Que direz-vous en 18 ?

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Rebondissant sur les « célébrations » de l’armistice de 1918, le président de la Fub s’interroge sur l’image que se feront nos successeurs qui célébreront le centenaire de l’année 2018. Nous serons alors en 2118, au même âge qu’aujourd’hui. En novembre 2018 … autour des rond-points et des banlieues, un mouvement quasi spontané dit des « gilets jaunes » …
Les cyclistes analysent la crise du prix de l’essence, et craignent que l’on se trompe de sujet. 
Petite revue des prises de position. 

Sylvain Tesson disait : « La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer ». Les commentaires sur twitter sont édifiants, quelqu’un rappelle la situation du Sahara, du Congo, du Rwanda, d’Haïti et d’ailleurs, et il lui est répondu « on s’en fout », tout en dé-crédibilisant l’auteur, un journaliste spécialiste du terrorisme. Celui-ci reprend : « Le beauf raciste est de sortie aujourd’hui ». 

A l’heure où je commence à rédiger ce billet, la mobilisation semble forte et les blocages réels. Pas de pitié pour ceux qui veulent ou doivent passer en auto.

Les cyclistes, depuis l’annonce de ce mouvement, il y a quelques jours, avaient commencé par rigoler. Ils s’étaient dit que si la circulation était bloquée ce serait formidable, ce serait le triomphe du vélo. Des velléités de manifestations en « vrai gilet jaune » étaient envisagées, puisqu’après tout le gilet jaune est surtout porté, en cette saison, par les cyclistes. 

Autant dire que ceci « sent mauvais ». Les voix pacifistes telles que celle du député Matthieu Orphelin tentant d’expliquer dans Ouest-France que le mouvement révèle un « ras-le-bol » plus général risquent d’être peu entendues.

Celle du Premier ministre aussi, qui parle d’addiction automobile et explique que « L’Etat a placé les Français dans une situation de dépendance à une énergie à la fois chère, étrangère et polluante ».

La Transition énergétique était indispensable, bien sûr, alors qu’attendions-nous? 

Rappelons ici que l’effondrement de la société Vicking au Groënland fut causée par leur incapacité mentale à renoncer à leur style de vie, à leur image d’eux-même, pour adopter celui des Inuits, leurs « envahisseurs barbares » d’ailleurs pacifiques. On les retrouva morts de froid et de faim. (Jared Diamond, Effondrement. Folio, livre qui souligne la complexité des facteurs qui entrainent la fin d’une civilisation). L’effondrement de l’île de Pâques s’expliquerait par leur non-perception de l’épuisement des sols et par les rivalités entre chefs. 

Le pouvoir redoutable de l’image et de la dérision

Alors là dedans, le président de la Fub fait ce qu’il peut. Sa lettre ouverte, argumentée et nuancée, se termine par cette phrase : « Espérons que, du 21ème siècle, on ne retienne pas un nouveau type d’aveuglement, celui du début du suicide collectif dans l’indifférence générale ». Elle a été publiée par France3 Grand-est dans un petit encadré. 

« Nous comprenons parfaitement les raisons qui poussent certains Français dans la rue, martèle Olivier Schneider. Ce que nous trouvons aberrant c’est le type en SUV ou en grosse berline qui se cache derrière son voisin nécessiteux pour justifier le gilet jaune derrière son pare-brise. »
Mauvaises politiques d’incitations à l’égard des plus démunis, aménagement du territoire erratique : pour lui, il est temps de saisir la balle au bond. De toute façon, rappelle-t-il plus prosaïquement : « taxes ou pas, on sera toujours soumis aux cours du baril de brut. Autant changer avant qu’il ne soit trop tard. »

Lire la tribune en entier
Que nous restera-t-il à commémorer en novembre 2118 ?
par Olivier SCHNEIDER, président de la FUB. 16 novembre 2018
Nous sommes entre le 11-Novembre et le mouvement des “gilets jaunes” du 17 novembre. Et je me pose une question : “Que pourrions-nous commémorer en novembre 2118?”
suite : Tribune de O. Schneider, nov. 2018

 

Gilets jaunes : « Et si les constructeurs automobiles payaient leur part ? »

Karima Delli, présidente de la commission des transports du Parlement européen, publiée dans le Nouvel Observateur, explique que, malgré le chômage persistant et la baisse des retraites, elle ne viendra pas manifester. « Parce que je n’ai aucune envie de participer à un bal des faux-culs », dit-elle.
« Ceux qui pourrissent, arnaquent et rackettent les automobilistes, ce sont les constructeurs eux-mêmes ». « Par réflexe, vous hurlez contre l’Etat, et vous n’avez pas complètement tort : s’il luttait à fond contre le dérèglement climatique, il consacrerait 100% du produit de ces taxes à la mise en place d’alternatives à la voiture individuelle. S’il était cohérent, il taxerait aussi le kérosène, le dernier carburant fossile non taxé : c’est ce scandale qui vous permet de passer des week-ends aux Canaries pour 15 euros. »
Elle termine : « Quant aux faux-culs qui se servent de vous tous les cinq ans pour bloquer le pays, méfiez-vous : maintenir le statu quo est dans leur intérêt, surtout pas dans celui de vous et vos enfants. »

