lundi, 06 juillet 2015
Petit toilettage de code
Un décret relatif aux règles du code de la route applicables aux cyclistes, et à leurs camarades tentés par leurs espaces, vient d'être publié.
Comme souvent il n'est pas facile d'être certain d'avoir tout compris, mais on voit bien qu'il prétend mieux protéger les espaces dévolus aux modes actifs, tout en introduisant "une certaine souplesse", autoriser certains comportements vitaux, sans aller assez loin, et en finir avec les réticences concernant les double-sens cyclables. Ce sont des réformes à petits pas qui vont dans le bon sens.
Décret n° 2015-808 du 2 juillet 2015 relatif au plan d'actions pour les mobilités actives et au stationnement
Objet : adaptation des règles de circulation routière en vue de sécuriser et de favoriser le cheminement des piétons et des cyclistes.
Le décret contient des mesures attendues depuis longtemps, et appliquées de facto depuis autant.
Le chevauchement d'une ligne continue est autorisé pour le dépassement d'un cycle par un véhicule à moteur, sous réserve de visibilité suffisante. (art. 4)
Il joue sur les mots.
Après les mots : « Les conducteurs de cycles peuvent circuler sur les aires piétonnes, », sont insérés les mots : « dans les deux sens» (art. 13).
Or il n'y a pas de sens du tout dans une « aire » même si la plupart de celles qui ont été réalisées en France sont plus des rues que des places. Application 1er janvier 2016.
Il donne l'impression de régulariser des pratiques anciennes et indispensables, les rendant par ce biais publiques, mais, ce faisant, il interdit de fait tout ce qu'il n'a pas mentionné.
« Sur les voies où la vitesse maximale autorisée n'excède pas 50 km/h, un conducteur de cycle peut s'écarter des véhicules en stationnement sur le bord droit de la chaussée, d'une distance nécessaire à sa sécurité. » (art. 3)
C'est enfin l'autorisation en ville de ne pas rouler dans la zone d'ouverture des portières, ou dans le caniveau, mais c'est aussi l'interdiction de s'éloigner du bord droit sur les routes à plus de 50 ... alors que la préservation de notre sécurité nous y oblige absolument !
« Un conducteur de cycle peut s'éloigner du bord droit de la chaussée lorsqu'une trajectoire matérialisée pour les cycles, signalisée en application des dispositions de l'article R. 411-25, le permet. »
S'il y a un marquage cyclable (chevrons ou équivalent, sans valeur de police) le cycliste est autorisé à le suivre même si il n'est pas collé à droite... mais s'il n'y en a pas le cycliste n'a toujours pas le droit de s'éloigner ... ce qu'il doit pourtant faire s'il veut que tout se passe bien (voir le franchissement des rond-points, par exemple, ou l'anticipation de déboitements). Heureusement il n'a pas été rendu obligatoire de suivre ces marquages... qui parfois indiquent des trajectoires très dangereuses !
Il répare certaines erreurs de conception ou de rédaction
Les sas pour vélos sont enfin interdits à tous les véhicules motorisés (art 8), conformément à ce que tout le monde croyait, mais on peut les y autoriser explicitement (art. 9). Application 1er janvier 2016, maintenant que les mauvaises habitudes sont bien prises.
Il facilitera la prise de certaines décisions municipales, et la vie de tous les jours.
« Lorsque la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 30 km/h, les chaussées sont à double sens pour les cyclistes sauf décision contraire de l'autorité investie du pouvoir de police » (art. 5).
Il s'agit donc des rues limitées à 30, ainsi que des aires piétonnes et des zones de rencontre (art 13)
Pour les premières cela pourrait faire un pied de nez aux maires qui déclassaient leurs zones 30 en rues à 30 pour ne pas avoir à y autoriser le double-sens vélos. C'est aussi une manière d'avancer plus vite, puisque toute vitesse modérée est gage de sécurité.
L'article 11 précise un certain nombre de points concernant le stationnement ou la circulation des véhicules motorisés.
