Le 17 septembre la Cour des comptes a publié un rapport sur les Certificats d’Economie d’Energie. La Cour considère que le dispositif est de plus en plus onéreux et qu’il est entaché de fraudes massives. Ses membres n’avaient pas encore entendu le discours de politique générale de Michel Barnier, qui a insisté sur la nécessité de réduire les dépenses pour réduire la Dette. Le Premier ministre n’a pas parlé spécifiquement de ces certificats mais ils sont un bon exemple de la question. De plus ils concernent directement la Fub.
La maîtrise de la consommation d’énergie est essentielle pour soutenir l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour garantir l’équilibre entre l’offre et la demande d’énergie, notamment en électricité.
Les certificats d’économies d’énergie (CEE) sont les principaux outils de la politique nationale d’efficacité énergétique visant à réduire les consommations d’énergie. Ils consistent, via un mécanisme de marché, à obliger les fournisseurs d’énergies et les vendeurs de carburants automobiles à soutenir des actions d’économies d’énergie.
Les Certificats d’Économie d’Énergie : un dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains
La Fub finance l’essentiel de ses programmes par ce biais (voir sur son site), soutenant que l’apprentissage du vélo à l’école, la création de garages à vélo, le dispositif Coup de pouce, l’ADMA, etc contribuent à l’effort de réduction des consommations d’énergie (ou permet aux gros pollueurs de continuer à l’être, mais cela ne se dit pas). Elle est d’ailleurs explicitement nommée à la page 37 du rapport :
au gré de l’élargissement des dispositions prévues à l’article L. 221-7 du code de l’énergie, les programmes financent opportunément certaines actions décidées davantage par l’État que par les acteurs qui les pilotent. Huit programmes en cours participent ainsi aux plans vélo du Gouvernement pour près de 200 M€, dont les programmes « AVELO » pour l’accompagnement de collectivités territoriales dans leurs politiques cyclables et « ALVEOLE + » pour le déploiement d’emplacements à vélo.
Or « rien ne distingue de telles actions de celles financées par des crédits budgétaires classiques », constate la Cour, dénonçant le fait que « tout se passe comme si les CEE étaient considérés par la puissance publique comme un outil permettant de financer certaines politiques publiques autrement que par des crédits budgétaires ».
J’ajoute que certains de ces programmes auront eu des conséquences discutables, tel le Coup de pouce vélo qui a certainement contribué à sortir et utiliser des vélos anciens, mais a aussi participé à la crise des ventes qui a suivi et dans laquelle nous sommes encore. La Cour, sans évoquer la Fub, évoque dans ses conclusions le fait que les CEE pourraient avoir freiné la structuration des filières professionnelles concernées et avoir fragilisé l’émergence de leur marché.
Le dispositif, créé en 2015, était au début centré sur les économies les plus rentables (les plus grosses économies d’énergie par rapport aux finances engagées?), mais fut élargi à de multiples problématiques allant du soutien aux ménages précaires, à des programmes de formation, à l’isolation du toit ou le changement de chaudière …
Des contrôles insuffisants
Au-delà de ces élargissements on constate que les fournisseurs d’énergie répercutent sur leurs clients le coût engagé pour obtenir le certificat, le faisant donc payer par le client final. Autrement dit, ils évitent ainsi de se trouver encouragés à moins consommer d’énergie par crainte des amendes, et font peser la taxe sur le client, y compris modeste. La Cour relève aussi que les économies d’énergie obtenues sont surestimées, et que la fraude sévit, posant ainsi la question de la réalité des économies obtenues.
Dans ses conclusions la Cour recommande notamment de soumettre au Parlement le niveau précis d’obligation d’économies d’énergie pour chaque période quinquennale de la stratégie française pour l’énergie et le climat; de préciser les paramètres structurants du dispositif dans la programmation pluriannuelle de l’énergie; de supprimer le financement de certains programmes définis à l’article L. 221-7 du code de l’énergie; et enfin de renforcer les études préalables de gisement comme les évaluations postérieures..
Nul doute que la Fub, avec ses nombreux programmes, ne soit sur la sellette, menacée non pas pour fraude, mais éventuellement sur la mesure des économies d’énergie obtenues. Et encore je ne dis rien sur le rôle de « banquier » joué par la Fub (je distribue des subventions qui me viennent d’ailleurs). Au-delà de la prolongation d’un an des CEE je ne serais pas étonnée que tout cela s’arrête. Ce serait la fin des ruissellements d’or et la Fub disposerait alors d’un an à partir d’aujourd’hui pour redéfinir ses programmes et ses moyens d’existence. Elle ne serait pas la seule dans ce cas, mais c’est une autre histoire.
Le texte du rapport et son résumé sont ici.
En fin de compte, c’est un « autre » rapport acerbe pour les CEE (comme il y en a déjà eu).
Je note cependant que la FUB n’a pas été sondée pour ce dernier (ni d’autres structures porteuses de programmes mobilité/transport). Par là, je pense que ce rapport est surtout à viser des programmes orientés sur la rénovation des bâtiments, dans lesquels il est reconnu l’existence de nombreux systèmes frauduleux.
D’autre part, cela fait déjà plusieurs années qu’on entend que les CEE vont disparaître, et dans les faits, ne le sont toujours pas.
La rénovation énergétique des bâtiments est effectivement un beau panier de crabes. Cependant, n’oublions pas « l’affaire Blablacar » où on a découvert qu’une majorité des « bénéfices » de la start up étaient en fait des subventions cachées sous forme de CEE de la part de Total Energies (probablement actionnaire par ailleurs). Et, comme dénoncé par la cour des comptes, avec une évaluation des économies d’énergie… légère, pour ne pas dire plus. Je rejoins d’ailleurs Isabelle, pour dire que la FUB est probablement rigoureuse dans sa gestion budgétaire (c’est-à-dire qu’elle pourra prouver que l’argent a bien été utilisé pour les prestations prévues), par contre, quid de l’évaluation des économies d’énergie permises. C’est tout de même, comme leur nom l’indique, le principal objectif de ces crédits. Là, la rénovation énergétique des bâtiments a un gros avantage : on sait mesurer l’énergie consommée avant et après les travaux. Pour la mobilité, il est très difficile de savoir quelles étaient les habitudes de déplacement des usagers des équipements ou services vélo mis en place.
Je vous dois un mot d’explication. Cet article peut apparaître comme une attaque. Tel n’était pas mon état d’esprit lors de sa rédaction, pas plus que lors de sa publication. Celle-ci a un peu traîné pour des raisons d’agenda, mais lorsque j’ai vu que le Premier Ministre parlait d’économies et que le ministre des Transports allait se rendre au congrès des Transports à Strasbourg (ce matin), j’ai pensé qu’il était grand temps d’alerter sur les risques financiers qui s’annonçaient, ne serait-ce pour que la question puisse être posée publiquement. Voilà pourquoi 4 articles successifs plus une annonce de congrès traitent de ces questions, les finances, les bienfaits. J’espère que mes lecteurs me pardonneront cette avalanche, et en tireront profit.
Merci Isabelle pour toutes les infos et réflexions trouvées régulièrement dans ce blog toujours très intéressant (et unique). Période difficile en effet.
Merci Michèle.