L’article publié dans Slate explicite quant à lui le fait culturel de l’automobile, le « folklore automobile », objet d’identification qui se manifeste aujourd’hui dans ce qu’on appelle la France des périphéries, les villes moyennes, les banlieues, « la France des rond-points », tous ces lieux où le sentiment du déclin est fort. 

La Fub sera présente au Salon des maires de France. Pavillon 3.2, stand D76. Elle expliquera sans doute que « Le meilleur moyen de faire des économies, c’est d’enfourcher un vélo », comme écrit un associatif de Saint-Brieuc cité par Le Télégramme de Brest. Elle encouragera tout un chacun à trouver « des solutions alternatives » pour ne pas se ruiner à la pompe. Ou plutôt elle expliquera sans doute aux élus comment aider leurs concitoyens à ne pas être prisonniers de leur auto, ou de l’auto en général.  Il va falloir, il serait grand temps, les addictions ont la vie dure.

En attendant le « mouvement » peut déraper. « Combien de morts faudra-t-il pour que le gouvernement fasse la paix avec les Français ? » demande Nicolas Dupont-Aignan, puisqu‘il y a eu un mort parmi les manifestants ce matin en Savoie.

(Les articles du Nouvel Observateur et de Slate ont été repérés par Olivier Razemon).

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Bardet, Marie
5 années

Ceci étant, si depuis le début les taxes sur les carburants étaient utilisées pour la vraie transition écologique on n’en serait pas là. On pourrait avoir un réseau ferré digne de ce nom, des pistes cyclables en site propre, des parkings à vélos sécurisés etc etc …

5 années
En réponse à  Bardet, Marie

Où va l’argent ? voir le site La finance pour tous : dépenses par mission en 2018.

5 années
En réponse à  Bardet, Marie

Gardons en tête que le budget de l’État est en déficit depuis de nombreuses années. Les taxes sur le carburant ne permettent même pas d’équilibrer les comptes. Alors ce n’est pas pour le dépenser en « transition écologique » qui est, pour l’essentiel dans le cas des « gilets jaunes », un problème d’aménagement du territoire (dont le caractère collectivement suicidaire en France conduit à l’augmentation des coûts pour chacun !).

Bardet, Marie
5 années

Combien de morts faudra-t-il pour que le gouvernement fasse la paix avec les Français ? demande Nicolas Dupont-Aignan. Combien de morts à vélo pour qu’on puisse faire des aménagements corrects ??? La semaine dernière une cycliste a été écrasée en plein centre ville de Toulouse par un camion qui lui a roulé dessus !!

Vince
5 années

En lisant cet article je constate que la paix sociale n’est pas à l’horizon. Ce qui se joue avec les gilets jaunes c’est l’escalade vaine entre 2 parties de la population:
– la première est installée dans un schéma entretenu par les industriels : la voiture comme signe d’ascension sociale (cf Nicolas Mercat pour l’Asie).
– la seconde, constituée de ceux qui ont une conscience de l’impasse et pensent que le changement est urgent.
Plus les choses vont, plus le clivage se durcit. Les premiers se savent majoritaires mais en danger. Le gouvernement, en retirant l’avantage fiscal donné au gazole, a démontré que les préoccupations du 2ème groupe s’étendent au delà des écolos (qui étaient irritants mais non dangereux). Plus les seconds font entendre leur voix sur les changements radicaux à mettre en oeuvre « pour sauver l’humanité », plus les premiers se raidiront. Personne n’accepte de voir son modèle d’ascension sociale remis en cause sans broncher. Soyez surpris qu’ils s’organisent! Ils se mettent aux blocages de routes bien après les « vélorutions » des autres !
J’espère donc que les militants vélo changeront radicalement de stratégie. Il faudra découpler le vélo des enjeux sociétaux clivants et aller jouer sur le terrain des solutions concrètes influant sur le bien-être des gens et leur portefeuille: parler avec les élus de tous bords; accepter de renoncer à se regrouper sur les listes vertes d’opposition; continuer d’aller parler aux commerçants. Mais le faire en dehors d’un cadre politique clivant.
Il est urgent de montrer qu’on peut choisir de rouler à vélo sans être un militant. Il faut cesser de vouloir lutter vainement contre le fait que la voiture est le marqueur social dominant mais démontrer qu’une meilleure complémentarité est bénéfique pour tous. Pour parvenir à modifier les marqueurs sociaux il faut énormément de temps, que l’on n’a pas.
Nous, les usagers réguliers et militants de la cause vélo, acceptons de rester concentrés sur les aspects concrets touchant à la pratique du vélo. Laissons les enjeux sociétaux à d’autres. Il y a des moments où la fin justifie les moyens.

