De ce débat auquel un seul candidat n’a pas voulu participer, on retiendra que les priorités vont du très lourd jusqu’à la transformation des modes de vie, et que la plupart disent que le vélo est un enjeu central. Démêler la posture de la faisabilité relève encore de la magie. Nous ne sommes qu’au début de la campagne.
Parmi les candidats à la présidence de la Région d’Ile-de-France il y a celui qui reproche à la sortante de n’avoir rien fait, et le représentant de l’attaquée qui rétorque qu’il leur aura fallu faire avec un héritage de 20 ans de pouvoir.
Dès le début de ce débat entre candidates (une seule avait envoyé son vice-président aux Transports), les attaques fusent en direct et se terminent régulièrement par votez pour moi. La réunion ne portait pourtant que sur les déplacements en Ile-de-France et était organisée par deux groupes de réflexion sur ce sujet, le Forum des mobilités, dont je vous parle souvent, et la Fabrique écologique. On voulait avoir des avis sur ce qu’il allait falloir faire.
Le mal du transport en Ile-de-France
Il y a eu un constat assez partagé sur la mal-vivre d’une partie de la population régionale, subissant un stress dû principalement aux déplacements. Au-delà, les uns veulent investir en grand, miser sur les transports lourds et optimiser l’usage des routes (co-voiturage, transports express…), d’autres pensent plutôt qu’il faut moins se déplacer, limiter les «déplacements contraints», casser l’hyper centralité de Paris, favoriser le télé-travail partiel, et pour cela créer des tiers-lieux et bureaux partagés, notamment dans ou près des gares. Ils pensent à celles du Grand Paris express[1. « Les coûts du Grand Paris Express ne cessent de dériver », alertait la Cour des Comptes dès 2018. Public Sénat le 5 mai. La dette pourrait courir jusqu’en … 2100 !!!] comme aux gares parisiennes, qu’ils préfèreraient ne pas voir transformées en centres commerciaux avec des rails à l’arrière.
L’île-de-France apparaît comme la deuxième région la plus riche d’Europe, mais aussi comme là où il y a le plus d’inégalités. A Gauche on accuse la Droite de vouloir privatiser les transports, au Milieu on veut établir des synergies entre transports publics et réseau privé du Grand-Paris express, dont les gares participeront au renforcement de la multi-polarité. Les déplacements sont perçus comme assurant l’existence même de la région, même si le travail n’est plus le premier motif de déplacement.
La gratuité ?
Certaines voient loin, annonçant que les transports seront gratuits (avec une mise en oeuvre … progressive)[1. Sur la gratuité des transports, je signale un article dans Avalanche de livres sur le vélo.] en même temps que leur qualité sera améliorée.
Ici il faut lire quelques unes des réactions du public, puisque nous étions « en visio » :
- Apparemment les retours d’expérience sur la gratuité des transports [montrent que cela] créé beaucoup de densité supplémentaire – sur de courts trajets les gens prennent les transports – au détriment du vélo / modes actifs (Delphine);
- La gratuité et la qualité des transports [en même temps] c’est impossible (Charlotte);
- La gratuité, c’est l’explosion des impôts, pour ceux qui en paient bien sûr! (Ana-Lise);
- Pourquoi rendre gratuit un service que l’on est prêt a payer s’il fonctionne bien (Sylvain);
- Gratuité pour les précaires et les jeunes oui, le reste n’a aucun sens à une échelle aussi vaste qu’IDF (Juliette);
- La gratuité est inefficace sur le plan de l’environnement. Aucun gain. (Charlotte encore);
- Dans le monde de la pub, on dit bien : Quand c’est gratuit c’est toi le produit…;
- Aucun sens la gratuité quand les transports sont déjà saturés… D’autant plus que ce sont les employeurs qui paient 50% de la carte Navigo;
- La télé sans impôt c’est éteint;
- et, ouf, un défenseur : Les transports publics sont un service public, comme la police, la justice, l’école, la santé. Ces derniers sont gratuits. Pourquoi pas les transports en commun ? Ce sera un gain de pouvoir d’achat.
Les mots, les mots …
Il y a celui qui parle de travailleurs et travailleuses, et celle qui parle de Franciliennes et Franciliens; il y a celui qui veut que le tramway roule toute la nuit tout en faisant du vélo et de la marche une priorité. Celui-là veut même déjà doubler la taille du RERv, alors qu’il est à peine commencé, car pour lui il est un vrai outil de mobilité douce. D’autres veulent investir dans les transports lourds tout en disant que le RERv est un enjeu majeur.
On s’étripe sur le triangle de Gonesse et sur le Plateau de Saclay, sur la préservation des terres agricoles et les transports du quotidien, sur le caractère indispensable des pôles de recherche internationaux, pendant que d’autres voudraient éparpiller les centres de recherche ou d’enseignement supérieur pour que tout le monde en profite.
Une campagne électorale
Finalement, de ce vaste méli-mélo où la vertu s’oppose au réalisme, où s’exposent le rêve de REV (appelé ici RERv) peut-être, en tout cas des rêves contradictoires souvent, il me semble que ce débat aura enrichi le débat, car, après tout, beaucoup d’idées méritent d’être entendues.
Je ne crois pas, par contre, qu’il puisse décider quiconque à voter pour un autre candidat que celui qu’il a déjà en tête. A l’inverse je vois pour certains le risque qu’ils fassent fuir quelques uns de leurs alors futurs électeurs. L’abstention est bien le plus mauvais choix pourtant, comme le vote blanc. Le choix de la compétence, la capacité à gouverner, me paraissent être incontournables, au-delà des idées vertueuses … dont certaines peuvent transiter, d’ailleurs[1. Gilles Dansart le dit bien, dans la Mobilettre, sur abonnement : souvent très décalé sur le fond. n’a pas permis de confronter les programmes transports pourtant divergents. parfois surréaliste. A. Pulvar : avec la gratuité comme seul programme. on ne peut faire des propositions que sur les compétences de la Région. il n’est pas interdit de rêver mais à condition de dire que ce n’est qu’un rêve].
Voir : Forum Vies Mobiles, La Fabrique Écologique (2021, 27 Avril), « Audition des candidats à l’élection régionale en Île-de-France : mobilité, modes de vie et transition écologique, quel futur désiré et durable pour la région ? », avec un lien pour voir le débat en différé.
D’autres débats seront organisés sous la même forme dans plusieurs régions, à commencer par le Grand-Est au cours de la dernière semaine du mois de mai.
En regardant ce débat, j’ai eu l’impression que le sujet principal n’était pas le vélo, mais les déplacements en général, particulièrement les transports en commun: ça me semble logique. Tous les orateurs se sont dits favorables au vélo et même au RERV, cette conversion (pour presque tous) reflète l’évolution de l’opinion, sans doute que les réalisations de Paris intra-Muros y sont pour quelques choses… espérons que ça dure.
Toutefois ce n’est pas parce que les candidat se disent favorables au RERV ou au vélo, que les mesures qu’ils préconisent sont cohérentes avec l’objectif de convaincre un nombre conséquent d’automobilistes de ne pas prendre sa voiture quand ce n’est pas indispensable. Aucun n’a vraiment explicité qu’un tel objectif a peu de chance d’être atteint sans restreindre la place de l’automobile sur la chaussée. Ces candidats pensent certainement que ça « risque [de faire] fuir quelques uns de leurs […] futurs électeurs »