Invasion de vélos sans bornes aujourd’hui à Paris, après Lille et en même temps qu’en banlieue ouest (92). La vélosphère était déjà en ébullition sur les VLS sans stations, le phénomène datant principalement de cette année, mais la France ne se croyait pas concernée.
Que vont faire Martine Aubry, Anne Hidalgo et leurs collègues? Cette invasion est-elle une bonne nouvelle? Qu’ont fait leurs collègues étrangers? Voici encore un article de Hans Kremers qui va les aider à réfléchir, et déjà deux nouvelles implantations annoncées (18 octobre 2017)
Cette invasion sera sans doute vécue comme une bonne nouvelle par les vélibeurs parisiens, qui justement allaient se retrouver jusqu’en mars dans une situation floue, pendant une période de changement de prestataire qui s’annonce incertaine.
Pour Smovengo, le nouveau prestataire, et pour la mairie de Paris, c’est moins sûr. Déjà la mairie de Paris commençait-elle seulement à se dire qu’elle devrait mettre son nez dans l’envahissement des lieux touristiques par les cyclos-pousse1Voeu au Conseil de Paris des 25-27 sept. 2017, déposé par Philippe Goujon et les élus du groupe les Républicains relatif aux vélos-taxis, qui seraient environ 500: « que la Maire de Paris et la Préfecture de Police interpellent de nouveau l’Etat pour que la réglementation soit enfin complétée, et qu’en attendant une charte de qualité soit mise en place avec un macaron à apposer sur les véhicules pour inciter les touristes à privilégier les vélos-taxis respectant cette charte. », dont une bonne partie n’est ni enregistrée ni contrôlée, ni en règle. La voilà avec un autre sujet sur les bras, le risque de retrouver des vélos n’importe où.
Cet article de Hans Kremers va l’aider à y réfléchir.
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Le nombre d’articles parus sur ce sujet traduit une grande ébullition. Sans exhaustivité aucune, j’ai identifié en quelques mois une cinquantaine d’articles publiés dans différents pays2Si besoin, je vous renvoie vers mon introduction en la matière, du mois de mai dernier : Les applications ont-elles déjà tué les vélibs?.
Il est intéressant de noter qu’en France la presse décrivait essentiellement le phénomène « là-bas en Chine », tandis que dans les autres pays (européens, USA, Australie, …) elle a souvent fait le lien entre ce phénomène et son propre pays.
1/3 La France ne se sentait pas concernée ? Elle a eu tort ...
La taille des flottes de vélos sans stations présentes en Chine est démesurée vue depuis l’Europe : lorsque les villes européennes raisonnent souvent en millier(s) et parfois en dizaines de milliers pour leur système de VLS avec stations, en Chine il s’agit plutôt de centaines de milliers, voire de millions.
♠ Juste deux éléments pour mieux comprendre l’approche chinoise :
– Dai Wei, le patron d’ofo, a déclaré récemment : Je crois que d’ici 10 ans plus personne n’achètera son vélo personnel. Les vélos deviendront le premier objet qui n’a pas de propriété (privée).
– ofo gère 6,5 millions de vélos dans plus de 150 villes dans le monde et espère augmenter le nombre de ses vélos jusqu’à 20 millions cette année. La société ofo dispose des finances pour y parvenir, et lorgne elle aussi sur Paris.
♣ Les ambitions chinoises se voient au grand jour
Les Chinois ne cachent pas leur intérêt pour le développement de leurs VLS sans stations partout dans le monde3Changement d’époque pour les VLS. Mais ils ne sont plus seuls. En effet, des nouvelles sociétés se multiplient rapidement dans différents pays avec des évolutions plus ou moins réussies.
ECF a lancé en juin dernier le PEBSS (Platform for European Bicycle Sharing & Systems4Platform for European Bicycle Sharing & Systems) permettant aux villes et aux sociétés de se réunir afin de stimuler les meilleures pratiques et d’aller vers des systèmes de VLS de grande qualité. Le nombre de membres européens de cette plateforme, une bonne vingtaine5Liste des membres de la plate-forme mise en place par ECF., ce qui est déjà considérable, montre que le monopole chinois d’il y a seulement un an n’existe plus.
♥ Les Européens ont aussi, depuis cette année, leurs sociétés de VLS
La pression chinoise, voire asiatique, et le dynamisme des jeunes entreprises européennes font que les VLS sans stations sont devenus une réalité européenne cette année. Les villes suivantes dans six pays peuvent en témoigner :
- Courtrai, Hasselt, Mechelen en Belgique (en septembre par Mobike, une start up belge), Bruxelles (oBike, septembre);
- Florence et Milan (Mobike, août);
- Amsterdam (depuis avril Flickbike, Hello Bike, oBike, …) et Rotterdam (oBike, juin);
- Zurich (oBike, juillet);
- Munich (oBike, août);
- Cambridge (ofo, février), Bristol (Yobike, mai), Manchester (Mobike, juin), Londres (oBike, juillet).
