Parler de vélo, rendre le vélo évident, faire en sorte que les candidats aux présidentielles parlent enfin de mobilité, voici l’ambition de ce 22 ème congrès de la Fub, Fédération des Usagers de la Bicyclette. Retour sur le Baromètre des villes cyclables et ouverture vers la suite.
Ce congrès, à Tours, vendredi 11 février 2022, dans le superbe palais des congrès, a été très chargé en informations. La soirée de la veille était consacrée à la proclamation des résultats du 3ème baromètre des villes cyclables. Une fois la chose faite, et les journalistes servis, on passa aux choses sérieuses, à savoir la présentation du rapport de Guillaume Gouvier-Cha et l’annonce d’une démarche commune à 4 dans le cadre des élections présidentielles et législatives.
Mais avant de rentrer dans le vif des sujets je voudrais souligner la parfaite organisation et surtout l’incroyable professionnalisme des animateurs et orateurs. La Fub n’est plus une gentille fédération des années 60, elle est une organisation de niveau internationnal, avec des orateurs du genre Sciences-Po – HEC … Cela a été fortement remarqué et on ne peut que l’en féliciter.
- L’essentiel n’est pas la mesure
- Le plus important c’est l’évolution
- Les à-côtés du baromètre, suivi d’une petite revue de presse
- La concomitance des évènements, Parlons vélo et Rapport sur l’économie du vélo
1- Dans le baromètre l’essentiel n’est pas la mesure
Le baromètre des villes cyclables est un baromètre d’opinion. Les participants donnent leur avis, ce n’est pas un concours de kms, de budget ou d’annonces. Evidemment le résultat dépend des personnes qui répondent et n’a pas de représentativité par quotas. La liste des points noirs ou des lieux dangereux ne devrait d’ailleurs pas apprendre grand’chose à personne. En revanche leur publication pourra renforcer des plaidoyers, et souligner la valeur de l’»expertise d’usage ».
Le premier baromètre, en 2018, avait fortement aidé à ce que le vélo soit central dans les Assises de la mobilité et dans la loi qui a suivi. On a commencé à ne plus le regarder avec condescendance, selon les mots d’Elisabeth Borne, alors ministre des transports. Le second, en 2019, avait mis le vélo au coeur des élections municipales. Celui-ci doit le mettre dans les élections présidentielles.
Ce 3ème baromètre a classé les 1625 communes ayant eu au moins 50 répondants dans leurs catégories respectives, afin que l’on puisse continuer à mesurer les évolutions. Mais elle l’a aussi fait évoluer en en créant deux nouvelles, banlieue et île, qui ne sont pas basées sur le nombre d’habitants mais sur le fonctionnement en termes de circulation : destination, origine, mobilités pendulaires … A été également ajouté une question sur le lien entre recherche de nouveau logement et présence de stationnement pour les vélos. Au total 26 questions aux quelles il fallait donner une note, autour de 5 thèmes : Ressenti général, sécurité, confort, efforts faits par la commune, stationnement et services.
2- Le plus important n’est pas le classement, mais l’évolution
Les communes de banlieue appartiennent toutes à un grand pôle urbain, et leurs déplacements quotidiens sont pour l’essentiel soit polarisés par la ville-centre soit intercommunaux. Elles peuvent avoir la même taille qu’une ville moyenne, à partir de 3000 habitants. Saint-Aubin-de-Médoc, Le Teich et Séné se partagent le podium. Dominées par la voitures elles sont cependant tirées par la ville-centre.
Les Villes moyennes sont des villes-centres ou des villes isolées, en tout cas des centralités ayant de 15000 à 100 000 habitants. Ce sont elles qui affichent le plus grand retard. C’est quand même La Rochelle qui tient le haut du pavé, suivie de Bourg-en-Bresse et de Chambéry. Elles ont des notes assez basses, peut-être parce que leurs citoyens sont exigeants dit la Fub, et manqueraient d’expertise technique. On tombe un peu des nues. Dans cette catégorie on a ajouté Charleville-Mézières pour son évolution, et d’ailleurs on reparlera d’elle bientôt.
Les petites villes sont elles aussi des centres ou des territoires isolés. Elles ont, selon l’INSEE, entre 5000 et 15 000 habitants. Les lauréates de cette année sont souvent sur le littoral et souvent commune touristique. Leur population est facilement multipliée par 100 l’été. Dans cette catégorie c’est Saint-Jean-de-Mont suivie de Val de Reuil qui connaît la meilleure évolution. (voir ce que j’en dit en 2021 dans La véloroute de la Seine à vélo commence à prendre forme.) et Marseillan. Toutes trois, selon des modalités différentes, jouent la carte d’un certain tourisme (plage, parc de sports et loisirs…)
Les bourgs et villages ont moins de 5000 habitants et sont classés ici s’ils ne sont pas une banlieue. Les 3 « lauréats » sont encore des communes touristiques du littoral, Vieux-Boucau, La Tranche sur mer, Bretignolles-sur-mer, aux quelles on ajoute Julouville pour son évolution. Elles ont su capter les financements de toutes sortes et la jouer inter-communal.
Le podium pour les Grandes Villes (plus de 100 000 habitants) donne Grenoble en premier, puis Strasbourg, suivie de Rennes. Toulouse est 22ème.
Les métropoles françaises sont quant à elles tout à fait à part bien que dans les grandes villes, et on remarquera que celle qui s’était vue en « capitale mondiale du vélo » ne figure même plus dans les têtes de liste, elle est 12ème. Dans sa région c’est Versailles qui l’emporte. (voir ce que j’en dis dans Aller de Paris à Versailles à vélo, c’est à nouveau possible. )
Les Îles, enfin, ne sont que 5, elles sont isolées, ont peu d’autos et très peu d’habitants, sont souvent favorables au vélo.
