Isabelle et le vélo

Retour sur ses objectifs et son histoire, et présentation de ses activités actuelles. 

Au début des années 1990, à Bruxelles, il n’y a presque plus de cyclistes. Les rares qui se rencontrent dans la rue se saluent, comme le feraient des rescapés d’un cataclysme. Et c’est bien la situation dont hérite la région bruxelloise à sa création, après 30 ans de politique autoroutière nationale à Bruxelles : les autoroutes sont dans la ville, les voitures sont partout, et cela décourage la plupart des cyclistes potentiels.

Heureusement, quelques intrépides résistent encore et toujours à l’envahisseur. Parmi eux, la figure emblématique est Jacques Dekoster (photo), fondateur dès 1975 de l’association de fait GRACQ, Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens, dont le nom indique le programme et qui s’enregistrera un peu après la création de Pro Velo en 1992. Du côté néerlandophone, la résistance est menée par ‘t Greun Veloske, « le petit vélo vert », dont les figures sont Agnès Loonis et Piet Slosse, lesquels contribueront à fonder le Fietsersbond quelques années plus tard.

En mai 1991, profitant d’une subvention de la Fondation Roi Baudouin, GRACQ et Greun Veloske organisent ensemble le premier « Re-Cyclons à Bruxelles / De Binnenband » : une balade à vélo homérique, destinée à porter la bonne parole cycliste aux 19 maisons communales de Bruxelles.

En mai 1992, la Région bruxelloise soutient la deuxième édition de l’événement, qui rassemble cette fois-ci d’abord les cyclistes dans leurs communes respectives avant de converger tous ensemble pour une grande balade vers le centre-ville. Deux jeunes juristes cyclophiles participent activement à l’événement : Peter Lombaert à Ixelles et Jean-Luc de Wilde à Schaerbeek. Après l’événement, ils n’ont qu’une envie : créer un cadre bilingue et professionnel propice au développement d’autres actions de promotion de l’usage du vélo à Bruxelles.

Parallèlement à cela, le cabinet du Ministre régional Jean-Louis Thys fait savoir aux cyclistes bruxellois qu’il souhaiterait leur confier la mission de concevoir un réseau d’itinéraires cyclables régionaux, qui pourrait être intégré au plan régional de déplacements.

Jacques Dekoster rassemble pour ce faire trois cyclistes susceptibles de l’aider dans cette tâche difficile : Ulric Schollaert, traducteur et étudiant en urbanisme, Joachim Bergerhoff, étudiant très féru de systèmes de mobilité, et Patrick Frenay, géographe, assistant à l’université et expert à l’Institut belge de sécurité routière (ISBR)

En juillet 1992, deux réunions suffisent aux six protagonistes, auxquels s’est rajouté Burckhard Doempke, interprète et cycliste au long cours, pour se mettre d’accord sur les statuts de l’asbl (association) Pro Velo dont ils seront tous administrateurs. Le nom de la nouvelle entité paraît simple à retenir et passe bien dans les deux langues de la région.

L’objet social est simple : « La promotion d’une mobilité respectueuse de l’homme et de son environnement, principalement à vélo. » Les statuts de l’association sont publiés le 8 août 1992. Peter Lombaert en devient président, Jean-Luc de Wilde secrétaire et Patrick Frenay trésorier. Joachim dessine le premier logo. Le siège est chez Ulric et les réunions ont souvent lieu chez Burckhard. Jacques est l’expert en chef.

Dès le départ, la vocation de l’association se différencie de ses sœurs GRACQ et Greun Veloske en ce qu’elle ne se positionne pas comme revendicatrice d’une place pour le vélo auprès des autorités, mais comme un opérateur de politique cycliste, une équipe de personnes qui se rassemblent pour mettre sur pied des services favorisant l’usage du vélo.