Oxford peut être rajouté à la liste des villes anglaises. Le géant chinois ofo y a mis un premier pied fin août avec une centaine de vélos. Cela n’a pas du tout impressionné la startup française Pony Bikes qui a décidé de démarrer son activité dans la même ville avec également une centaine de vélos.
Enfin, comptons avec GoBeeBike, Lille et Paris (octobre). La Gaule est prise !
Ces vélos en partage sans bornes inquiètent un peu partout, sauf en France. Mais la donne va peut-être changer.
2/3 Les VLS sans stations, bien que « sans frais » pour la collectivité, ne sont pas toujours les bienvenus
♣ Les Canadiens, qui parlent de vélopartage sans bornes, se méfient : la Ville de Montréal qui a son BIXI, un système de VLS « classique », se donne le temps de l’observation et déclare que sans autorisation ces nouveaux systèmes ne pourront pas s’installer.
♠ A Munich c’est le débarquement de 7000 vélos d’oBike (installé à Singapour) qui inquiète la municipalité. 7000 vélos c’est bien plus que dans d’autres villes européennes.
Les deux villes néerlandaises concernées par les VLS sans stations sont plutôt partagées
♥ La municipalité de Rotterdam a déclaré lors de l’arrivée d’oBike qu’elle considère cette innovation comme une évolution positive qui va bien avec l’esprit de la ville. Toutefois, ces 3000 nouveaux vélos éparpillés ne plaisent pas à tout le monde et dans certains quartiers ce sont les habitants qui commencent à les dégager : « On n’a pas le choix, il n’y a même plus la place pour les fauteuils roulants et les poussettes ! » dit un représentant des habitants. Devant un certain ras-le-bol de la population le sujet fait rage au conseil municipal depuis septembre où la possibilité de taxer oBike a été envisagée.
♣ La ville d’Amsterdam, dont l‘espace public connaît depuis longtemps une forte pression, n’a pas été emballée non plus par le débarquement de plusieurs fournisseurs de VLS sans stations en quelques mois. Les loueurs de vélo ont protesté très vite contre cette concurrence déloyale. La Ville, ayant fait de gros efforts pour éliminer les vélos abandonnés dans les rues afin que les habitants puissent se garer dans les emplacements prévus, ne souhaite pas non plus que des sociétés privées profitent de ses efforts.
La Ville a donc décidé d’intervenir et les différentes sociétés concernées ont reçu fin septembre un courrier de la mairie fixant comme ultimatum le 20 octobre prochain pour l’enlèvement des VLS sans stations de l’espace public. Après ce délai ce sera la Ville qui les enlèvera, prévient-elle, et aux frais des fournisseurs….
L’entreprise néerlandaise Flickbike a alors annoncé qu’elle retirerait ses 1000 vélos et qu’elle ne voulait plus avoir affaire à cette ville conservatrice !!!
3/3 Et alors, en France ?
Aux Pays-Bas on s’interrogeait : pourquoi des prestataires de VLS sans stations essayent-ils de s’installer dans un pays qui a déjà plus de vélos que d’habitants6Top 10 des pays ayant le plus de vélos par habitant.? N’auraient-ils pas bien plus de chances de réussite dans un pays où ce n’est pas le cas, en France par exemple ? … En effet, d’après un classement des pays en fonction du nombre de vélos par habitant, la France ne se situe pas parmi les dix premiers (source GloboMeter).
→ La question n’était donc plus SI les VLS sans stations allaient voir le jour en France, mais QUAND !!! Et nous avons la réponse !
Je pensais qu’il était fort probable que des collectivités françaises aient déjà été sollicitées ou été ciblées à leur insu… ainsi que certaines sources me le laissaient penser7 Une grande ville de la Seine avait été approchée sérieusement, avec l’affichage de faire les choses « proprement ». Etait-ce un leurre?. Cela était arrivé en Angleterre où un prestataire chinois avait félicité la ville d’avoir été choisie juste avant d’y éparpiller ses vélos !
Eh bien c’est fait. C’est le journal Le Parisien de ce matin qui nous en informe (version électronique, dimanche soir) :
Les vélos en libre-service et sans borne débarquent. A Paris et dans les Hauts-de-Seine. C’est encore une autre entreprise, Gobee.bike, créée par un Français résidant à Hong-Kong. Mais ofo veille, ajoute le journal …8Lire aussi l’article de MobiliCités : Une nouvelle offre de vélos en libre-service débarque à Paris. Après Lille, Gobee.bike propose une offre de location de vélos courte durée sans bornes de stationnement à Paris ce 9 octobre 2017. Un concurrent pour Vélib’ ou un service complémentaire ?
