La multiplicité et l’hétérogénéité des véhicules, nouveaux, anciens ou ressuscités, a rendu la réglementation de la voirie complètement inefficace. Où doit-on rouler, qui a le droit d’être sur tel ou tel espace ? Comment faire pour éviter frictions et agacements, comment rendre villes et espaces partagés agréables pour tous ? Réflexions sur la façon dont on pourrait aborder la question.
Réglementer la voirie devient impossible
Des vélos qui vont à 50 à l’heure, des autos et d’autres véhicules limités à 4o, des trottinettes et des patins, des roues électroniques et des draisiennes, des 2-roues qui frisent la moto ou … le fauteuil roulant1 Un aperçu de la variété des véhicules se trouve dans Du vélo à l’auto il n’y a pas que la mobylette. … aucun moyen n’est a-priori illégitime. En revanche il est loin d’être sûr que tout ce monde doive ou puisse cohabiter.
La seule solution pour s’en sortir pourrait être de limiter les vitesses de tous et de mettre tout le monde ensemble. Ne pas débrider les moteurs des vélos assistés mais au contraire limiter les vitesses de tous afin que tout le monde puisse cohabiter.
Cette « seule solution » pourrait être surtout de retrouver des trottoirs larges, à vitesses très lentes, compatibles avec le pas du piéton, et des chaussées moins larges qu’aujourd’hui, à vitesses limitées par exemple à 30 ou 40 km/h pour tous. Bref, de redonner de l’espace !
C’est là que commence la fin du raisonnement par « aménagements cyclables » (pistes ou bandes, comme on dit), au profit des chaucidous (les motorisés et assistés rapides sont à double sens au milieu et doivent mordre avec précaution sur les rives cyclables s’ils doivent se croiser), rues cyclables (les motorisés et autres assistés sont tolérés, mais les cyclistes ont priorité sur eux et ne peuvent être doublés), zones de rencontre (les piétons ont priorité sur tous les autres, mais ne doivent pas les bloquer exprès) et autres. Toutes ces zones où on organise le mélange.
Les pistes dédiées restent nécessaires là où existent des routes dédiées (voies express, nationales, structurantes, de rocade, etc), mais devront désormais être assez larges pour que tous les usagers vulnérables y soient à l’aise. Et ça ira encore mieux s’il est clair que les piétons marchent à gauche et les roulants à droite, le plus lent le plus à droite. Leur largeur sera maximale là où il y a beaucoup de monde, c’est-à-dire en ville, et pourra être réduite aux dimensions actuelles au-delà des zones habitées.
En ville c’est par les vitesses que l’on doit distinguer les espaces. L’aire piétonne tout comme le trottoir pourrait être limitée à 4 km/h, la zone 30 à 30 à l’heure sur chaussée et 4 à l’heure sur trottoir, etc.
L’enjeu est plus que jamais la qualité et l’usage de l’espace public. C’est la fin de « les autos, et le reste ».
Attention au piège de la motorisation, mais ne restons pas piégés par la méfiance envers l’assistance
Beaucoup de choses peuvent se faire sans moteur, n’en déplaise aux industriels qui voient plus de valeur ajoutée dans les engins motorisés que dans les autres. Les vélomobiles sont si bien optimisés qu’ils atteignent le 50 km/h en quelques coups de pédales, sans que le chef de la réglementation n’ait encore rien vu.
Méfions-nous des fabricants et vendeurs qui ne voient leur intérêt que là où c’est cher. On vend même des VAE pour enfants, et avec fierté, en plus !!! L’électrique n’est pas à lui seul « le progrès ».
Il n’y a pas non plus d’intérêt à ce que les inventeurs et entreprises soient piégées par des normes obsolètes. Les vélo-cargos auraient besoin de plus de puissance embarquée pour les côtes dures avec chargement lourd, et ne réclament en rien d’être autorisées à plus de vitesse. Les vélomobiles trouveraient parfois grand profit à une petite assistance électrique, qui les maintiendrait à 50 sur la voie express. Or viser une homologation pour un véhicule qui dépasse les 25 km/heure est excessivement cher, tout comme pour une mobylette à pédales et à 4 roues qui peut rouler à 40 km/h. La créativité dépasse la capacité à suivre des autorités, tout ce qui roule fait fureur. Seules les grosses sociétés ont les moyens de se faire homologuer.
Les définitions sont à reprendre
Les frontières entre modes s’estompent, les critères de caractérisation sont à revoir. On ne peut plus parler de 2R ni de 2RM, ni peut-être même de piéton. Peut-on même encore parler de voiture automobile et de véhicule particulier ?
Les différences pertinentes ne reposent plus sur des aspects techniques (force musculaire / motorisation; nombre de roues; besoin d’un apprentissage, d’un permis spécial, homologation…) mais, sans doute, uniquement sur la masse et les vitesses pratiquées, et, peut-être, sur l’âge, aussi.
>Le vélo de coureur et le vélo de mon gamin de 3 ans n’ont pas vocation à utiliser les mêmes infrastructures, et pourtant ils le font, observez-le sur les voies vertes.
> Le vélo du gamin doit, et est autorisé à, rouler sur le trottoir, mais son papa doit aller sur la chaussée, au détriment de toute évidence.
> La mobylette du père tranquille qui va à son jardin n’a pas grand chose à voir avec la meule de l’ado qui terrorise son quartier, ni avec le motard et fier de l’être qui se tuera sur un coup d’accélérateur. Pourtant ils sont tous interdits de trottoirs, de pistes cyclables et de voies vertes.
