Sous le titre Dessiner des marchabilités, Antonin Satti propose une méthode pour connaître l’état de la marche dans votre territoire, l’état du désir de marche, et de l’empêchement de marche. Son travail a été primé par les Talents de la marche du Club des villes cyclables et marchables 2024, rendu public au Salon des maires le 19 novembre 2024.
La marche est la grande impensée du vélo, la France est épatée par le vélo et ne considère toujours pas le rôle central que la marche doit et peut avoir dans notre mobilité. Plus encore que le vélo, la marche est multi-modale, multi-causale, multi-plaisirs, et accessible à tous. Si le vélo est l’âme du cycliste, le piéton est l’âme du quartier et de la ville.
Approche sensible et attention portée au vocabulaire
Antonin Satti, étudiant à la Sorbonne, a mis en lumière ces aspects-là, et plaide pour que la marche ne soit pas réduite au fatidique 1,80 m mais soit écoutée. Dans le cadre de son master2 il a mené l’enquête sur la marche vue par le marcheur ou la randonneuse, mais aussi par le client du bus ou par l’automobiliste de tous les jours, par les marcheurs et par les non-marcheuses. C’est à une approche « sensible » qu’il s’est adonné, proposant une méthode regroupant questionnaires in situ, observations statiques avec relevés méthodiques, et parcours commentés c’est-à-dire entretiens en accompagnant les gens dans leur déplacement. De tout cela il ressort qu’il y a marche forcée et marche choisie, et surtout un vocabulaire de l’actif (je tourne à droite) et un du subi (je suis obligée de m’arrêter) et qu’il faut y prêter la plus grande attention. Les mots utilisés rendent visible le rôle social de la marche, ou son rôle repoussoir.
L’enquêteur a dégagé le rôle du relief, celui des émotions, et celui des objets (canne, rivière, barrières, applications pour savoir où sont les abaissements de trottoir…). La dépendance, parfois ambigüe à l’automobile (je ne peux pas m’en passer mais elle me donne la liberté) est corrélée au type d’habitat et à sa situation par rapport au centre-ville et à la rocade. La marche est également corrélée au métier et à la classe sociale. Il montre aussi, comme un dessin, que les parcours piétonniers sont variés, faits d’aller-et-retours, hésitations, demi-tours, boucles … bien plus qu’on l’imagine.
Comment se fait-il que la marche soit si négligée ? se demande Antonin Satti. Pourquoi aussi le fait de déclarer qu’une rue est «piétonne» n’en fait en réalité rien de plus qu’une rue où les autos ne passent plus ? Qu’est-ce qui rend un espace « marchable » aux yeux et à l’expérience des habitants ?
3 variables
Pour l’auteur toute étude de la marchabilité devrait tenir compte de 3 variables, sociale (âge, handicap, travail…), spatiale (lieu, type d’habitat, environnement viaire…) et conditions de la marche (ce qui relève des décisions politiques). Pour lui enfin il faut penser en réseau, sur l’ensemble du bassin de vie, comme pour tous les modes de déplacement, et considérer la marche comme le loisir n° 1, et comme n° 1 du déplacement.
Antonin Satti est étudiant, actuellement en master d’urbanisme et aménagement du territoire à Paris Panthéon-Sorbonne. Il co-anime l’association A travers Paris (balades urbaines non-patrimoniales) et a été lauréat cette année du Talent de la marche décerné par le réseau Vélo et marche. Ses idées sont tellement puissantes qu’il vient d’être chargé, avec 3 camarades, d’une enquête pour le Forum Vies mobiles. Elle portera sur la question de savoir si jouer sur roues (vélo, skate, BMX etc) rend les enfants plus autonomes et efficaces dans leurs déplacements.
En attendant vous pouvez demander un exemplaire de l’étude Dessiner des marchabilités en envoyant un mot à l’auteur.
Les autres Talents de la marche 2024 sont :
- Communauté urbaine de Saint-Quentin-en-Yvelines : marches-santé de découverte du territoire
- Ville du Bourget-du-Lac : Plan piéton ayant pour objectif de favoriser la rencontre, apaiser et réduire la prééminence de l’automobile
- Dunkerque : Plan marche pour rendre la ville marchable pour tous, encourager la marche à pied et apaiser l’espace public.
Les présentations sont sur le site de l’ex Club des villes et territoires marchables.
