Toute la presse en a parlé, le cycliste parisien Paul Varry, un trentenaire actif et respecté dans le milieu associatif, est mort mardi 15 octobre 2024 en début de soirée. C’était boulevard Malesherbes, un axe large qui mène vers le 17e arrondissement et le nord-ouest de la capitale. Il était un peu avant 18 h, la nuit commençait à tomber et le trafic était déjà lourd, et cacophonique.
D’après les journaux on voit bien la scène, le cycliste cherche à avancer, un conducteur de SUV lui dispute la place, roule trop prêt, lui coince le pied. Le cycliste tombe, Les caméras et les témoins donneront une version un peu différente, mais la suite est exacte. Le conducteur s’énerve et lui roule dessus. Sur la tête. L’acte volontaire semble établi mais la suite judiciaire se jouera sur ce point. Paul s’est-il relevé après sa chute ? A-t-il tapé de la main sur la carrosserie ? Oui, les caméras le montreront. Peu importe.
Ce qui est sûr c’est que ces axes haussmaniens très chargés en trafic mais aussi très larges ne sont pas aménagés pour accueillir autant de véhicules, qui plus est aussi différents. C’est la raison de la pagaille invraisemblable qui peut y régner. Mais il y a aussi la piste cyclable, qui sert de déviation. Et la violence d’un homme.
Parenthèse
Le boulevard de la Madeleine qui joint la Madeleine à l’Opéra est lui aussi un lieu totalement infréquentable, et pourtant obligé. Il fait le lien entre 2 axes cyclistes, celui qui passe place de la Concorde et celui de la rue Lafayette, qui est elle aussi incontournable mais désormais équipée d’une piste, desservant les deux gares du nord de Paris et La Villette. Une mort terrible avait déclenché le processus.
Le boulevard Haussmann à cet endroit n’est pas aménagé, l’arrière de l’Opéra n’est pas aménagé, l’accès à la piste même est une folie, mais on ne fera rien nous avait-on dit. Doit-on comprendre que la raison est que la mairie de l’arrondissement est débordée par le rôle métropolitain du secteur ou simplement qu’un raccord ne fait pas un kilométrage dont on peut se vanter ? Des lieux délibérément laissés dangereux à Paris les cyclistes peuvent vous en citer …
▶️ Actu-17
▶️ Le Figaro
▶️ Le Parisien le parquet ouvre une enquête pour meurtre
▶️ Libération. «Tous les jours, il y a des violences envers les cyclistes»
▶️ Le Monde
▶️ France-Culture
Guillaume Erner, chronique du 17 octobre 2024, extraits
Il est mort lundi soir un peu avant 18 h à Paris dans le quartier de la Madeleine écrasé par un automobiliste. Paul avait toute la vie devant lui, il avait 27 ans. Mais cette vie lui a été dérobée par une voiture ou plus exactement par un conducteur qui a cru judicieux de devenir un assassin. Paul n’a pas été renversé par mégarde, malencontreusement renversé par une portière par exemple, non ! c’est un type avec lequel il s’était disputé qui est remonté dans sa voiture et pour lui apprendre la vie a décidé de lui donner la mort en l’écrasant.
Alors voilà camarades automobilistes, moi qui suis aussi d’ailleurs automobiliste, mais également cycliste, je puis vous dire une chose : cela ne me surprend pas et cela ne surprend aucun des cyclistes avec lesquels j’ai eu l’occasion d’en parler hier en revenant de la radio.
J’ai d’ailleurs été moi-même percuté par une voiture qui trouvait judicieux de me suivre à 25 cm et n’a pas pu freiner à temps quand j’ai voulu éviter un nid-de-poule.
Je suis automobiliste et je comprends les tragédies, mais je ne comprends pas l’agressivité, la démence et la stupidité de nombreux conducteurs vis-à-vis des deux-roues. J’ai d’ailleurs traversé de nombreux pays à vélo : l’Italie, Taïwan, les États-Unis, et je dois dire que la France est de loin le pire. C’est le pays où chaque cycliste a ses secrets pour éviter l’accident : soit rouler en zigzag pour ne pas se faire coller, s’arrêter même quand on a la priorité … Alors je sais, certains vélos grillent les feux, tournent sans regarder, et quand cela arrive c’est évidemment une erreur, mais hélas, on n’a même pas besoin d’être imprudent pour risquer sa vie à vélo.