3- Le baromètre joue un grand rôle dans ses à-côtés
En fait le plus important est que la collecte des réponses a aidé les associations à se faire connaître, et que les réponses, si elles proviennent surtout de cyclistes, sortent largement des milieux militants. Presqu’autant de femmes que d’hommes ont répondu, autant de jeunes que de vieux, avec de plus en plus de gens peu habitués au vélo ainsi que des gens pour qui le vélo est seulement un loisir.
De tout cela il ressort que la première préoccupation est la sécurité sur la route, notamment pour ceux qui voudraient bien se mettre au vélo. C’est apparu fort, on le sait depuis très longtemps. Il faut donc réduire les conflits en intervenant d’abord sur carrefours et rond-points, alerte la Fub. Il faut aussi réduire l’emprise de la voiture sans nuire aux piétons, mais ça vous le saviez déjà aussi.
Le plus important c’est qu’on parle de vélo partout, dans les campagnes comme dans les banlieues, dans les petites villes comme dans les métropoles. Le vélo est devenu un sujet universel. Alors que la Fub avait décidé de ne plus chercher à faire du chiffre mais de faire du baromètre un moyen de promotion avant tout, cette édition a reçu 50% de réponses en plus qu’il y a deux ans.
L’aspect « lien social » engendré par les opérations de terrain ou de porte-à-porte a aussi été souligné. Cela aura été une aide aux nouvelles associations pour se révéler, et pour engager la discussion avec leurs responsables politiques. 100 nouvelles associations ont rejoint le réseau Fub en deux ans, et cela continue.
Le baromètre remet l’usager au coeur du dispositif. Bien sûr les communes, elles, vont se comparer les unes les autres…
Petite revue de presse
- Quelles sont les villes les plus « cyclables » de Bretagne ? – Ouest-France.
- Baromètre des villes cyclables : Toulouse fait du surplace, voici le classement
- Baromètre des villes cyclables : trois communes du département au top, Perpignan à la traîne.
- Bordeaux Métropole : Saint-Aubin de Médoc montre que le périurbain investit aussi dans le vélo
- Villes cyclables: Versailles en tête en Ile-de-France, Paris recule au classement – BFMTV
- Marseillan, meilleure ville d’Occitanie pour circuler à vélo, la 3e au niveau national
- Vélo: choses vues et entendues au congrès de la FUB, à Tours. Un bel article d’Olivier Razemon, sous forme de liste comme il aime faire. L’interconnexion …, 15 février 2022.
Pour voir les résultats complets du baromètre 2021 cliquer ici.
4- La concomitance des évènements
L’Appel des 4
Sous le nom de Parlons vélo, qui a déjà servi, et bien, pour les élections législatives de 2017 (voir 500 candidats députés parlent du vélo et aussi La Fub interpelle les candidats) mais aussi dans d’autres circonstances (par exemple à Massy : 2 jours de folie à Massy (Essonne) pour parler de vélo), l’objectif reste le même : le vélo doit être central dans le cadre de l’abandon de l’envahissement automobile, et doit faire système. C’est l’ensemble qu’il faut considérer, pas seulement les pistes cyclables. L’industrie en fait partie, tout comme l’infrastructure, les services, l’apprentissage … L’Etat doit absolument s’en mêler, et donc les candidats doivent en parler.
Les 4 appelants sont la Fub, le Club des Villes et territoires cyclables et marchables, Vélo&Territoires (en gros, les départements et régions plutôt sous l’angle des véloroutes et voies vertes), et L’Union Sports et Cycles (les industriels et revendeurs).
L’enquête de Opinion way
Entre vouloir faire du vélo, l’envisager, et en faire vraiment il peut y avoir une grosse différence, mais ce qui frappe en tous cas c’est que toutes les catégories, jeunes ou vieux, ruraux ou citadins indécrotables, femmes ou hommes, déclarent souhaiter des infrastructures rassurantes pour oser passer à l’acte. Cette enquête avait été commandée par la Fub pour enrichir sa présentation du baromètre. Cette fois l’échantillon est conforme à la représentativité habituelle.
La sortie du rapport sur l’économie du vélo
Grâce à l’enquête menée pour le rapport sur la filière économique du vélo (piloté par le député Guillaume Gouvier-Cha) on sait que presque tout peut être fabriqué en France, sauf les tubes semble-t-il, et les cassettes (pour cause de brevet). On gagnera encore plus d’argent en tirant la qualité vers le haut, ainsi que vers les nouveaux types de vélo (les vélo-cargos) et vers ceux qui profitent du nom.
Les industries de l’automobile et de l’aviation doivent (partiellement) se reconvertir et ils en ont la capacité. Certains métiers sont communs, la fonderie par exemple, pour laquelle la vallée de la Meuse, au moins, est encore en vie, et bien plus dynamique qu’on l’imagine.
Le rapport parle du vélo comme enjeu industriel et de souveraineté, et comme d’une économie de service, de logistique et de tourisme. Il appelle à construire une filière industrielle robuste, à se décider à former très sérieusement les professionnels de tous les métiers du vélo, à inciter de manière forte à la pratique du vélo, à muscler le Plan vélo. Il indique 10 décisions prioritaires à prendre mais nous y reviendrons bientôt.
Merci pour ces bons commentaires sur le classement des villes cyclables.
Le médiocre classement de Paris remet les pendules à l’heure et permet de contredire les « satisfecit » que se décerne la Mairie ! Le 16ème arrondissement n’est pas dans Paris « cyclable »!