Stephdulub
5 années

Un véhicule léger de moins de 100 Kg et de 2 à 3 chevaux est amplement suffisant pour aller au travail à 80 Km/h, faire ses couses, etc. Consommation réduite moins de 2 l /100, voire un moteur électrique en assistance (vélomobile 25km/h). Ce type de véhicule est facile à construire, peu cher à grande échelle et permet de garder la liberté, l’autonomie de chacun. Cependant il y a deux freins principaux : le marqueur social de l’auto et le manque à gagner pour l’état, mais aussi pour l’économie de l’automobile.
En Norvège Podbike développe un vélomobile à assistance électrique. Cela me semble judicieux, car cela est trop coûteux de développer des transports en commun en campagne.

5 années
En réponse à  Stephdulub

Cependant il y a deux freins principaux : le marqueur social de l’auto et le manque à gagner, pour l’état et pour l’économie de l’automobile.
Personne n’a envie de rouler à vélo sur la départementale avec des véhicule de 38 tonnes lancés à 90km/h.
2/3 des cycliste tués sur la route le sont hors-agglomération.

Bardet, Marie
5 années

Cela est sûrement « trop coûteux » de développer des transports en commun en campagne, mais si on n’avait pas supprimé les petites lignes et laissé se dégrader les infrastructures et les gares … et puis les banlieues c’est autre chose. Mon gendre mettrait entre 1h30 et 2 avec 4 correspondances pour aller travailler (Esqualquens – Airbus), alors il prend sa voiture et le prix du gasoil n’y changera rien. Cela fait 25 ans qu’on parle d’une desserte par un métro d’une importante zone d’emploi et il y va falloir encore attendre au moins 8 ans pour que la 3eme ligne sorte de terre, et donc tous les jours des milliers de personnes prennent la voiture. De même ma fille mettrait plus d’une heure de transport pour faire le trajet vers la faculté, contre 10 km en voiture. Donc oui si l’on veut que les comportements changent il faut des structures adaptées et pas simplement des taxes.

Vince
5 années
En réponse à  Isabelle Lesens

L’arbitrage entre éloignement domicile-travail et coût de transports sans prendre en compte le coût du logement est illusoire. Les gens s’éloignent jusqu’à trouver le bon équilibre entre prix du logement (qui leur plaît) et coût/temps de transports. C’est et ça restera une décision individuelle.
Les changements de mentalités préalables pour engendrer des résultats tangibles sur ce terrain-là ne se feront qu’avec les changements de générations. Il faudra attendre 20 à 30 ans.
Les seules variables réellement activables pour des résultats assez rapides sont:
– le coût du trajet (donc les taxes sur les carburants ou les véhicules);
– l’attractivité des déplacements (dont rôle des aménagements cyclables);
– un incitation forte pour le transport groupé (covoiturage, navettes/taxis collectifs pour travailleurs pendulaires) etc.

Isabelle
5 années
En réponse à  Vince

Nous n’avons ni 30 ni 20 ans devant nous! Nous avons 18 mois. Voir l’éditorial du Monde daté d’aujourd’hui. Son titre est : « Changement climatique, une bombe à retardement ».

5 années
En réponse à  Isabelle

Si nous n’avons que 18 mois, alors c’est de toute évidence foutu ! On arrête pas un TGV lancé à 300 km/h sur 300 mètres. Le XX ème siècle est jalonné d’immenses tragédies qui n’étaient pas absolument inévitables … et qui ont eu lieu. Et de quelques autres qui n’ont pas eu lieu (en particulier une guerre nucléaire). La <> va exploser, c’est aujourd’hui quasi certain. L’humanité paiera cher son aveuglement, en particulier les plus innocents de cette explosion mais elle surmontera cette nouvelle tragédie. Pour quelques millénaires, puisque, de toute façon, nous sommes promis à une disparition totale ! Quand le moment sera venu, autant que nos successeurs soient les moins nombreux possible. Donc, pas de discours catastrophiste de cette nature, parce qu’il n’aide pas à l’action et parce qu’il ne nous prépare pas à la vraie catastrophe.

BikePower
5 années

L’humanité, pour une écrasante majorité, n’a toujours pas compris ce qui se jouait… et lorsqu’ils comprendrons, ce sera la faute des autres…
Alors autant se préparer avec celles et ceux qui ont déjà compris, non ?

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