’expertise et dans l’émergence d’un milieu professionnel, il se peut que cela l’ait amené à tordre un peu la réalité. Car si sa thèse semble probante pour Lille et Bruxelles, elle ne l’est plus aussi nettement pour Paris, du moins dans les exemples donnés.

La naïveté, le devoir de réserve, l'éloignement entre rencontre et rédaction… en sont peut-être la cause à l'occasion. Le texte rappelle pas mal de faits, vus souvent par le récit qu’en ont fait les protagonistes à un jeune homme qui ne les a pas vécus. Cela donne des récits étonnants. Ainsi révèle-t-il par exemple que c’est l’Etat qui a eu l’idée d’un Club des Villes Cyclables. Ainsi laisse-t-il Jean Chaumien expliquer son rôle dans l’arrivée à vélo des deux ministres (1)  au salon du Cycle, ou qu’on lui doit l’article 20 de la Loi sur l’Air. Quelle est la part de la naturelle vantardise ?

En tous cas il dit aussi que j’ai été recrutée par le cabinet de Michel Barnier (fin 1993) en tant que représentante des associations, et cela est faux (et d’ailleurs j’y ai régulièrement été présentée alors comme «ancienne de la DATAR», ce qui n'avait d'ailleurs joué aucun rôle non plus). Il aurait été exact de dire que ma vocation s’est créée grâce au MDB de Jacques Essel, mais mon expertise ne lui doit rien. Mon premier «fait d’armes» médiatisé (le premier palmarès des villes cyclables, 50 millions de consommateurs, juin 1990) était le fruit d’un voyage effectué en 1989 en mon nom propre, voyage qui en a précédé de nombreux autres, toujours à mon compte.

Il est trompeur également de dire que nous avions créé l’association Vélo 15 par réaction contre les partenariats contraignants qu’aurait entretenus le MDB avec la mairie de Paris et ses finances. Nous l’avions créé parce que nous désirions agir plus concrètement. C’est aussi pour ça que j’en ai fait mon métier. 

L’historien devra donc croiser avec soin le récit dit par les héros et les récits des observateurs contemporains des faits !

Le riche sommaire et une écriture plaisante rendent cependant bien tentant de tout lire. Mais lire 500 pages à l’écran n’est évidemment pas envisageable.  S’il devait y avoir publication il faudrait contrôler certains points, mais ceux qui n’ont pas vécu cette époque devraient lire cette thèse, sans attendre la parution (si jamais un jour elle survient) d’un livre encore en préparation sur l’histoire de cette période.  


Résumé officiel

résumé-image.png

 

Sommaire (simplifié)

 1 : Un espace d’échange associatif transnational pour dé́velopper les politiques en faveur du vélo dans les villes européennes (1965-1983)

Les associations d’usagers dans la mise à l’agenda des politiques du vélo en ville

La formation d’un espace transnational d’experts associatifs du vé́lo urbain

Conclusion : Des é́changes transnationaux associatifs pour transformer l’action publique urbaine

 

 2 : L’affirmation des pouvoirs urbains au sein de l’espace transnational du vélo (1984-1997)

De la dé́centralisation d’une compé́tence à l’affirmation d’une expertise urbaine du vélo

Des réseaux de collectivités pour gouverner les politiques du vélo

Conclusion : Un espace transnational pour gouverner les territoires urbains ?

 

 3 : L’espace transnational et la gestion des politiques de vélos en libre service (1998- 2010)

L’ouverture des politiques du vélo aux opérateurs privés

Des vélos en libre service pour renforcer le pouvoir des é́lus urbains

Conclusion : Un espace de ré́gulation politique des services urbains

 

Conclusion gé́né́rale : La prise de pouvoir des villes à vélo



Thèse complète (pdf). Ainsi va l'Université … je viens d'apprendre (23 novembre) que l'Université Lyon-2 n'autorisait plus aucune mise en ligne de la thèse pour le moment. Elle l'a aussi retirée de son site ! A défaut, retrouvez-nous sans attendre ici ...

Maxime Huré 
Post-Doctorant Centre Max Weber (UMR 5283) -
ENS Lyon ANR VEL'INNOV
Enseignant Sciences Po Lyon
 

(1) Corinne Lepage et Anne-Marie Idrac. Aucune des deux n'en avait l'habitude, et cela se voyait. Heureusement pour elles ce n'était que pour la photo, mais cela se voyait aussi !

Commentaires

Bonjour, sur la dernière remarque, une idée de cadeau à mettre au fond d'une sacoche : évidemment que si, lire 500 pages à l'écran, à l'écran d'une liseuse, est tout à fait envisageable (en format pdf, epub), et ainsi elle permet même d'emporter toute une bibliothèque à vélo, soit des milliers et des milliers de pages, avec plusieurs semaines d'autonomie, un rêve de pas mal de cyclos je crois! A lire donc, en effet sans attendre! Ou alors pour Noël.

Écrit par : Laurent V. | samedi, 23 novembre 2013

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