La FFCT, Fédération Française de Cyclotourisme, publie la 5ème édition de son guide des aménagements cyclables. Elle en profite pour se positionner dans les domaines de l’expertise et de la formation.
Un manuel d’aménagement
La FFCT, illustre fédération des cyclistes randonneurs[1. Créée en 1923, la FFCT se présente volontiers comme « la plus importante association au monde gérant la pratique de la bicyclette de loisir », comme indiqué dans un dossier de 2008.], à connotation assez sportive, vient de publier la 5ème édition de sa Charte cyclable, diffusée au salon des maires de France. C’est un cahier 21 X 29,27 d’une centaine de pages largement illustrées. La première édition date de 2003, et une partie de l’équipe initiale est toujours là.
Pourquoi un tel document, pourquoi, surtout, ne pas se focaliser sur la conception des routes fréquentées par les cyclotouristes, des départementales aux vicinales ? Les ouvrages traitant de la ville, et d’ailleurs seulement d’elle, sont déjà assez nombreux. Pas du tout, nous répond Denis Vitiel, président de la commission Sécurité de la FFCT depuis 2012, la FFvélo[1. En mai 2018 la FFCT a eu la tentation de s’appeler FFvélo et en a gardé quelques traces par exemple dans son logo et ses adresses électroniques.] s’intéresse à « toutes les pratiques du vélo » depuis 2013 et n’oublions pas, ajoute-t-il, qu’elle est délégataire de l’Etat[1. La FFCT est délégataire du ministère des Sports pour « gérer le cyclotourisme » en France. Sur ce sujet on peut revenir à mon article Histoire du cyclotourisme, 2ème partie : 1939 – 1955.]. Certes, insiste Isabelle, mais vos licenciés roulent peu en ville. Taratata, répond-il à peu près, beaucoup font même toutes leurs courses à vélo, moi par exemple qui vis à Grenoble. Bon, bon …
Quelques exemples de documents techniques sur les aménagements cyclables en ville.
En tous cas l’ouvrage m’a paru plein de bon sens, et a le grand mérite de partir de l’expérience des « cyclos », comme ils se nomment entre eux. Les photos sont toutes issues du vécu, et sont toujours gratifiées des mêmes icônes depuis la première édition, du « très bien » au « très scandaleux ». Ce n’est pas un manuel à proprement technique, plutôt un guide d’appréciation au vu de la pratique. Il a deux défauts. Il est écrit très petit … contrairement à ses prédécesseurs, et les images ne sont pas toujours parfaitement explicites : il faut donc bien lire le texte qui va avec.
Il ne doit pas y avoir beaucoup de sujets oubliés. Le transport des vélos, la signalisation, les carrefours et les rond-points font l’objet de courtes ou longues, voire très longues, analyses. Le revêtement des voies vertes, l’emplacement du stationnement automobile, l’intérêt des double-sens cyclables … sont traités en expliquant bien le pourquoi des choix. Il y a même une proposition de nouveau traitement des rond-points qui semble vraiment prometteuse. Les différents cas compliqués, tels que les Tourne-à-Gauche (pour n’en citer qu’un) sont bien explicités, avec les références réglementaires, même s’il arrive que le texte tourne un peu autour du pot, à l’image de la difficulté à cerner certaines situations. A ce point je signale que j’ai même trouvé un endroit, page 90, où le cycliste avait été oublié, et un autre, page 73, ou l’appréciation ne figure pas clairement sur les croquis !!! Rien de grave, le lecteur doit participer, c’est même de la bonne pédagogie.
Une brochure pleine de bon sens
Les cyclos de la fédé ne sont pas très jeunes et pas tellement féminins[1. Sur les 11 co-auteurs il y a 10 hommes. La seule femme n’est elle-même plus toute jeune. Cela correspond bien à la sociologie de la fédération.], mais je ne suis pas sûre que cela se voie dans l’ouvrage. En tous cas je le préfère largement aux labels et trophées décernés régulièrement par la même fédération à des communes dont on ne voit pas clairement en quoi elles le méritent… à moins qu’il ne s’agisse de récompenser une certaine proximité ?[1. Je ne rends plus compte des labels et trophée de la FFCT tant ils semblent hors-sol.]. Ici le texte est clair, le glossaire m’a paru complet et exact[1. Le glossaire m’a paru bon, y compris par l’absence de la mention « Bande dérasée multifonctionnelle » remplacée par « surlargeur banalisée », pourtant inventée par la FFCT via son ancien président Jacques Vicart, et testée cet été par moi au nord de Dijon avec soulagement.], et si parfois les auteurs donnent, en encadré, leur avis, il n’est jamais en l’air.