Le stationnement est désormais interdit dans les 5 mètres (la longueur d'une auto) en amont des passages piétons, afin de renforcer la visibilité mutuelle. (La Ville de Paris projette d'ailleurs de s'assurer du respect de cette règle par l'élargissement des trottoirs à cet endroit).
Les véhicules de nettoyage, de ramassage des déchets, de travaux de voirie... ont le droit de « circuler et s'arrêter » sur les bandes cyclables, pistes cyclables et voies vertes, ce qui ne peut qu'être mal perçu par les cyclistes en ville, mais correspond, pour les voies vertes, à ce pourquoi Jean-Louis Pons, l'ancien responsable (non remplacé) de la mission véloroutes et voies vertes, s'est beaucoup démené (1), afin de lever certains refus d'en créer reposant sur le pragmatisme de leur usage.
Il tend à alourdir les pénalités financières attachées aux infractions de stationnement sur les trottoirs ou au-dessus « des accès signalés à des installations souterraines ».
*
(1) "La goutte d'eau, ce fut de voir qu'il n'arriverait pas à obtenir la modification de la définition officielle des voies vertes." dans Jean-Louis Pons prend la tangente.
Le texte se trouve sur Legifrance.
Il a été publié au Journal Officiel du 4 juillet 2015, à la page 11306.
Il est applicable immédiatement, sauf pour les points où il ne le sera qu'au 1er janvier 2016. Le Club des villes et territoires cyclables souligne en contrepoint que l’arrêté modifiant l’Instruction interministérielle sur la signalisation routière doit être publié sans délai, sinon plusieurs de ces dispositions ne pourront pas être applicables.
On espère que tout ceci fera l'objet d'une campagne de communication, qui permettra aussi, peut-être, de comprendre certains articles :
Le premier alinéa de l'article R. 412-38 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent comporter un signal lumineux jaune indiquant leur mise en service. » (Article 7) et de voir où se trouve la création de la voie à chaussée centrale banalisée (c'est-à-dire le chaucidou), qu'a relevé le Club des villes cyclables.
Peut-on même suggérer une remise à niveau générale du code de la route applicable aux cyclistes et aux amis des cyclistes ? Ce serait peut-être utile, et constituerait un pas vers "une autre conception des espaces urbains, dans toute leur diversité, et des services qu’ils rendent aux usagers", selon les mots de P. Serne, président du Club.
Au moins le CEREMA nous informe-t-il à l'instant que des fiches d'accompagnement sont en cours de finalisation « au niveau de la DtecTV ». Leur objectif est de recontextualiser les modifications réglementaires introduites, de les expliciter et de donner les premières indications de mise en œuvre possible. Patience donc.
17:59 Publié dans Réglementation | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Le chaucidou c'est aussi sioux...
C'est dans l'article 13 où l'accotement devient accessible aux cyclistes en agglo (il ne l'était que hors agglo). Donc la bande de rive du chaucidou qui est un accotement revêtu est circulable à vélo (contrairement aux véhicules motorisés qui peuvent par contre y stationner s'il n'y a pas d'interdiction)
Écrit par : Bosvieux | lundi, 06 juillet 2015
On ne pouvait guère faire plus compliqué ! Au lieu d'appeler les choses simplement. Bravo et merci !
Écrit par : Isabelle | lundi, 06 juillet 2015
Sur les voies à plus de 50 km/h, le cycliste n'est pas tenu de ne pas s'écarter du bord droit, puisqu'il est autorisé, sauf exception, à rouler à deux de front : le second sera nécessairement éloigné du bord droit !
Écrit par : Maurice Duprez | mardi, 07 juillet 2015
sauf qu'ils ne sont autorisés à rouler à deux de front que lorsqu'il n'y a aucun danger ! Voir les illustrations de ma revue de presse de mai dernier, avec cette légende : Pourquoi rouler à deux de front quand une voiture veut doubler, au mépris du code de la route?
Écrit par : Isabelle | mardi, 07 juillet 2015
Merci pour cette excellente synthèse d'un décret dont personne ne parle, et surtout pas les media.