Dans la foulée de la création de l’association, trois événements marqueront encore l’année 1992 :

• Mi septembre, l’organisation par Patrick Frenay, pour l’IBSR, d’un voyage d’études sur les aménagements cyclables à Strasbourg, Bâle et Berne. La Région de Bruxelles-Capitale y invite un fonctionnaire par commune. La Région wallonne y est très bien représentée également. Quatre membres fondateurs de Pro Velo s’y instruisent des très inspirantes bonnes pratiques suisses ;

• La Conférence Vélo Mondial, fin septembre, à Montréal. Jean-Luc y représente la Région. Il y retrouve Agnès Loonis et Piet Slosse, qui comme lui sont émerveillés par l’ambition de l’association Vélo Québec et par les possibilités d’action dans des domaines aussi divers que les itinéraires à longue distance, l’éducation au vélo ou le stationnement. Ils y participent au premier « Dring Dring » des collègues québécois, concept repris en 1994 à Bruxelles.

• L’attribution à Pro Velo par la Région de la mission d’étude du réseau cyclable bruxellois, à laquelle s’attèlent Jacques, Ulric et Joachim.

En mai 1993, Peter et Jean-Luc prennent en mains l’organisation du troisième « Re-cyclons à Bruxelles / De Binnenband » sur le thème « Les mystères verts du Nord de Bruxelles ». Au départ du centre culturel « De Markten » au Vieux Marché au Grain, des guides se succèdent pour emmener des groupes d’une vingtaine de cyclistes vers les parcs de Jette, Berchem et Molenbeek. Le concept de vélotour guidé est né. Les Chemins de fer (SNCB) amènent un camion de vélos à louer pour l’événement, mais ne veut pas entendre parler de louer des vélos au centre de Bruxelles, prétendant que cela ne marchera jamais…

Durant toute l’année 1993 se poursuit l’étude des itinéraires cyclables régionaux. Joachim est remplacé au CA par Agnès Loonis, laquelle étudie les possibilités de développement de stationnement vélo dans la Région. Elle propose un modèle de range-vélos compacts inspiré d’un modèle québécois, sur lequel peut tenir un affichage publicitaire. Le concept est adopté par la jeune firme ACKA (Affichage culturel / Kulturele Aanplakking) d’Andy Wyckmans, qui développera le premier réseau de stationnement vélo à Bruxelles, et qui sera pendant des années le partenaire promotionnel privilégié de Pro Velo.

En 1994, Jacques et Ulric sont aidés pour finaliser leur travail sur les itinéraires cyclistes radiaux (ICR) par Marianne Thys (future secrétaire de la Commission Régionale de Mobilité) et Sylvie Varlez (future présidente du GRACQ). Un magnifique réseau de 16 itinéraires cyclables radiaux et trois rocades est proposé pour figurer dans les futurs plans régionaux de développement et de mobilité. Plusieurs itinéraires convergent vers le centre-ville par la rue de la Loi. En outre, en comparant Bruxelles avec d’autres villes similaires, on s’aperçoit que la part modale du vélo pourrait atteindre 10% des déplacements mécanisés. Venant de moins de 1%, c’est évidemment très ambitieux, donc motivant !

En mai 1994, le « Re-cyclons à Bruxelles / De Binnenband » repart du centre-ville sur le thème « De châteaux en abbayes », vers La Cambre, Uccle et Forest. Plusieurs centaines de cyclistes se succèdent tout au long de la journée, qui devient populaire. Dans la même semaine, le mercredi, est organisé le premier Dring Dring bruxellois. Deux stands, l’un à Mérode et l’autre à la Bourse accueillent les cyclistes tout au long de la journée. Le succès n’est pas foudroyant, mais il est amplifié par l’annonce du nouveau Ministre bruxellois des travaux publics, Dominique Harmel, venu à vélo à son cabinet, de son intention de créer une piste cyclable rue de la Loi. Rendez-vous est pris au Dring Dring 1995 pour son inauguration.