▶️ « C’est inacceptable de mourir aujourd’hui à Paris, à 27 ans, en faisant du vélo », a réagi de son côté la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo. (Le Parisien). C’est qui la chèfe ?
Environ 800 personnes ont participé hier soir (le 16) à un hommage place de la Madeleine, très digne. Plusieurs responsables politiques y étaient, dont l’adjoint aux transports, un autre, l’ancien Premier adjoint désormais député.
carto-vélo
(en jaune, itinéraire décrit « entre parenthèses »)
Le Monde, 19 octobre, ce que disent témoins et vidéos
Les témoins et la vidéosurveillance ont permis de déterminer que le conducteur a remonté la large piste cyclable sur 200 mètres et aurait roulé sur le pied du cycliste évoluant à sa gauche. Ce dernier a alors donné un coup sur le capot « pour alerter le conducteur, qui aurait dans un premier temps reculé, dégageant le pied », précise le parquet de Paris. Le cycliste a lâché son vélo pour se montrer à l’avant de la voiture, côté gauche, « manifestant son mécontentement ». L’automobiliste a alors tourné les roues dans sa direction et avancé. L’autopsie a confirmé qu’il lui avait roulé dessus. « La vidéosurveillance montre une surélévation de l’avant, puis de l’arrière du côté gauche du véhicule », ajoute le parquet de Paris (…)
En clair : l’accident s’est produit à l’angle de la rue Boissy-D’Anglas. L’automobiliste et le cycliste roulaient dans le même sens, en direction du sud.
Le boulevard Malesherbes étant embouteillé, les automobilistes utilisent, à leur habitude, la piste comme une voie de pré-sélection pour tourner à droite. Ils le font en particulier s’il n’y a pas, ou peu, de cyclistes et le peuvent parce que la piste est très large, et le séparateur très bas.
Donc l’automobiliste fait cette manoeuvre et se rapproche de Paul, qui se trouvait sur la piste. Paul « se trouvait sur sa gauche » car il roulait probablement au centre de la piste et l’automobiliste peut avoir voulu le dépasser par la droite. Un point reste obscur. Paul était peut-être à pied, poussant son vélo à sa gauche. Sinon comment l’automobiliste aurait-il pu lui rouler sur le pied? Évidement ce n’est rien au regard de l’essentiel. L’homme a délibérément roulé sur Paul. Les caméras le montrent et Le Monde le rapporte.
La rue à droite est la rue Boissy d’Anglas
La Madeleine est au fond à gauche
S’il est récidiviste (comme l’indique Le Parisien dans la vidéo ci-dessous), alors ça se complique encore. Défaut d’aménagement par la Ville et triple délit du citoyen, mais également défaut de vigilance du pouvoir de police, impuissance du pouvoir judiciaire et faiblesse du pouvoir réglementaire sur les engins prévus pour se déplacer ?
Après visite sur les lieux je formule une autre explication. C’est la forme de ce fameux tourne à droite vers la rue Boissy d’Anglas qui pose problème. C’est très évasé. Il faudrait que cela se rapproche de l’angle droit, afin d’obliger les automobilistes à lever le pied, et leur permettre d’avoir une vue vers leur droite et leur gauche, c’est-à-dire vers la piste cyclable et le trottoir. Cela raccourcirait aussi la traversée. J’ajoute sans le décrire car c’est complexe que le carrefour lui-même est source évidente d’accidents. (26 octobre 2024)
- Le Parisien, Faits divers, le 16 octobre. La fin tragique de Paul, militant du vélo mort écrasé à Paris : « Ce contre quoi il se battait l’a tué »
- Qui était Paul Varry, ce militant du vélo renversé par un SUV à Paris ? Le Parisien, vidéo. On y voit les lieux.
Les associations appellent à se réunir ce samedi 19 octobre à 17 h 45 partout en France pour une minute de silence. Les lieux sont sur une carte actualisée en permanence. A Paris-même les prises de parole commenceront vers 17h.
Sans même parler de l’interaction automobiliste et cycliste, quand je conduis ma voiture, j’ai l’impression qu’il y a nettement plus de conducteurs agressifs et voyous qu’il y a 30-40 ans.
