Les vendeurs de mono-roues mènent la bataille pour l’acceptation de leurs engins dans les pistes cyclables. C’est en effet le seul moyen aujourd’hui pour que leur marché prenne de l’expansion. C’est ce qui ressort de ma visite à la foire de Paris.
Dans les rangs de la foire de Paris les vendeurs de gyropodes sont nombreux, et ont supplanté les VAE vus en grand nombre l’an dernier. Pour vaincre les hésitations des clients ils leur précisent que leurs engins ne roulent pas plus vite qu’à 25 km / heure, affirmant que c’est la limite autorisée sur les pistes cyclables…
Leurs dépliants sont plus prudents, anticipant sur la réglementation de leurs voeux : c’est leur vitesse à eux qui serait limitée à 25 km/h. C’est en effet le seul moyen pour qu’ils finissent par avoir une place officielle sur la voie publique.
Ils roulent vite
Ces engins peuvent rouler beaucoup plus vite, et leur débridage est aisé, grâce au kit qui est fourni avec. Ils sont d’ailleurs autant des modes de déplacement que des jeux pour « geeks », pour fanatiques de nouveautés électroniques. Lumières clignotantes en banderole, réglage de la souplesse, musique, compteurs variés… sont programmables depuis le smartphone.
Et d’ailleurs, curiosité intéressante, il n’y a que 3% des personnes qui passent la porte des magasins qui ne soient pas des hommes ! Ces engins n’intéressent qu’eux. Heureusement, jusqu’à présent et peut-être à cause de leur prix, les utilisateurs étaient plutôt du genre sérieux costume cravate, et prudents. Ça change déjà, les prix baissent et certains sont proposés en version enfant, tel le « smartboard pour kids » (sic) d’Ecoriders. Notez que si les prix baissent, la sécurité aussi, puisqu’elle est assurée par le poids de l’engin et sa réactivité (le nombre de calculs à la seconde) en cas de basculement. Et si des gens moins responsables en achètent, on peut s’attendre à ce que cela se passe moins bien.
Partageons civiquement, qu’ils disent
La cohabitation sur les pistes cyclables est présentée par les vendeurs comme facile car les vitesses seraient proches, et la complémentarité, avec le vélo et autres modes, effective : le gyropode pour des distances courtes, le vélo, l’auto ou le train pour les plus longues… Comme le vélo, le gyropode serait « sportif », faisant travailler certains muscles, et l’équilibre ne se trouvant que grâce à la vitesse. Il aurait tout pour plaire. Même sur les trottoirs, où il serait soi-disant limité à 6km/heure (sic), une vitesse en réalité pas du tout compatible avec les piétons, et même si ceux-ci marchaient à 5 km/h comme le prétend un de leurs imprimés.
Le lobby semble intense, et organisé. Il travaillerait avec l’AFNOR, l’association de La Prévention routière et le ministère des Transports1 Je tiens mes informations des discussions sur les stands et de l’exploration des documents. L’ écoute de Roue libre samedi (30 avril) a validé mon texte..
Quoi qu’il en soit ces industriels ne sont pas des enfants de coeur, ils viennent du monde des robots et déploient une puissance industrielle et financière impressionnante. Ninebot, qui mène la « négociation », a son siège à Pékin, une usine à Tianjin et une succursale à Hong Kong. La société a acquis Segway il y a un an, vous savez, ces trucs qui nous embêtent déjà pas mal…
Il y a beaucoup de « nouveaux engins », mais on ne sait pas lesquels vont durer
Les gyropodes, patins à roulettes et même planches à roulettes se voient dotés de tout un arsenal électronique… « pour des sensations uniques ». C’est dommage de se priver de la sensation unique et miraculeuse de l’équilibre sur un vélo, et de la découverte de sa propre puissance, même sur petites distances (!), mais il est quand même certain que l’on ne peut plus faire l’autruche. Tous ces nouveaux engins font voler en éclats les distinctions héritées du 19° siècle entre modes de déplacement. Cela doit-il pour autant se faire aux dépends du vélo ?
D’autres « nouveaux engins » réclament leur place, et nous nous en réjouissons. Ils cassent les codes, introduisent de la variété, de l’imprévu et du jeu dans nos villes. On ne sait pas lesquels vont se développer, le roller, qui promettait tant, n’est finalement pas plus un engin de masse que la planche à roulettes, alors que la patinette est devenue trottinette répandue aux portes de nos écoles, et sur les trottoirs. Les vélo-cargos semblent sur le point de triompher, mais sans doute pas les vélos à pignon fixe. On peut à bon droit s’interroger sur la pérennité des gyropodes, quelle que soit leur forme. Mais quoi qu’il arrive, tant que l’essentiel de l’espace public est occupé par le pire de tous les moyens de déplacement on n’arrivera à rien de pacifique. Ou, autrement dit, tous ces nouveaux engins ne trouveront une place que si celle des véhicules motorisés individuels lourds et rapides est réduite.
Il est plus que temps de définir le trottoir …
Sinon, ce sera malaise pour tous, et non la cohabitation gentillette et « civique » tant vantée par les nouveaux arrivants. Pour ma part je pense que tout ce qui roule à plus de 2 à l’heure doit se trouver sur la chaussée. Ce qui implique que cela soit possible, on en revient toujours là. Faut-il rappeler qu’en attendant ils sont soit interdits d’usage (voir ci-dessous), soit cantonnés à des espaces très restreints ?
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Et tant qu’on y est, un très vaste chantier, indispensable, doit aussi être ouvert …
Il est aussi grand temps de réviser certaines règles… Des véhicules se vendent alors que leur utilisation n’est pas autorisée, ou sans que leur existence soit reconnue par les textes… Est-il toujours justifié d’en ignorer l’intérêt ???
Sur le thème de l’intérêt de certains nouveaux véhicules, n’hésitez pas à écouter Nicolas Trüb, invité de Roue libre hier. Il est l’inventeur du Cyclospace, 12° du nom et à chaque fois différent. Ce fut une très bonne émission.
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Ça doit être super de pouvoir débattre la dessus. Malheureusement, j’habite Reims, et je ne sais pas à quoi ressemble une piste cyclable!!!
Tant que les scooters ne sont pas sur les pistes cyclables, ça me va. La question va bientôt se poser aussi pour les vélos à assistance électrique, non?
Merci pour cet article très pertinent.
Le mono roue entre en scène. Velomaxou