Pollution, les progrès se font attendre; le Conseil d’Etat en a vraiment marre

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par | Juil 11, 2020 | Actualités | 0 commentaires

Saisi par une quarantaine d’associations, le Conseil d’État vient d’ordonner au Gouvernement de se décider à prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air. Il l’a mis sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard.

Après une première décision en juillet 2017, le Conseil d’État constate que le Gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France.
Pour l’y contraindre, le Conseil d’État prononce une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, soit le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’Etat à exécuter une décision prise par le juge administratif.

Le 12 juillet 2017, le Conseil d’État avait enjoint au Gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener rapidement – au moins dans 13 zones du territoire – les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) en dessous des valeurs limites fixées par la directive européenne du 21 mai 2008 transposée dans le code de l’environnement. Ces concentrations concernent surtout les grandes villes, là où les véhicules diesel sont la principale cause de la pollution au NO2, relève l’association Respire, partie prenante du collectif requérant. 

3 ans plus tard une foule d’associations de défense de l’environnement relevant de toutes les régions, sous la houlette des Amis de la Terre, a demandé au Conseil d’État de constater que le Gouvernement n’avait pas mis en œuvre les mesures nécessaires et de prononcer, en conséquence, une astreinte pour le contraindre à exécuter cette décision. 

Dans 8 zones subissant des dépassements fréquents des valeurs-limites, les mesures prises par l’État sont insuffisantes

Le Conseil d’État constate d’abord que, en 2019, les valeurs limites de pollution restent dépassées dans 9 zones : Vallée de l’Arve, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le dioxyde d’azote, Fort-de-France pour les particules fines, et Paris pour le dioxyde d’azote et les particules fines. Pour Respire, l’enjeu, au regard de la principale source de pollution au NO2, c’est de répondre à une question et une seule : comment diminuer la présence des véhicules diesel dans les centres-villes ?

Seule la Vallée de l’Arve a fait l’objet d’un plan, élaboré en 2019, qui comporte des mesures précises, détaillées et crédibles pour réduire la pollution de l’air et assurer un respect des valeurs limites d’ici 2022.

En revanche, les « feuilles de route » élaborées par le Gouvernement pour les autres zones ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs. 

S’agissant de l’Ile-de-France, le Conseil d’État relève que si le plan élaboré en 2018 comporte un ensemble de mesures crédibles, la date-butoir de 2025 qu’il retient est trop éloignée dans le temps pour pouvoir être regardée comme assurant une correcte exécution de la décision de 2017. Par exemple Paris n’interdira le diesel qu’en 2024. 

En conséquence, la plus haute juridiction administrative du pays a décidé d’infliger à l’État une astreinte de 10 M€ par semestre (soit plus de 54 000€ par jour) tant qu’il n’aura pas pris les mesures qui lui ont été ordonnées

Cela rentrera en application dans 6 mois si l’Etat ne justifie pas avoir pris les mesures demandées. La lourdeur de la somme est justifiée par le délai écoulé depuis la première décision, l’importance accordée au respect du droit de l’Union européenne, et la gravité des conséquences de cette incurie en matière de santé publique. Il y a donc urgence. Si cela tarde vraiment trop, le Conseil d’Etat augmentera encore l’amende. 

Cette somme, si elle venait à être due, pourra être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air, ou encore à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine. 

Mais le but n’est pas de récupérer de l’argent, le but c’est d’en finir avec le diesel, insiste Respire, soulignant que la France est le pays le plus diéselisé du monde (68%) du fait d’une série d’incitations fiscales qu’il s’agit désormais d’annuler.

Eradiquer le diesel 

L’association Respire propose une série de mesures concrètes sur le diesel et sur l’air : 

  • Supprimer leurs avantages fiscaux et les primes à la conversion, encourager le passage à l’électrique, au gaz ou à l’hydrogène.
  • Remplacer les bus, locomotives et cars qui roulent encore au diesel, avec une aide de l’Etat si besoin. Encourager les artisans comme les loueurs de voitures à passer à l’électrique, développer les flottes propres. Ne plus accorder de plaque aux taxis ni d’autorisation aux VTC (au moins en centre-ville) qui roulent au diesel. 
  • Mettre en place un plan ambitieux d’installation de bornes de recharge. Il ne s’agit pas d’écologie punitive car selon Respire des études montreraient que passer à l’électrique permet aux chauffeurs d’économiser jusque 3000 euros par an. 
  • L’association propose aussi de miser sur le fret ferroviaire, qui en 2015 ne représentait déjà plus que 10,6 % du fret et a encore diminué depuis, et bien sûr de développer les entrepôts logistiques. Pour la mobilité ordinaire l’association se joint aux propositions habituelles sur le vélo, le télétravail, la décentralisation et les voies réservées sur les grand-routes. Elle aurait pu penser au besoin de favoriser le train, et l’alliance du train et du vélo, d’autant que plusieurs associations pro-vélo font partie du collectif.
  • Elle souhaite aussi la création d’une convention citoyenne de la qualité de l’air, et la création d’un organisme spécifiquement chargé d’encourager la diminution de la pollution de l’air