> La voiturette électrique elle-même est-elle vraiment une voiture, alors que la « voiture à pédale » (vélomobile) la double à 50 à l’heure ?
> Le facteur à vélo a toujours roulé sur les trottoirs, l’évidence est qu’il ne peut faire autrement. En compagnie de piétons, le vélo même monté ne va pas plus vite que ses compagnons. Et la « grand-mère » qui se sert de son vélo comme d’une cane à la montée, et de descensoir à la descente, vous la mettez avec les camions ???
> Le lêche-vitrine pourrait se faire à vélo aussi, le seul inconvénient c’est l’espace occupé. Mais le jeune et son horrible pétrolette, nous l’envoyons sur la route ? Eh oui, en espérant qu’il se calme …
> Quant aux patineurs, rare sont ceux qui ont leur place avec les piétons, mais pas plus avec les autos, et difficilement avec les cyclistes ! Nous avons parlé des draisiennes, nous négligeons les giropodes et les trottinettes … et nous sommes tous en plein rêve.
La réglementation doit être revue
La réglementation doit être revue. La multiplicité des modes de déplacement et l’absence de frontières étanches entre eux rend l’exercice entièrement nouveau et pourtant indispensable. Il paraît qu’on commence à y penser. On a assez vu de nouvelles définitions incomplètes (voir l’article Qui connaît encore le code de la route?), alors attention à ce qu’elle soit issue d’une riche réflexion et d’une vaste concertation, afin qu’elle fasse consensus et tienne plus que quelques années.
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—Note—
Réflexion intéressante à poursuivre.
Il faut aussi réfléchir à la gestion des intersections.
La meilleure réglementation serait le respect mutuel entre tous les usagers, malheureusement on ne l’enseigne plus, regardez nos candidats. Ils oublient que les enfants écoutent.
Effectivement, il va falloir remettre à plat les définitions et les normes/règlements.. et les faire appliquer… Merci pour tes contributions.
http://bougezautrementablois.over-blog.com/2017/04/les-nouveaux-engins-plus-ou-moins-motorises.html
Les piétons et les vélos n’ont pas besoin d’une refonte de la réglementation, mais d’aménagements tels qu’on les voit dans d’autres pays.
On peut inventer tout un tas de règles, de lois et de normes, on sait très bien que la voiture n’en respectera aucune. Que ce soit vitesse, trottoirs, pistes cyclables, rien n’échappe à son hégémonie abrutissante.
De nouvelles règles n’y changeront rien sauf si la police décide de faire appliquer les règles actuelles mais la police est en voiture et elle aussi, elle ne respecte pas vraiment les règles. Ne trouve t-on pas régulièrement des policiers garés sur des trottoirs, des pistes cyclables? Ne s’écartant pas d’un cm quand ils croisent un vélo dans un contresens cyclable?
Merci pour cet article salutaire !
Réflexion et refonte certainement, mais attention à l’usine à gaz ! De tous les critères de classification, la vitesse reste le plus important, et de loin, mais pas forcément le seul.
La vitesse est facteur de danger pour soi et pour les autres, et par conséquent du sentiment d’insécurité, voire d’agression ressenti.
D’où l’intérêt de pacifier les villes à 30 km (pas que pour les voitures…) car cela permet de mélanger les différents mobiles dans un même flux et de réserver une grande part de la chaussée aux autres usagers, piétons, mobiles lents (50 km/h), prévoir obligatoirement une piste séparée.
Élaborer et mettre en place une fiscalité carbone volontariste qui encourage les industriels et particuliers à s’orienter vers des véhicules légers, moins puissants, moins gourmands (division par 3 de la consommation pour l’essence, mais la légèreté doit s’appliquer aussi à l’électrique !)
Et bien entendu beaucoup d’instruction civique au « bien vivre ensemble » pour napper le tout ! Servir frais ou chaud selon la saison, mais servir vite, ça urge !
Sans oublier, les adaptations locales proposées par les élus et les techniciens locaux comme le trottoir cyclable voie verte, les pistes cyclables où il faut mettre le pied à terre, pistes cyclables qui perdent la priorité à chaque intersection tandis qu’en tant que piéton vous seriez prioritaire, le manque de volontarisme à généraliser les cédez-le-passage aux feux, les sas vélos et autres double-sens vélo pour de fausses raisons sécuritaires…
Petites choses qui se multiplient par 36 000 communes, intercommunalités et autres collectivités compétentes en voirie, voies vertes, véloroute,
Attention, à vouloir tout réformer, on risque de se retrouver avec casque et assurance obligatoire pour aller chercher le pain au bout de la rue, ça ne va pas rater. Les nouveaux types de véhicules restent très minoritaires et peuvent faire l’objet, au besoin, de réglementations spécifiques additionnelles.
En revanche repenser les aménagements eux même, non plus en terme de type de véhicules mais de vitesse et de gabari est intéressante, car c’est souvent ce qui se passe spontanément dans la pratique. C’est suivant cette logique que le cycliste sportif bien élevé roule souvent sur la chaussée plutôt que sur la piste cyclable encombrée de gamins de 3 ans, ou alors modère sérieusement sa vitesse. Formaliser d’avantage le fait qu’une vitesse maximum s’applique aussi aux cyclistes serait sans doute une bonne chose.