En juin 1994, une opportunité se présente : utiliser des crédits touristiques pour créer un service de location de vélos et de vélotours guidés. En juillet, ce service s’installe pour deux mois dans l’entrée cochère d’une maison de maître abandonnée appartenant à la Région, au 25 Boulevard du Midi, près de la gare du Midi. 20 vélos flambants neufs, un tour guidé chaque dimanche, sur les thèmes de nos trois derniers Binnenband, et un premier technicien pour tenir la permanence : Pierre Thon. Les longues journées mortes à attendre les rares clients dans cet environnement peu hospitalier n’ont pas dégoûté Pierre. Les premiers guides, Jean-Michel Pochet, Michaël de Borman et Monique André ont plus de succès, et l’idée de découvrir Bruxelles à vélo fait sont petit bonhomme de chemin.

En septembre, la Région se montre intéressée par le développement des initiatives de Pro Velo sur une base plus professionnelle et permanente. Une subvention est négociée pour payer 1,5 temps plein à partir du 1^er janvier 1995. Le conseil d’administration nomme Jean-Luc secrétaire général et engage Jeroen De Smet à mi-temps pour coordonner les activités en néerlandais.

Jean-Luc Dewilde

Depuis 1996

Éditions, vélodécouvertes, location de vélos dans un bus, observatoire du vélo, études, notamment « Rendre Bruxelles cyclable » grâce à un financement européen, éducation au vélo… se succèdent. Pro Velo est aussi amené à ouvrir et gérer des Maisons des cyclistes à travers le pays.

Voici quelques dates, tirées du diaporama présenté lors de la fête d'anniversaire :

1999 : Ouverture de la Maison des cyclistes, où GRACQ et Pro-vélo cohabitent.
2000 : Maison des cyclistes de Liège, opération « 1 mois à vélo », grève des camionneurs
2001 : Maison des cyclistes de Charleroi, ramassage scolaire, Beau vélo de Ravel (émission de radio)
2002 : Maison des cyclistes de Namur, 10 ans de Pro Velo, étude Vélo Plus, dimanche sans voitures et voie royale à bicyclette 
2003 : Maison des cyclistes de Mons, brevet cycliste, Velo-city Paris 2003, Véloparade

Aujourd’hui

Les objectifs de Pro Velo sont toujours d'améliorer la qualité et le cadre de vie en contribuant activement au transfert modal de la voiture vers le vélo.

Ce qui veut dire :

• Soutenir les cyclistes actuels et potentiels ;
• (ré)Apprendre la conduite à vélo ;
• Diffuser une image positive du vélo ;
• Soutenir la politique cycliste.

En pratique, les activités de Pro Velo se répartissent en six catégories d'activités :

• Pro Velo SERVICE : des services de proximité pour les cyclistes actuels et potentiels ;
• Pro Velo EDUC : un large éventail de formations ;
• Pro Velo TOUR : pour découvrir le vélo dans des conditions agréables ;
• Pro Velo @ENTERPRISE : pour faire entrer le vélo dans la culture d'entreprise ;
• Pro Velo R&D : un bureau d'étude et de recherche ;
• Pro Velo EVENT : des campagnes et actions grand public pour promouvoir le vélo comme mode de déplacement.

En 2012 Pro Velo emploie 70 personnes.

Site de ProVelo

Quelques photos de la fête d'anniversaire

Photos :  @AlainDereymaeker

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Le distinguo n'est pas toujours simple, mais pourquoi se cacher ?  Voir par exemple :

"Événement largement soutenu par la mairie, le Vélotour Marseille, sous ses aspects associatifs, est en fait une joyeuse opération commerciale."  "Moi je ne donnerais pas d'argent si c'était du privé [lucratif]." dit l'élu. "Manque de bol, on y est." répond le blog. Mais c'est opaque. (Mais aussi : en quoi ça gêne de payer si c'est du privé ?). Pourtant, "Cet événement, de l'avis de tous, est un succès. 200 bénévoles et 5 000 participants ont été annoncés l'an dernier, 10 000 sont prévus à l'occasion de Marseille 2013 pour en faire "le plus grand rassemblement cycliste de France"." Mars Actu 18 octobre 2012. 

Faire semblant d'être une association pour décrocher des contrats ? Est-ce parce que les clients ne sont pas prêts à payer le juste prix ?  ou à reconnaître qu'il y a service rendu ? Il y a bien d'autres exemples.

Is. L.