Oui on n’a même plus besoin d’être imprudent pour risquer sa vie à vélo…
Jusqu’à ce jour face aux conseils de certains me prévenant que « le vélo était dangereux », je répondais que j’étais très prudente à vélo, attentive au Code de la route, et que les conducteurs de véhicules motorisés n’étaient pas des assassins.
Depuis cet accident qui ressemble à un attentat contre un cycliste, peut-être devrais-je réfléchir à la possibilité pour un conducteur de devenir un assassin ?
Certes cet automobiliste n’a peut-être pas eu la volonté de tuer à cette seconde où il a foncé sur le cycliste, mais son geste était bien un geste de haine, cette sorte de haine punitive vis à vis de cet usager fragile et vulnérable facile à abattre…qui n’avait rien à faire sur le trajet de ce gros SUV ? La force débile du lus fort…
Il n’y a pas de mots pour un tel drame.
Un meurtre n’est pas un assassinat. Y avait-il préméditation ? J’en doute.
Ca n’enlèvera rien à cette horreur et depuis mardi je continue de me demander comment on peut commettre une horreur pareille …
Que Paul repose en paix.
La voiture reste le moyen de déplacement autour duquel doivent s’orchestrer tous les autres, nolens volens : cela va de soi. On n’en est pas encore sorti. Comme pour la prétendue supériorité des hommes sur les femmes, l’inconscient collectif reste bloqué sur des archétypes anciens. Jusqu’à engendrer des meurtriers, comme cet immonde conducteur de SUV.
Bonjour Isabelle, plaisir de vous retrouver, mais comme souvent dans les familles, ce serait mieux en d’autres circonstances… Très touché du décès de Paul, qui était venu une ou deux fois dans le magasin pour un conseil. Sur l’affaire en question, je pense que nous sommes sur l’illustration parfaite de l’exacerbation des intolérances. Pour moi, celle des automobilistes a été poussée à l’extrême au regard de la place prise par les pistes cyclables sur « leur » chaussée. Mais c’est le plan de circulation global dans Paris qui est à revoir.
Sur les faits, maintenant tous le monde les connait. Un abruti de la culture bagnole a juste vu un vélo et à pensé » dégages ou je te roule dessus »! Celui-ci arguait d’un rdv médical pour sa fille. Mais si c’est urgent, un soir à Paris, prends le métro ou prends de la marge, mais ne tues pas un gamin…
Pour ce qui est des pouvoirs publics, la responsabilité est grande également, de laisser se développer une impunité quasiment totale AU QUOTIDIEN pour la circulation, hors opération médiatique « coup de poing ».
Je m’étais entretenu avec Guillaume Gouffier avant la candidature de Macron. Pour financer les pistes et aménagements, je lui avais suggéré que soient verbalisés les manques de clignotant, qui eut-été une manne. Jamais aucun retour sur un problème que je considère comme majeur.
Quai de St-Ouen, 3 ans de travaux pour une piste cyclable, toujours pas ouverte, car ni entrée ni sortie digne de ce nom. Paix à ton âme Paul, sachant que cela aurait pu arriver à chacun d’entre nous et peut encore nous arriver, en allant ou revenant de la République ce soir.
Évitez à tout prix toute altercation avec les automobilistes. Même si ça semble injuste. Les refus d’obtempérer sont de plus en plus nombreux, preuve que beaucoup ne respectent même plus les forces de l’ordre. Pensée aux familles des policiers renversés dans l’exercice de leurs fonctions. Pour notre securité 🙁
– Notre angoisse à tous, c’est lorsque nous nous retrouvons sur des voies à sens unique où il n’y a pas la place pour l’automobiliste de dépasser le cycliste de manière sécurisée. La consigne est alors de rouler au milieu de la chaussée. C’est une situation délicate, car nous savons que nous pouvons avoir affaire à un automobiliste qui peut se montrer dangereux. Après la mort de Paul, nous oserons encore moins le faire. C’est un recul.
– Je vais m’installer dans une petite ville du Var et je sais par avance que ce sera moins facile que dans une grande ville, dans la mesure où les déplacements à vélo sont très minoritaires. On est alors moins accepté.