Certes il n’y a pas non plus d’audace particulière, mais on y parle quand même de vélorue et de coronapiste. Il m’arrive même de ne pas être « tout à fait » d’accord, mais dans l’ensemble cela tient dans l’épaisseur d’une mine de crayon.
L’ouvrage ne remplacera pas le savoir-faire des ingénieurs ou chargés de mission, mais il guidera élus et techniciens vers des conceptions adaptées réellement aux usages prévus, ou les rassurera sur la pertinence des propositions qu’ils font ou qui leur sont faites[1. Comme il paraît lointain le temps où la FFCT publiait des recommandations pour les aménagements cyclables situées à l’exact opposé de ce qui était admis par l’ensemble des spécialistes ! Ou celui où elle se mêlait du jalonnement d’itinéraires qu’elle n’hésitait pas à faire passer par les grand-routes …] .
Il s’agit bien d’une « expertise d’usage« , tout aussi précieuse que les autres. Il y a néanmoins à la fin un tableau des panneaux de police, dont les « militants » vont raffoler à défaut de renseigner les concepteurs[1. Les numéros des panneaux, c’est au moins quelque chose que concepteurs comme associatifs engagés savent par coeur, et qui de toutes façons se trouve facilement. Le problème n’est d’ailleurs pas leur définition mais leur usage.], ainsi que les informations techniques existantes sur la largeur et la couleur des marquages, ce qui cette fois évitera aux râleurs de râler pour rien.
Alors, bien que la FFCT n’ait apparemment (avant de m’avoir lue, s’entend) aucune légitimité à publier un tel ouvrage, je vous le recommande sincèrement. Il sera offert aux présidents des clubs et aux contacts divers, et est disponible en ligne.
Voir et télécharger la Charte des aménagements cyclables.
Une offre d’accompagnement et de formation
Lors du Salon des maires la FFCT a également annoncé que son réseau de délégués à la sécurité (des gars bénévoles mais très expérimentés) est à la disposition des aménageurs lors de toute nouvelle étude ou modification d’aménagement cyclable, pour les conseiller dès la conception. Il est vrai que, d’après pas mal d’échos convergents, de nombreux bureaux d’étude ne connaissent pas leur sujet.
A terme d’ailleurs une offre de formation à l’attention des collectivités (élus et techniciens) sera proposée pour les aider à réussir leur politique cyclable à l’échelle de leur territoire. Ce sera par petits groupes et à la demande, sur deux jours, avec exercices pratiques et visites de terrain.
Ça va faire du monde sur le marché de la formation, entre le Cerema, l’ADMA, Viva-cité, Rue de l’Avenir, et tous ceux que j’oublie, et maintenant la FFCT… A qui le tour ?
Indépendamment de la qualité du contenu (le principe d’illustrer et expliquer les mauvais aménagements me semble par ex très bon), l’image de couverture ne donne pas envie d’aller plus loin. Qui laisserait ses enfants rouler seuls sur un tel aménagement? Il y a sans doute des endroits où la configuration des lieux empêche de faire mieux, mais le mettre en avant est surprenant.
Je crains que l’expertise d’usage des cyclotouristes (même s’ils sont aussi parfois velutilitaires ou velotaffeurs) ne soit pas la plus adaptée à l’aménagement pour tous et toutes dans leur diversité d’âges, de pratiques, d’aisance. Et typiquement les couvertures des éditions de 2003 et 2010 me semblent bien meilleures.
Etant Cyclosportif, cyclotouriste et vélotaffeur, en province, sans voiture, parcourant 20 000 km par an, depuis quelques décennies, en France et dans toute l’Europe (plus rarement hors Europe), je ne peut-être d’accord avec votre commentaire.
