L’objectif de zéro émissions nettes à l’horizon 2050, nécessaire pour maintenir le réchauffement sous les +2°C, ne requiert pas seulement une évolution forte du parc automobile (sobriété, électrification). Il réclame surtout des évolutions majeures dans les modes et les habitudes de déplacement. Le Shift project nous démontre qu’il est possible de réduire jusqu’à 70 % des émissions de CO2 dues à la mobilité locale des personnes. C’est tout l’enjeu des Assises de la mobilité qui se retrouve ici.
Ces changements dans les modes et habitudes de déplacement ne peuvent être une simple inflexion de courbe. Ils impliquent une évolution des services de mobilité ainsi qu’un aménagement, parfois conséquent, des infrastructures.
La version définitive du rapport Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité vient d’être rendue publique par le Shift project1 Le rapport est aussi présenté sur le site du Shift project..
Les zones ainsi définies « de moyenne densité » abritent 27 millions de personnes, soit 43% de la population nationale sur 11 % du territoire.
Le rapport avait déjà été présenté, dans sa version intermédiaire, sur ce blog en avril dernier2 Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité. Présentation de la version intermédiaire du rapport.. Je vous invite à y retourner.
- Aujourd’hui en voici une synthèse plus opérationnelle.
En France aujourd’hui, 28 % des émissions de GES et 36 % du CO2 national sont issus des transports. En 2013, le mode routier était le principal émetteur de CO2 du secteur des transports (120 Mt, soit 95 %), dont 40 % dus aux voitures particulières diesel.
Il est possible d’éviter jusqu’à 70 % des émissions de CO2 dues à la mobilité locale des personnes dans les zones périurbaines, aujourd’hui assurée à 85 % par la voiture particulière.
Pour cela il faut mettre en œuvre des stratégies privilégiant le vélo et le covoiturage ainsi que, sur les grands axes autour des agglomérations, les transports publics express. Le télétravail et l’évolution de la distribution des achats sont moins prometteurs, ainsi que nous l’avions vu.
1/4 Synthèse des résultats
PM : Potentiel maximal
Vol : scénario volontariste.
2/4 Synthèse sur les conséquences opérationnelles
→ Il faut raisonner en termes d’objectifs, pas de moyens.
→ Les arbitrages doivent favoriser les solutions les plus efficaces en termes d’émissions évitées et de coûts de mise en œuvre. Une véritable politique de décarbonation de la mobilité requiert une analyse rigoureuse de l’utilité climatique de chacune des technologies proposées.
Le changement de cap nécessaire exigera une série de mesures qui augmenteront l’attractivité des mobilités alternatives, mais réduiront aussi celle de la voiture individuelle. Nul besoin de choquer, des mesures transitoires peuvent très bien être bien accueillies. De plus les « effets secondaires » de la fin de l’hégémonie de la voiture peuvent grandement aider à s’engager sur la bonne voie.
Nicolas Hulot, juillet 2017 : « En matière de transports, le gouvernement a décidé de donner la priorité aux déplacements du quotidien (ex : covoiturage, mobilité douce…), afin de garantir l’accès à la mobilité pour tous et dans tous les territoires.
Le système vélo est très prometteur si les moyens nécessaires sont mis en place
(Résumé du rapport en ses pages 105 et 106)
La marche à pied et les cycles constituent aujourd’hui de loin les modes les plus efficaces d’un point de vue énergétique, les moins émetteurs de carbone et de polluants, les plus sains pour la population, les plus silencieux et les plus économiques, pour les habitants et pour les collectivités. Le vélo s’avère être le plus important moyen de réduction des émissions parmi les solutions étudiées, à condition d’adapter et de développer l’existant avec détermination et cohérence. Il n’est donc pas rationnel de continuer à le traiter comme un mode mineur ou « doux ».
Les Assises de la mobilité qui prépareront une loi Mobilité et traiteront notamment de la tarification des usages de la route, de l’accès à la mobilité, de la relance du secteur logistique, du développement des mobilités douces et du covoiturage et de la circulation en ville. » Nicolas Hulot, Plan Climat, p. 6, 6 juillet 2017
Les scénarios « système vélo» supposent la mise en place d’un ensemble d’infrastructures, de bâtiments, de services et de réglementations qui doivent être pensés pour les cycles, en évitant le piège du strapontin, du « si on peut ». L’accès aux cycles doit être possible pour tout le monde, avec des véhicules adaptés aux besoins de chacun (pensez seulement aux vélos tricycles, vélo-cargos, vélos à assistance, vélomobiles…).
3/4 En résumé ...
Les démarches décrites pour mettre en œuvre les scénarios Volontaristes requièrent des évolutions technologiques relativement modestes et véritablement orientées vers la satisfaction d’objectifs climatiques : développement de véhicules ultra légers, plus proches des cycles que des voitures…
→ Francisco Luciano sera au congrès des villes cyclables le mercredi 11 octobre : 11 h, atelier 3 et 15 h, atelier 7. Il est le directeur du groupe de travail ayant élaboré ce rapport.
→ Vous pourriez lire aussi le bon article sur le même sujet paru dans MobiliCités :
Le défi de la desserte des zones périurbaines dans un monde décarboné.
4/4 Synthèse sur le contexte
Si vous ne croyez pas à la catastrophe dans laquelle nous sommes déjà, regardez la conférence (env. 1/2 heure + 1/2 de débat) de Frédérick Lemarchand (Codirecteur du Pôle RISQUES MRSH-CNRS, Chercheur au CERREV, Université de Caen) à Cerisy-la salle le 23 septembre 2017. C’est un extrait de l’enregistrement d’un colloque de 3 jours, choisi par France HPV : L’avenir des ressources mondiales. Vous arrêterez de perdre votre temps.
—Notes—
Merci pour cet article sur le rapport du « The Shift Project ».
L’intérêt du système vélo en terme de réduction des GES et de la pollution est aussi mis en avant par l’Agence Européenne de l’Environnement.
Dans le rapport » A closer look at urban transport -TERM 2013: transport indicators tracking progress towards environmental targets in Europe« , le lien est également fait entre part modale du vélo et mise à disposition d’infrastructure adaptée (exemple page 48 « Cultural practices with regards to modes used are not generally embedded within populations. Even the well-known and established cycling cities of Copenhagen and Amsterdam have developed their strong cycling infrastructure and ethos over time. Visionary political will and investment in infrastructure can result in dramatic changes. »)
Lien vers ce rapport de l’EEA :
https://www.eea.europa.eu/publications/term-2013#tab-data-visualisations
Ugo Bardi (*),auteur du blog « Cassandra’s legacy », sera à Paris cette semaine pour plusieurs rencontres : un séminaire public, en anglais, sur la transition énergétique; how to catalyze an ecological shift through education; sur la dynamique des systèmes. 5° et 15° arrondissements (école normale supérieure, Ecole Centrale d’Electronique, institut Momentum).
(*) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ugo_Bardi