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—Sources—
- Bike-sharing Startups Fight for Cyclists. Handelsblatt global, 20 août 2017
- Amsterdam gaat deelfietsen weren die geen vaste stallingsplek hebben. de Volkskrant, 2 août 2017
- London’s first dockless hire bike scheme launches. The Gardian, 12 juillet 2017
- Fancy a pony ride in Oxford? Second ‘dockless’ bike firm launches. The Oxford Times, 2 septembre 2017
- Montréal voit d’un mauvais oeil le vélopartage sans bornes. Le Devoir, 11 septembre 2017
- Bewoners ruimen oBikes op: We moeten wel. (Amsterdam). AD, 28 août 2017
- Rental Bike Giant Obike Invades Germany. Bike Europe, 12 septembre 2017
—Sites des compagnies citées—
—Tout va vite—
- Le Gobee.Bike : le vélo sans borne d’attache annonce son arrivée à Reims. France-info Grand-est, 13 octobre 2017.
- INDIGO lance INDIGO Weel, un nouveau service de vélos partagés en libre-service et sans station. La première ville française qui devrait prochainement intégrer INDIGO Weel dans son bouquet de mobilité est Metz, début décembre. (communiqué, 17 octobre 2017). Rappelons que Indigo avait manifesté son intérêt pour la reprise des Vélibs parisiens lors du renouvellement du contrat (Mobilicités, 4 novembre 2015) : L’appel d’offres pour renouveler à la mi-2017 l’opérateur de Vélib’ n’est pas encore lancé, mais il aiguise déjà les appétits. Indigo – nouveau nom de Vinci Park – se met d’ores et déjà sur les rangs. Le leader français du stationnement en ouvrage veut sortir du cadre étroit de ses parkings en devenant « intégrateur de mobilité ».
Merci pour cet état des lieux mais quel est le modèle économique de ces systèmes sans stations ? J’imagine que la première demi-heure n’est pas gratuite. Et comment est réalisé l’entretien des vélos ? Je reste très circonspecte sur la viabilité de la chose…
« Ce n’est sans doute pas de la location des vélos en soi que les sociétés tireront l’essentiel de leurs revenus. » –> infos dans l’article précédent, Les applications ont-elles déjà tué les vélibs? Lien dans la note de bas de page. Mode d’emploi dans Le Figaro de ce matin, lien dans ma signature.
Je suis dubitatif. Habitant un gros bourg de province, je comprends que le phénomène reste attaché aux grandes métropoles et ne me concernera pas.
Cependant je m’interroge sur cette chosification du vélo qui vise à le dévaluer encore un peu plus qu’il n’est. Cette chose commune où personne n’est responsable de rien va t-elle convaincre? J’attends de voir…
On peut se demander si c’est le concept, ou le vélo lui-même, qui gêne et prend de la place… Imaginons, si nous étions beaucoup plus nombreux à utiliser notre vélo perso en ville… comme les scooters et autres véhicules à moteur… il y a fort à parier que les stationnements à vélos deviennent payants.
Les entreprises qui lancent ces services sont-elles assujetties au paiement de la redevance d’utilisation de l’espace public ? Si non, selon quel motif d’exonération?
On est tout de même bien dans le cas où une entreprise occupe de l’espace public pour un activité commerciale privée.
Cette redevance concerne surtout des lieux identifiés (l’emplacement sur un marché, les places réservées au taxis…). La nouveauté des VLS sans station est leur mobilité qui risque de profiter d’un éventuel vide juridique. Le débat sur la situation française et les prises de position possibles vient juste de commencer…
J’ai assisté au débarquement des oBikes à Munich, c’est impressionnant et ils ne passent pas inaperçus avec leur couleur jaune vif. Ces antivols intelligents changent complètement la donne. Ce système de VLS sans borne est non seulement bien plus pratique pour l’utilisateur mais aussi plus écologique (moins d’infrastructures) et plus économique. En toute logique il devrait signer l’arrêt de mort des archaïques Vélibs. Le modèle de la station de vélo n’a plus lieu d’être.
Reste que du fait du vandalisme la situation à Paris n’est peut-être pas tout aussi favorable que dans d’autres villes européennes.
A ceux qui paniquent d’avance face au risque d’envahissement de l’espace public à Paris, il faut rétorquer que, jusqu’à preuve du contraire, ce sont les automobiles qui occupent toujours le plus de place pour circuler et stationner; et les 2RM sur les trottoirs y sont infiniment plus nuisibles que des vélos.
Dans l’absolu ce modèle de VLS particulièrement économique est le meilleur moyen de transport urbain. Véhicule propre, partagé, silencieux, compact, sans coût pour la collectivité… Même les transports en commun ne peuvent rivaliser avec l’efficacité énergétique et l’empreinte écologique minimale d’un vélo de ce type.
Pour l’écologie il vaut mieux un bon vélo de 30 ans qu’un mauvais vélo bardé d’électronique, donc de métaux rares.
Comment se fait l’entretien de centaines de vélos disséminés au petit-bonheur-la-chance ? Certes en Allemagne ou dans les pays nordiques il y a moins de dégradations… A Toulouse, 130 Vélibs complètement remis à neuf chaque semaine en 2015 !!! 🙁
La plupart des réponses à vos questions se trouve dans l’article Voici comment le vélo vert fluo de Gobee.bike va tenter de prendre position à Paris avant l’arrivée du nouveau Vélib, dans Business insinder.