Il est bon de rappeler que les aménagements cyclables devraient être inclusifs. Hors, ces aménagements sont conçus principalement pour le vélo-urbain. En ce sens, ils sont souvent dangereux pour le cyclosportif. Moi même, avec le même trajet, en vélotaf ou en vélo de « course », j’utilise ou pas tel ou tel aménagement. Pire, comme j’ai pu l’entendre en commission d’aménagement cyclable : « les pistes doivent être conçues pour sécuriser les mineurs ». Si tu perd ta fille de 25ans, c’est donc moins grave que quand elle a 14 ans ? Je pense aussi à ma mère à la retraite qui s’est cassée l’épaule en tapant une barrière « antivoiture » sur une voie verte….
Si les accidents sont plus nombreux en milieu urbain (+ de pratiquants…), les décès se concentrent à la campagne (dont 80% hors intersection). (Bilan 2020 Sécurité Routière).
Quand à l’image de couverture, ça me rappelle la ville de Bénidorm, en Espagne, où j’ai pu y faire quelques milliers de kilomètres. Les bandes bidirectionnelles y sont en milieu de voirie, même sur des axes à 2 x 3 voies ! Tout Bénidorm est disponible sur Google Street-View pour vous faire une idée. Le seul regret, c’est que ce type d’aménagement n’existe pas dans le rapport de la FFVélo et je l’ai jamais vu en France.
Les différents pratiquants du vélo ne seront jamais d’accord car les pratiques diffèrent. Essayons d’être le plus inclusif possible (et se respecter les uns les autres) en commençant par ne rendre jamais obligatoire un aménagement cyclable (sauf cas particulier : tunnel, etc).
Au contraire, si les aménagements doivent convenir à leurs principaux destinataires, qu’il faut identifier, et s’il est idiot qu’ils ne puissent être utilisés que par eux, il est clair qu’ils ne peuvent convenir à tous (et que la liberté de choix doit être maintenue).
– Toute sécurisation implique contrainte (feux, détours etc).
– Les cyclo-sportifs ou rapides ne peuvent que gêner enfants et promeneurs. Imagine-t-on une vieille guimbarde ou un vélo sur la rocade de Troyes ? Ou une Ferrari sur une route vicinale de 3 mètres de large ? Oui, s’ils adoptent la vitesse et le comportement dominant. C’est pareil pour le vélo.
– Ce n’est pas le nom (auto, vélo) du véhicule qui compte, c’est l’usage qui est fait de ce véhicule. Les surlargeurs dérasées multifontionnelles sur grand’route sont une bénédiction pour les rouleurs rapides, en aucun cas pour les enfants à vélo ou débutants apeurés. Les cyclos peuvent être capables de passer certains rond-points, les autres cyclistes ont besoin de pistes aux priorités respectées, dont les cyclos ne supportent pas les arrêts répétés.
– C’est bien tous les lieux qui doivent pouvoir être atteints en sécurité, mais pas forcément par les mêmes itinéraires pour tout le monde.
Merci pour cet article. Je dois dire que je suis un peu … étonné par ce que j’y lis.
– photo de couverture : une bidir non séparée, centrale, coincée entre une voie bus et une voie de circulation générale : je doute que beaucoup d’assos cyclistes accepteraient un tel aménagement.
– p5, schéma en haut à gauche (quelle est sa source ?) : pistes cyclables réservées aux routes avec >11000v/j et/ou vitesses >70 km/h ; dit autrement, de simples bandes cyclables seraient acceptables pour des voies avec 11000 v/j à 65 km/h !! Je préfère de très très loin ce que le CEREMA dit à ce propos : Vélos-voitures, séparation ou mixité il faut choisir.
– p7: « en dehors de ces circulations apaisées, les bandes cyclables sont préférables aux pistes cyclables« , et cette opinion se retrouve souvent dans le document (« il vaut mieux faire des bandes que des pistes »). Opinion avec laquelle je suis largement en désaccord…
Je n’ai fait que survoler le reste des 125 pages – j’ai l’impression qu’il y a des choses tout à fait pertinentes pour les zones rurales et le tourisme à vélo – mais ces quelques points de départ m’interpellent.