Isabelle et le vélo

Une approche «service»

Redonner du pouvoir d'achat aux citoyens, voici en résumé l'ambition du Territoire de Belfort. Il n'y a plus rien à attendre côté augmentation des salaires, alors organisons mieux ce qui peut l'être. D'autant qu'il n'y a plus non plus d'argent dans les caisses publiques.

En offrant un système plurimodal de déplacements, réaliste, simple, et qui donne envie, le Territoire vise à faire passer les habitants de la possession à l'usage de l'automobile. Le système Optymo est une offre de moyens de déplacement : automobiles (à remettre où on les prend et plutôt destinées aux parcours vers l'extérieur, moyens ou longs), autobus, vélos (dans des stations), transports à la demande, bus scolaires, bus spéciaux, véhicules pour personnes en fauteuil ... dont les droits d'utilisation sont liés à une carte électronique unique. La facturation est différente pour chacun des modes, le total se calcule et est débité après coup, et un plafond équivaut, pour ceux qui l'atteignent ou le dépasseraient, au prix d'un abonnement mensuel.

La carte Optymo : 

"Optymo, le meilleur moyen de joindre les deux bouts"

Tout trajet se paye, à l'unité, sans "gratuité ressentie". Si on fait attention, à la fin on ne paye même pas le prix d'un abonnement (qui, en lui-même, est une incitation à l'usage, doit-on rappeler). En revanche le prix mensuel est plafonné, de façon à vraiment encourager les gens à ne pas utiliser ni avoir de voiture. 

C'est le pragmatisme qui préside à l'opération. On teste, on ne sait pas encore combien il faut de voitures ni de vélos, on regarde. En tous les cas ce sont des techniques déjà connues qui sont utilisées, la différence c'est l'organisation. Voici une approche «services» et non «infrastructure». 

Pour l'instant (mais ça augmentera), une auto en libre-service est disponible tous les 150 mètres, et 10 stations attendent les cyclistes. Les bus ont tous une cadence de 5 ou 7 minutes, et sont beaux : tissus sur les sièges, peintures ... et priorité à tous les carrefours. Pas de dépenses somptuaires du genre tramway, pas d'écologie du genre bus électrique, mais de l'économie. 

Le système de vélos en libre-service

fourni par Smoove

 

Une approche strictement économique

Optymo table sur les autos pour remplir les caisses en faveur des bus. Les riches payeront un service de riche, lequel payera le service des pauvres, en quelque sorte. Le vélo et l'autopartage doivent financer et remplir les bus. Il s'agit bien d'un modèle économique, pour tous, qui n'a rien à voir avec l'environnement. Décrocher de la possession de l'auto implique d'avoir d'autres solutions pour tous les usages, proches ou moins, avec des affaires à transporter ou pas, et y compris les déplacements lointains, même épisodiques.

Le système, qui repose sur de l'informatique et quelques principes, est en gestation depuis presque 10 ans. Il n'est pas encore abouti. Au système de base pourront s'ajouter tous les modules qu'on voudra, pas à pas. Par exemple l'ouverture de garages à vélos. Optimiser, c'est par exemple le fait qu'il n'y ait plus aucun paiement dans les bus, assurant gain de temps aux arrêts et fin des attaques. C'est aussi ne rien négliger sur la communication, ce qui fait gagner, nous dit-on, énormément de non-captifs, de ceux qui payent le tarif normal.

Des moyens de déplacement pour tout le monde.

 

Déplacements et étalement urbain pour tous

On est loin des incantations parisiennes sur la baisse souhaitée des déplacements et sur la fin de l'étalement urbain. Christian Proust, président des TC de Belfort, est très clair : plus on est diplômé et riche, plus on se déplace. Il veut permettre de se déplacer à ceux qui ne se déplacent pas. 

 

"Optymo, le meilleur moyen de joindre les deux bouts"

On est loin aussi des grandeurs des «métropoles». ¼ de la population française vit dans une ville moyenne. Le concept Optymo s'y est développé, et ses promoteurs ne demandent qu'à le partager. Car si c'est bien sur le terrain que se font les innovations, c'est la coopération qui va les répandre et les poursuivre. Une société coopérative est donc en cours de montage, pour faire du conseil et de l'assistance à maître d'ouvrage. Il est destiné aux villes moyennes, c'est pour ça que Christian Pierret était là.

 

On est loin des grandes villes, où on devrait compter sur les vélos pour vider un peu les transports en commun… 

 

  Optymo    

Post-scriptum

Evidemment la puissance du vélo est sous-estimée là-dedans. Penser qu'il ne serve que jusqu'à 5 km, c'est d'abord ignorer que l'on fait facilement 8 à 10 km ; c'est aussi oublier que les villes moyennes n'atteignent pas 5 km de largeur... Le vélo peut servir à tous les déplacements en ville, pourvu qu'on lui retire les obstacles. Voici une belle façon de redonner du pouvoir d'achat aux concitoyens ! Et même sans carte. 

 

Ces messieurs

• Christian Proust : conseiller général, président du syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort
• Christian Pierret : maire de Saint-Dié des Vosges, président de la fédération des villes moyennes. 

A Strasbourg, bientôt une carte sans contact pour tous les modes de transport. MobiliCités, 20 février. Avec des informations sur d'autres systèmes d'abonnements multimodaux en France, aucun ne proposant le paiement à posteriori et selon l'usage. Aucun ne faisant explicitement non plus de raisonnement autre que de facilitation. Sont cités, outre Belfort, Montpellier et Lyon. 

Bruno Faivre d'Arcier, du Laboratoire d'économie des transports (Lyon) dit dans Ville, Rail & Transports de mars : "On peut se poser la question de savoir s'il est pertinent de conserver les abonnements. Si on offre un abonnement à prix très bas, on invite des gens qui auraient peut-être marché à prendre les transports publics."

Sur le prix à pratiquer, lire aussi Faut-il augmenter le prix des transports ? (décembre 2013)