Des avancées, certes, mais le sentiment confus que la montagne a accouché d'une souris.
Il manque quelques propositions du PAMA :
1. Modifier l’article R413-3 du code de la route pour affirmer qu’en agglomération la voirie est hiérarchisée avec des vitesses limites de 50 km/h, 30 km/h, 20 km/h ou à la vitesse du pas, qui sont adaptées aux usages et au contexte de la voie et que ces limitations peuvent être généralisées à l’ensemble de l’agglomération (mesure 7).
2. Encadrer légalement la signalisation au sol, bien mieux lue par les usagers que les panneaux de signalisation sur le côté, et rendre ces derniers facultatifs (mesure 7).
3. Étendre le cédez-le-passage cycliste au feu rouge pour d'autres mouvements que tourner à droite ou aller tout droit (si absence d'entrants à droite) (mesure 9).
Il faut encore et toujours veiller au grain.
Écrit par : Quentin | mardi, 07 juillet 2015
Merci, chère Isabelle de cette présentation.
En ce qui concerne les voies vertes, rien de nouveau sur la modification du "décret voie verte", sauf que les voies vertes peuvent être désormais nettoyées et entretenues par des véhicules motorisés, de même que les bandes cyclables et autres pistes cyclables.
(cf article R 110-2 du code de la route)
Écrit par : Jean-Louis Pons | mardi, 07 juillet 2015
Un texte pour autoriser la réalité incontournable ! En tous cas il n'est pas étonnant que personne ne connaisse le code, il faudrait se décider à tout remettre à plat et en français, quitte à y passer du temps !
Et désolée pour les voies vertes, j'ai péché par optimisme, en effet les autos des riverains et mariniers, les engins agricoles, par exemple, n'y sont toujours pas admis.
Écrit par : Isabelle | mercredi, 08 juillet 2015
Merci pour cet article. Concernant les DSC, que faire en entrée de rue à 30 km/h lorsque le panneau sens interdit n'a ni panonceau "sauf cycle", ni panonceau "y compris cycle suivant arrêté municipal xx" : on a le droit d'y aller ou pas ? Merci pour cet éclairage.
Écrit par : Nicolas C. | samedi, 11 juillet 2015
Hélas .... j'ai presque envie de laisser les responsables du ministère vous répondre, tellement c'est idiot.... Hélas, la réponse est non ... Il faut quand même un arrêté et les panneaux; les communes ont l'obligation de décider de les mettre, mais tant qu'elles ne l'ont pas fait le DSC n'existe pas.
Écrit par : Isabelle | samedi, 11 juillet 2015
Merci pour la réponse sur le DSC . J'en profite pour solliciter un autre éclairage quant à la modification de l'article R415-15 et notamment la suppression du terme "aux intersections" au 1er alinéa. J'en déduits que cette modification s'applique au cas d'un feu tricolore gérant une traversée piétonne. Auparavant interdit, un panonceau autorisant les cyclistes à aller tout droit malgrè le feu rouge serait donc maintenant autorisé ? Y a-t-il d'autres cas ou subtilités à comprendre ? Merci par avance.
Écrit par : Nicolas | dimanche, 12 juillet 2015
"L'autorité investie du pouvoir de police peut décider de : 1° Mettre en place sur les voies équipées de feux de signalisation une signalisation distincte destinée à une ou plusieurs catégories de véhicules ou indiquant une ou plusieurs directions ou remplissant ces deux fonctions de manière concomitante ;"
Un feu posé en-dehors d'une intersection peut en effet être muni d'une autorisation de franchissement pour les cyclistes (ou, d'après ce texte, pour les autocars, tanks, etc.). C'est le cas de feux protégeant un passage "protégé", comme vous le supposez. Auparavant pour le rendre franchissable par les cyclistes il fallait poser le feu à gauche d'un couloir pour les vélos, ou les feux au-dessus de chacune des voies. C'est en quelque sorte la fin du traitement par voies (voie bus, voie vélos, voie de droite, etc) au profit d'un traitement par type de véhicule.
Écrit par : Isabelle | dimanche, 12 juillet 2015
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