Liste des associations et personnes ayant contribué à la requête au Conseil d’Etat

Les amis de la Terre – France, Les amis de la Terre – Paris, l’Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR), France nature environnement – Ile de France, Les amis de la Terre – Val de Bièvre, France nature environnement – Provence Alpes Côte d’Azur,  France nature environnement – Bouches du Rhône, le Collectif anti nuisance L2, Cap au nord, l’Association de défense du site du Réaltor et de son environnement, RAMDAM, lSauvons la Mathilde, NOSTERPACA, CIRENA, Rires sans frontière, l’Association nature du nogentais (ANN), Les amis de la Terre – Loire Atlantique, Autrement pour les aménagements des contournements (autoroutiers et ferroviaires) de l’habitat et de l’Est, Les amis de la Terre – Côte d’Or, Défense des intérêts des riverains de l’aérodrome de Pontoise-Corneilles en Vexin, M. Simon Baumert, SOS Paris, M. Thomas Bourdrel, M. Thierry Reeb, Nos villages se soucient de leur environnement (NOVISSEN), Champagne-Ardenne nature environnement (CANE), Les amis de la Terre – Dunkerque, l’Association pour la sauvegarde du patrimoine et de l’environnement à Antony, Greenpeace France, l’Association de défense de l’environnement et de la population de Toussieu (ADEPT), Val de Seine vert, l’Association pour la Sauvegarde de Boulogne Nord-Ouest (ASBNO), Toulon Var déplacements, l’Association inter village pour un environnement Sain (AIVES), Marennes contre les nuisances, COFIVER, M. Arnault Pfersdorff, M. Emmanuel Provot, Respect environnement, Fédération Fracture, Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), Forum sud francilien contre les nuisances aériennes, Mme Barbara Bouillon, Mme Sophie Rabourdin, Environnement 92, Chaville Environnement, Comité riverains Aéroport Saint-Exupéry (CORIAS), France nature environnement – Centre Val de Loire,  Les amis de la Terre – Nord, Actions citoyennes pour une transition énergétique solidaire (ACTEnergieS), l’Association de concertation et de proposition pour l’aménagement et les transports (ACPAT), Mme Maïté Seegmuller, Comité des intérêts de quartier (CIQ) Saint Jean de Tourette Protis, l’Association vexinoise de lutte contre les carrières cimentières (AVL3C), Alertes nuisances aériennes (ANA), Nord écologie conseil, France nature environnement – Guadeloupe, Notre affaire à tous, l’Association de protection des collines peypinoises (APCP), France nature environnement – Bourgogne Franche-Comté, Respire, Vivre et agir en Maurienne, Alofa Tuvalu,  Les amis de la Terre – Landes, lLes amis de la Terre – Meurthe et Moselle, France nature environnement – Paris, Sommeil et santé, l’Association niçoise pour la qualité de l’air et l’environnement et de la vie, Réseau vert Provence, Fédération Alsace nature, l’Association de défense de l’environnement de Chaponnay, Défense des riverains de l’aéroport de Paris, Union des calanques littoral, Collectif régional associatif nord environnement (CRANE) solidaire, Virage énergie, Le fer autrement, Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine, commune de Marennes.

Pour en savoir plus

La France n’est toujours pas « à la hauteur des enjeux » climatiques. Le Haut Conseil pour le climat estime que la réduction des émissions de gaz à effet de serre reste insuffisante. Il identifie plusieurs mesures qui permettraient de respecter la trajectoire de neutralité carbone d’ici à 2050. Le Monde, 8 juillet 2020.

Pollution de l’air : l’Etat condamné à une astreinte de 10 millions d’euros par semestre pour son inactionTrois ans après une première décision, la plus haute juridiction administrative constate que « le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans huit zones en France ». Le Monde, 10 juillet 2020. Décision historique, tournant historique… « Cette amende exemplaire vient enfin sanctionner dix ans d’inaction des gouvernements successifs. Elle marque un tournant historique dans la lutte contre la pollution de l’air », selon l’avocat des Amis de la Terre.

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